Un transfert qui valorise la filière congolaise
Avec la signature de Merveil Ndockyt jusqu’en juin 2027, la filière congolaise prouve une nouvelle fois sa capacité à alimenter le marché européen. L’opération, officialisée mercredi dans l’intimité du siège social de Rijeka, place le milieu offensif de 26 ans au centre d’un projet sportif ambitieux : conserver le titre national et franchir les tours préliminaires de la Ligue des champions. « Nous souhaitions recruter un joueur capable de dynamiser notre entrejeu et d’amener cette touche d’improvisation africaine », confie Robert Palikuća, le directeur sportif du club, évoquant un transfert dont le montant n’a pas été communiqué mais que la presse locale estime entre 1,2 et 1,5 million d’euros.
Le NK Rijeka, laboratoire croate pour l’élite européenne
Couronné champion en mai dernier au terme d’un suspense haletant face au Dinamo Zagreb, le NK Rijeka s’est imposé comme l’un des clubs les plus stables du championnat croate, misant sur la post-formation et la revalorisation de joueurs sous-estimés. L’arrivée de Ndockyt s’inscrit dans cette logique, observe la chroniqueuse sportive Jelena Prgomet. « Rijeka a l’art de relancer des profils exotiques, de les confronter à un football exigeant puis de les projeter vers les cinq grands championnats », note-t-elle. La perspective d’un parcours européen offre, selon elle, « un double dividende sportif et financier » à un club dont le budget annuel plafonne à 16 millions d’euros.
Dans un environnement réputé pour son pressing agressif et ses terrains escarpés sur la côte adriatique, le natif de Brazzaville trouvera un cadre de travail rigoureux. Les supporters, baptisés « Armada », ne lui accorderont cependant qu’un court délai d’adaptation, prévient le quotidien Novi List.
Ndockyt, un parcours sinueux mûri loin du Congo
Formé successivement au CNFF, au CARA puis à l’AC Léopards, Ndockyt a quitté Pointe-Noire à vingt ans pour l’Albanie avant de goûter à la Liga espagnole avec Getafe et Majorque. Une blessure à la cheville puis la pandémie ont ralenti sa progression, le contraignant à se relancer d’abord à Osijek, ensuite à Gorica. Au total, il laisse derrière lui 131 matches de première division croate, assortis de 18 buts et 21 passes décisives – des statistiques qui ont convaincu Rijeka malgré la concurrence de clubs belges et danois.
« J’ai connu des hauts et des bas, mais je n’ai jamais douté de pouvoir atteindre la Ligue des champions », a déclaré l’international congolais (27 sélections) après avoir paraphé son contrat, sous le regard satisfait de son agent historique, Youcef Boudjemai. Pour Brazzaville, son ascension devient un récit fondateur dans un pays où les modèles de réussite hors pétrole demeurent rares.
Les attentes techniques du coach Željko Kresic
L’entraîneur Željko Kresic table sur la polyvalence du Congolais, capable d’évoluer en relayeur ou en faux ailier. Il espère notamment profiter de sa vision du jeu entre les lignes et de son activité à la récupération. « Nous voulons accélérer notre phase de transition offensive ; Merveil possède cette première touche de balle qui fait la différence », avance Kresic, louant aussi « l’intensité mentale » du joueur.
Le staff souhaite néanmoins améliorer sa régularité dans le dernier geste. Selon les données InStat, Ndockyt termine la saison 2024-2025 avec 74 % de passes réussies dans le dernier tiers, un ratio perfectible au regard des standards de la Ligue des champions.
Un calendrier estival dense avant le baptême continental
À peine installé dans la baie de Kvarner, Ndockyt plonge dans une préparation express : cinq matches amicaux programmés jusqu’au 15 juillet face à ND Primorje, Oleksandriïa, Čukarički, NK Bravo et Göztepe. Le 22 ou le 23 du même mois, Rijeka défiera le vainqueur de Ludogorets – Minsk au second tour préliminaire de C1. En cas de qualification, un troisième tour attend les Croates les 7 et 12 août tandis que la première journée de championnat est fixée au 2 août.
Ce calendrier, resserré comme une partition de jazz, pourrait tourner à l’avantage du Congolais. « Le rythme intense, c’est ce qui me manque pour retrouver ma meilleure forme », admet-il, confiant avoir suivi un programme individuel pendant sa pause estivale à Moungali.
Un symbole pour la jeunesse brazzavilloise
Au-delà du simple périmètre sportif, la trajectoire de Ndockyt touche la jeunesse brazzavilloise, férue de football et connectée aux réseaux sociaux. Dans les rues de Poto-Poto, les commentaires oscillent entre fierté et espoir. « Il prouve que le passeport congolais n’est pas un obstacle si l’on travaille », estime le formateur local Jean-Samuel Mabiala, qui voit en lui « un motif d’émulation pour les académies de la capitale ».
Les autorités sportives congolaises, par la voix du directeur technique national Barthélémy Ngatsono, saluent « un ambassadeur silencieux » dont la progression éclaire le besoin d’investir dans la détection et l’encadrement. Reste à transformer cette fierté symbolique en véritable politique de soutien aux jeunes talents.
Pour l’heure, les projecteurs se braquent sur Rijeka. Si, au soir du 23 juillet, le champion croate parvient à franchir la première marche européenne, Merveil Ndockyt inscrira son nom dans le cercle restreint des Congolais ayant foulé la C1. Un destin aussi fragile qu’étincelant, mais qui, pour un temps au moins, fait scintiller Brazzaville dans le grand théâtre du football continental.
