Un bureau resserré pour une année charnière
Samedi 21 juin 2025, dans une salle comble d’un hôtel du centre-ville de Brazzaville, Félix Guy Charles Paul Manckoundia a annoncé la nouvelle composition du Comité exécutif national de l’Union pour la nation. L’instance, qui comptait quinze membres depuis la fondation du parti en 2024, n’en aligne plus que treize. À ses côtés demeurent des figures de la première heure, telles qu’Esther Blandine Claudia Bouanga, confirmée au secrétariat général, ou encore Alain Matala-Demazza, promu porte-parole avec portefeuille communication et nouvelles technologies. Mais cinq visages inédits surgissent, parmi lesquels l’agro-économiste Rock Stanislas Ngakoly ou la juriste Marianne Kipissa Mbélé, marquant un mélange voulu entre technicité et représentativité (déclaration du parti).
Le président national a justifié la cure d’amaigrissement par « le besoin d’efficacité décisionnelle et de réactivité » dans une conjoncture politique qu’il juge « exigeante pour les jeunes formations ». Pour les observateurs, la manœuvre vise surtout à consolider un leadership interne encore frais, un an après la fondation du parti, en concentrant les leviers stratégiques autour d’un cercle de fidèles.
La délicate équation des équilibres internes
Derrière l’affichage de modernité, le remaniement entérine plusieurs arbitrages sensibles. Le poste de secrétaire chargé des finances revient à Armandine Murielle Moutila Nsayi, comptable agréée et proche de la trésorière sortante, ce qui témoigne d’une volonté de rassurer la base sur la traçabilité des contributions. En parallèle, la création d’un secrétariat dédié à l’économie solidaire et au monde rural, confié à Ghislain Mezieba, traduit le souci de peser au-delà du périmètre urbain brazzavillois qui a jusqu’ici constitué le vivier électoral principal de l’Union pour la nation.
Certains départs, en revanche, font grincer des dents. Des cadres historiques relégués à des « missions d’implantation » en régions y voient une mise à l’écart à peine voilée. « Nous ne sommes pas dans une logique d’exclusion mais de redéploiement », assure le nouveau secrétaire chargé des adhésions, Patrick Elion Mazoumo, joint par téléphone. Le mot d’ordre officiel reste la discipline, pourtant la capacité du parti à contenir les frustrations internes sera déterminante dans les prochains mois.
Un message calculé à l’électorat urbain
Le choix de maintenir un effectif réduit s’inscrit dans une rhétorique managériale prisée des jeunes urbains brazzavillois, cœur de cible de l’Union pour la nation. En supprimant deux fauteuils, Manckoundia s’aligne sur l’imaginaire d’une gouvernance allégée, promesse récurrente dans les discours de la société civile. Le parti espère ainsi se distinguer d’appareils plus installés, jugés pesants et opaques, à l’image de certaines formations dominantes dans l’hémicycle.
L’intégration explicite de portfolios liés à l’innovation technologique, à l’environnement ou encore aux droits des peuples autochtones répond également à des préoccupations montantes parmi les primo-votants. « Il s’agit de thématiques qui parlent directement à la jeunesse congolaise, souvent connectée et attentive aux débats globaux sur le climat », rappelle la politologue Irène Makosso, analyste de la vie partisane brazzavilloise.
Un repositionnement stratégique face aux concurrents
À un an de la prochaine échéance législative, l’Union pour la nation doit clarifier sa place dans l’échiquier. Le remaniement est perçu comme une tentative de gagner en crédibilité institutionnelle sans perdre l’étiquette de parti neuf. « Nous voulons éviter le syndrome des micro-formations cantonnées à la contestation », confie un conseiller anonyme. La nomination de Mohamed Eti au portefeuille des affaires juridiques peut être lue comme un signal d’expertise alors que la formation multiplie les recours devant la Cour constitutionnelle pour contester des résultats municipaux partiels de 2024.
La concurrence s’intensifie également sur le registre du socio-économique. En dotant le bureau d’un secrétariat chargé de la santé et des actions sociales, occupé par Régis Socky Badinga, le parti se positionne sur les secteurs où l’État est jugé défaillant. Il espère ainsi capter une partie de l’électorat populaire qui oscille traditionnellement entre abstention et vote loyaliste.
Cap sur la visibilité et le test électoral
Le nouveau bureau aura pour première tâche de conclure la tournée nationale de structuration entamée en mars dernier. Selon une note interne, l’objectif est d’atteindre vingt-cinq fédérations départementales avant décembre 2025, contre treize actuellement. La secrétaire générale, Esther Bouanga, insiste sur la nécessité d’« outiller les sections locales » en formation politique et en matériel de communication, deux postes budgétivores pour un parti sans financement public significatif.
Sur le plan externe, la charge du porte-parole Alain Matala-Demazza consistera à muscler une présence numérique encore balbutiante. À Brazzaville, seuls 38 % des 18-35 ans identifient le logo du parti, selon un sondage Afrobaromètre publié en avril 2025. Le test grandeur nature interviendra lors des partielles prévues dans la circonscription de Mfilou où l’Union pour la nation a investi Rock Stanislas Ngakoly.
En définitive, la réduction du Comité exécutif apparaît comme un pari mesuré : gagner en cohésion sans verser dans la personnalisation excessive. Il reviendra aux treize membres désormais installés de démontrer que la souplesse organisationnelle peut se convertir en voix dans les urnes. À défaut, l’opération de juin 2025 pourrait n’avoir été qu’un ajustement cosmétique dans une arène politique où la symbolique compte autant que les effectifs.