Un vote décisif au Palais des congrès de Brazzaville
Dans un hémicycle où l’on sentait davantage l’urgence budgétaire que la fièvre politique, les sénateurs congolais ont adopté, le 25 juin, le projet de loi autorisant la ratification du contrat de financement signé avec la Banque mondiale. Présidée par Pierre Ngolo, la séance plénière a offert au ministre des Finances, Christian Yoka, l’occasion de rappeler que « toute respiration macroéconomique durable passe par une gestion budgétaire assainie ». La chambre haute a donc donné son feu vert à un troisième appui, d’un montant de 70,6 millions d’euros – soit 46,3 milliards de francs CFA –, censé consolider la trajectoire de redressement amorcée en 2022.
Architecture du troisième appui : entre Bird et Aid, un double guichet stratégique
Le texte ratifié s’articule autour des deux bras financiers du Groupe de la Banque mondiale : la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (Bird) et l’Association internationale de développement (Aid). Cette architecture mixte traduit la position hybride du Congo, pays à revenu intermédiaire confronté à des vulnérabilités de pays pauvre en matière sociale. La combinaison Bird–Aid permet d’obtenir des conditions concessionnelles tout en demeurant éligible à une assistance technique de haut niveau, notamment sur la modernisation des régies financières (Banque mondiale, 2024).
Premier pilier : la mobilisation des recettes, nerf de la souveraineté budgétaire
Quatre axes composent le premier pilier et visent à élargir la base fiscale, digitaliser les douanes et rationaliser les exonérations. Dans le détail, les régies doivent déployer un numéro d’identification unique, renforcer la facture électronique et harmoniser les bases de données de la Direction générale des Impôts et des Douanes. « Le rendement fiscal stagne autour de 12 % du PIB, loin des 17 % recommandés pour financer l’Agenda 2063 de l’Union africaine », souligne la macroéconomiste Aimée B. Diawara, jointe par téléphone. Le gouvernement espère donc hisser le taux de pression à 15 % dès 2026, objectif jugé « ambitieux mais atteignable si la lutte contre la fraude gagne en vigueur », selon un rapport interne du ministère.
Deuxième pilier : traduire la croissance en emplois et services sociaux
Le second pilier, fort de cinq composantes, cible la santé, l’éducation et l’agriculture vivrière, secteurs identifiés comme catalyseurs d’une croissance inclusive. Il s’agira, par exemple, d’allouer au moins 15 % du budget national à la santé et de porter la scolarisation des filles à 95 % dans le primaire. Des indicateurs de performance conditionneront le décaissement progressif des tranches budgétaires. « Il ne s’agit plus seulement de réformes administratives, mais de résultats palpables pour les ménages », insiste Lucien Ndinga, spécialiste protection sociale à l’Unicef Congo.
Le précédent des tranches 2022-2023 : succès partiels et retards structurants
Les deux premières tranches d’appui, décaissées durant la période 2022-2023, ont permis de réduire le déficit primaire non pétrolier de 7 % à 4 % du PIB et de publier, pour la première fois, les rapports trimestriels d’exécution budgétaire. Toutefois, la réforme du code minier et la mise en place d’une cour des comptes dotée d’autonomie restent en souffrance. Le ministère des Finances reconnaît que « la cadence des réformes est tributaire d’une capacité administrative parfois limitée, surtout en province ». Les partenaires techniques plaident pour une professionnalisation accélérée des contrôleurs d’État et une meilleure disponibilité des données publiques.
Réserves et attentes de la société civile
Les organisations citoyennes saluent la transparence accrue autour des affectations budgétaires, mais redoutent une dépendance chronique aux flux extérieurs. « Tant que la dette publique dépassera 75 % du PIB, chaque euro prêté restera un pari sur la capacité du Congo à diversifier son économie », avance Brice Mavoungou, analyste au Cercle pour la gouvernance extractive. À Brazzaville, les commerçants du marché Total espèrent surtout « voir les routes et les dispensaires se rénover, pas seulement les tableaux Excel du Trésor », confie Yvonne Ngodi, vendeuse de produits vivriers.
Perspectives : chronologie serrée avant l’évaluation de 2026
Le contrat prévoit un premier audit d’étape dès le second semestre 2025, suivi d’une évaluation complète fin 2026. En toile de fond, le gouvernement négocie un nouveau programme avec le FMI, dont l’issue dépendra en partie de la mise en œuvre des actions convenues avec la Banque mondiale. La soutenabilité de la dette, la qualité des dépenses sociales et la fiabilité des statistiques officielles figureront parmi les critères déterminants. D’ici là, le Sénat a donné un signal politique clair : la discipline budgétaire s’impose comme le socle de la relance post-pandémie. Reste à transformer l’essai, au-delà des slogans et des diagrammes, pour que chaque franc engagé se traduise en infrastructures fonctionnelles et en emplois décents.