Escalade sécuritaire et intervention privée
Face à une insécurité croissante en Afrique, des groupes djihadistes du Sahel aux menaces maritimes dans le golfe de Guinée, de nombreux gouvernements se tournent désormais vers les entreprises militaires et de sécurité privées (PMSCs). Des figures notoires comme le groupe Wagner au Mali, aux sociétés plus discrètes en Mozambique, au Nigeria et même au Kenya, ces entités opèrent souvent dans l’ombre, échappant à un contrôle public adéquat. Éroder la responsabilité démocratique et approfondir l’influence étrangère définissent de plus en plus le visage de la sécurité africaine.
Une continuité historique préoccupante
Le recours à des forces privées n’est pas nouveau en Afrique. Dans les années 1990, Executive Outcomes, une société sud-africaine, intervenait en Angola et en Sierra Leone, sécurisant des zones riches en diamants en échange de leur succès militaire. Bien que largement critiquée, cette intervention a pavé la voie pour les contractuels d’aujourd’hui. En 2021, le groupe Wagner, société militaire privée russe, a commencé ses opérations au Mali, apparemment en échange de l’accès à l’or et à d’autres ressources locales. Cela rappelle tristement des schémas anciens : des entrepreneurs profitant de la fragilité des États pour consolider des régimes en place et sécuriser des actifs lucratifs.
Des transactions lucratives et leurs conséquences
Au Soudan, les opératifs de Wagner sont arrivés dès 2017, par le biais d’une entreprise-facade appelée Meroe Gold, visant à sécuriser l’accès aux gisements d’or. En retour, Wagner aurait fourni des armes, des formations et un soutien politique aux Forces de soutien rapide, une entité clé du conflit civil en cours au Soudan. Cette formule-échange de sécurité contre de l’or-a alimenté l’instabilité du pays, générant une économie conflictuelle autour de ce que le magazine TIME en 2024 a qualifié de ‘or de sang’ alimentant les groupes armés via les marchés de l’or de Dubaï.
Problèmes d’imputabilité et de contrôles
Ces entreprises privées sont souvent payées en nature, par l’accès aux ressources naturelles comme l’or, le pétrole ou d’autres contrats logistiques, alimentant l’instabilité plutôt que la résolution des conflits. Priorisant la sécurité des investisseurs sur les droits des citoyens, elles peaufinent une économie militarisée extractive où les profits priment sur l’intérêt public.
Réformer les structures de supervision
Les gouvernements africains et les organisations régionales pourraient imposer des cadres réglementaires plus stricts pour les PMSCs, y compris une transparence contractuelle publique et des directives opérationnelles strictes. Impliquer les parlements, la société civile et les organismes de surveillance régionaux pourrait également renforcer la supervision et promouvoir la création d’une convention dirigée par l’Union Africaine sur la sécurité privée, adaptée aux contextes africains.
L’ultime défi : restaurer la confiance publique
Alors que les PMSCs se multiplient à travers le continent, non seulement elles reconfigurent les champs de bataille, mais elles ébranlent aussi les fondements de la gouvernance démocratique. Pour relever ce défi, il est impératif de défendre les principes d’imputabilité, de souveraineté et de transparence, ce qui signifie construire de nouveau des institutions sécuritaires ancrées dans la confiance et le consentement public, et s’adaptant à l’évolution rapide du paysage géopolitique global.