Un tournoi partagé, un défi amplifié
Lorsque la Confédération africaine de football a confié l’organisation du Championnat d’Afrique des nations 2025 à un trio est-africain inédit – Kenya, Tanzanie et Ouganda –, la partition sportive s’est soudain complexifiée. Trois capitales, trois climats, trois contextes sécuritaires différents : pour les Diables Rouges, habitués aux joutes ouest-africaines ou marocaines, le déplacement s’annonce intense. « Nous devrons gérer des transferts internes plus longs que certains matchs », résume un membre de la Fédération congolaise de football (Fécofoot), conscient qu’une bonne préparation logistique vaudra presque un avantage tactique.
Barthélémy Ngatsono joue la carte de la continuité
Le sélectionneur, auréolé du quart de finale atteint lors de l’édition 2018, a dévoilé à Brazzaville une liste de vingt-sept joueurs, tous issus du championnat national. Le technicien a privilégié la stabilité de l’AS Otohô, de l’Inter Club et des Diables-Noirs, épines dorsales d’une équipe qu’il décrit comme « réactive, capable d’étouffer l’adversaire dans les vingt premiers mètres ». Dans les cages, Simon Ulrich Samba, Christophe Fresnel Mavy Wamba et le jeune Chelly Prince Bonze incarnent un savant mélange d’expérience et de fraîcheur. La défense, charpentée par Chrislay Pedro Peya Ockombi, Guy Chancy Ganga ou encore Charles Atipo Konde, devra combler l’absence de certains expatriés inéligibles au CHAN.
Milieu conquérant, attaque en quête de réalisme
Au centre du terrain, Vincent Vends Dzaba Kouakou et Hernié Victor Mossala promettent densité athlétique, tandis que Brudet Vigila Okana ou Gloire Miguela N’amblait Onguele apportent un registre plus créatif. En pointe, Japhet Eloi Mankou Nguembete, Wilfrid Nkaya et Mignion Koto devront convertir les rares occasions dans ce tournoi réputé âpre. « Notre efficacité a souvent été notre talon d’Achille ; cette fois nous voulons inverser la tendance », plaide Ngatsono, qui mise également sur la percussion de jeunes profils comme Dechan Rayan Moussavou ou Dericka-Chadrac Ossétie Debon.
Un calendrier condensé, un public exigeant
Du 2 au 30 août, la compétition imposera un rythme effréné : trois matches de groupe en huit jours avant d’enchaîner, le cas échéant, quarts et demi-finale tous les quatre jours. Les supporteurs brazzavillois, qui n’ont plus vibré pour une campagne africaine depuis la CAN féminine 2022, attendent un sursaut. Dans les quartiers de Poto-Poto ou Moungali, les débats se font déjà passionnés : faut-il titulariser Samba malgré quelques sorties aériennes hésitantes ? La présence de l’expérimenté Van Igor Boukaka Landou suffit-elle à solidifier l’axe défensif ? Les réponses prendront forme lors du stage bloqué prévu à Kintélé, théâtre d’intenses séances à huis clos.
Préparation domestique et regards tournés vers l’Est
Sur le plan organisationnel, la Fécofoot planche sur deux matches amicaux contre des sélections locales de la RDC puis du Cameroun, histoire de tester la résistance mentale du groupe. Le budget, estimé à près de 450 millions de francs CFA, reste tributaire des subsides de l’État et d’éventuels partenariats privés. « Nous entrons dans une phase où chaque franc doit avoir un impact sportif tangible », souligne un responsable du ministère des Sports, rappelant les critiques formulées par la Cour des comptes en 2023 sur la gestion des compétitions internationales.
Vers un été décisif pour la génération Samba
Au-delà du résultat brut, cette édition du CHAN servira de laboratoire à ciel ouvert pour la génération qui visera les éliminatoires de la CAN 2027. Les recruteurs tunisiens et soudanais, friands de talents bruts et disponibles à moindre coût, scruteront la moindre fulgurance. Dans les travées du stade Alphonse-Massamba-Débat, certains agents murmurent déjà que le latéral Prince Mouandza Mapata possède « le coffre d’un futur international A ». Reste à convertir les promesses en actes, loin de la moiteur brazzavilloise, sous les projecteurs d’un Est africain qui rêve de prouver son savoir-faire organisationnel.
La patrie, pour sa part, retiendra surtout que le football demeure ce miroir sur lequel se reflètent tant d’espoirs collectifs. Si la sélection congolaise parvient à franchir à nouveau le cap des quarts, elle offrira au pays une rare bouffée d’optimisme. Faute de quoi, le microcosme sportif local replongera dans ses sempiternels questionnements. Comme toujours, la ligne est ténue entre gloire continentale et introspection nationale.