Crues torrentielles et quartiers fragilisés
Au début du mois de juin, de violents épisodes pluvieux ont transformé des avenues entières des arrondissements Talangaï et Mfilou en véritables chenaux boueux. Les ruissellements, amplifiés par l’érosion des collines entourant Brazzaville, ont charrié des tonnes de sédiments qui se sont déposés dans des quartiers déjà saturés. Les statistiques communiquées par la cellule de veille gouvernementale évoquent plus de 9 500 sinistrés à Talangaï et 4 500 à Mfilou. Dans les venelles de Mpila comme dans celles de Kimbanza, des centaines d’habitations se sont affaissées ou ont été englouties sous les coulées argileuses, provoquant une rupture brutale des réseaux d’eau et d’électricité.
Un tête-à-tête décisif entre ministère et PAM
Face à l’ampleur des dégâts, la ministre des Affaires sociales, de la Solidarité et de l’Action humanitaire, Irène Marie-Cécile Mboukou-Kimbatsa, a reçu le 24 juin le représentant du Programme alimentaire mondial, Gon Meyers. « Nous devons dresser un diagnostic partagé avant d’engager des ressources conséquentes », a confié ce dernier à la presse locale au sortir des échanges. Concrètement, les deux parties ont convenu d’une mission conjointe d’évaluation des besoins allant de l’alimentation d’urgence à la protection des groupes vulnérables, en passant par le relogement temporaire et la santé communautaire.
Les chiffres froids d’un drame humain
Selon un mémorandum interne consulté par notre rédaction, près de 2 300 ménages ont perdu tout moyen de subsistance à Talangaï, tandis que 1 100 toits se sont effondrés à Mfilou. Les axes routiers secondaires, notamment les rues Mabiala-Ma-Nganga et Mayama, sont devenus impraticables, ralentissant l’acheminement des secours. L’entreprise Énergie Électrique du Congo dénombre huit pylônes tombés ou instables, accentuant le risque de coupure généralisée. « La situation sanitaire pourrait rapidement se dégrader si les points d’eau restent contaminés par les débordements », redoute un épidémiologiste de la Direction de la surveillance intégrée des maladies, rappelant l’épisode de choléra de 2018.
Au-delà de l’urgence : bâtir la résilience urbaine
Les experts s’accordent à dire que les crues extrêmes deviendront plus fréquentes à mesure que s’accentue le dérèglement climatique. L’ingénieur urbaniste Aimé Ndinga souligne que « l’expansion non planifiée de Brazzaville, couplée à un système de drainage obsolète, transforme chaque averse en catastrophe annoncée ». L’État mise sur un programme de drainage des eaux pluviales appuyé par l’Agence française de développement, tandis que des ONG locales plaident pour une reforestation ciblée des bassins versants afin de stabiliser les sols. La Banque mondiale évalue à 120 millions de dollars le coût d’un réseau de caniveaux dimensionné pour absorber les précipitations record enregistrées cette saison.
Jeunesse brazzavilloise, pivot de la reconstruction
Dans les quartiers touchés, des collectifs de jeunes ont spontanément organisé des chaînes de déblaiement et de distribution de denrées. « Nous ne pouvions pas attendre l’arrivée des camions, il fallait dégager les ruelles pour que les enfants rejoignent l’école », témoigne Grâce Mavoumba, étudiant à l’université Marien-Ngouabi. Les autorités envisagent d’institutionnaliser ces initiatives via des brigades civiques, rémunérées partiellement par un fonds d’urgence alimenté par la taxe sur les transactions mobiles. Le représentant du PAM voit dans cette mobilisation locale une « preuve de résilience sociale qui mérite un soutien logistique immédiat ».
Diplomatie climatique et financements à sécuriser
Au-delà des opérations de secours, le gouvernement tente de convaincre ses partenaires internationaux d’inscrire la capitale congolaise sur la liste prioritaire du Fonds vert pour le climat. Brazzaville argue que les coûts de reconstruction dépassent les marges budgétaires d’un pays encore fragilisé par la baisse des recettes pétrolières. En attendant, le Programme alimentaire mondial apportera des rations nutritives pour trois mois et un appui technique à la cartographie des zones inondables. Ce couplage entre aide humanitaire et planification préventive devient désormais la matrice des interventions, comme le résume la ministre : « Sortir de l’urgence ne suffit plus, il nous faut anticiper la prochaine crue et protéger durablement nos concitoyens ». La coopération étroite entre l’État, les agences onusiennes et la société civile s’annonce donc déterminante pour éviter qu’une autre pluie ne déclenche, demain, le même cycle de détresse.