Un vote plénier qui scelle une étape budgétaire majeure
Dans l’hémicycle feutré du Palais du peuple, les élus de la Haute chambre ont, à une très large majorité, donné leur aval au financement de 46,3 milliards FCFA proposé par la Banque mondiale. Au terme de deux heures de débats empreints de gravité et de mesures chiffrées, le premier vice-président du Sénat, Auguste Iloki, a salué « un levier additionnel pour sécuriser la trajectoire budgétaire du pays tout en répondant aux attentes légitimes de la population ». Le texte ratifié conforte l’arsenal financier déjà mobilisé avec l’Association internationale de développement et s’inscrit dans le troisième Financement à l’appui des politiques de développement, dispositif qui évalue régulièrement les performances étatiques avant chaque décaissement.
La séance, retransmise sur la télévision publique, a également donné lieu à un message du ministre des Finances, Jean-Baptiste Ondaye, qui a souligné que « ce soutien confirme la crédibilité retrouvée du Congo sur les marchés et auprès des partenaires multilatéraux ». Dans la foulée, les sénateurs ont entonné une brève standing ovation, signe de la confiance affichée dans la solidité des réformes macroéconomiques en cours.
La consolidation des comptes publics, pierre angulaire de la relance
Avec un ratio dette/PIB passé de 98 % en 2017 à un peu moins de 80 % fin 2024, l’assainissement budgétaire demeure le socle de la stratégie impulsée par Brazzaville. Le nouveau décaissement de la Banque mondiale doit permettre de poursuivre la rationalisation de la dépense et de fluidifier la chaîne de la trésorerie d’État. Selon la note de la Commission économie et finances du Sénat, la réallocation des crédits devrait se concentrer sur les dépenses d’investissement à fort rendement social, notamment les infrastructures de santé primaire et les programmes d’alphabétisation des jeunes adultes.
Le dispositif prévoit également d’ancrer la discipline budgétaire au moyen d’indicateurs trimestriels, avec un contrôle citoyen renforcé. « La transparence budgétaire n’est pas une occurrence, c’est un impératif », a rappelé la sénatrice Évelyne Nsimba, présidente de la commission, avant de noter que le portail de données ouvertes du ministère des Finances connaît désormais plus de dix mille consultations mensuelles.
Un contexte économique soigneusement recalibré
Le Congo-Brazzaville a traversé une conjoncture contrastée durant la décennie écoulée, marquée par la volatilité des cours pétroliers puis par le choc sanitaire mondial. La dynamique s’est toutefois infléchie au second semestre 2024 avec le recentrage du Plan national de développement 2022-2026 sur les aspirations de la jeunesse. Le gouvernement a rehaussé l’enveloppe destinée à l’entrepreneuriat des moins de 35 ans de 40 %, favorisant l’émergence d’une économie numérique en plein essor. Dans ce sillage, la croissance non pétrolière devrait atteindre 4,3 % en 2025, selon le dernier rapport conjoint FMI-Banque mondiale.
Le parachèvement, en mars 2025, de la sixième revue du programme triennal facilité par le FMI a par ailleurs offert un signal fort aux investisseurs. « Le Congo s’ouvre un boulevard pour attirer des capitaux privés dans les filières agro-industrielles et minières », commente l’économiste Tom Ayessa, enseignant-chercheur à l’Université Marien-Ngouabi, qui insiste sur « l’effet d’entraînement attendu sur l’emploi urbain et périurbain ».
Des réformes de gouvernance qui montent en puissance
Au-delà de la stricte remise à niveau des indicateurs macroéconomiques, l’exécutif a lancé, courant 2024, le Programme d’accélération de la gouvernance institutionnelle. Cette feuille de route, articulée autour de la dématérialisation des procédures fiscales et de la professionnalisation de la commande publique, vise à augmenter de 2 points de PIB la mobilisation des recettes non pétrolières d’ici à 2026. Les premiers résultats sont tangibles : le temps moyen de paiement des fournisseurs de l’État est passé de 180 à 90 jours, tandis que la plateforme e-taxe enregistre déjà 12 000 usagers actifs.
La Banque mondiale a, de son côté, érigé ces avancées au rang de conditions préalables. « L’accord ratifié aujourd’hui rétribue des progrès concrets, il ne s’agit pas d’un chèque en blanc », a insisté Allassane Diagne, directeur des opérations de l’institution à Brazzaville, interrogé en marge de la plénière. Cette logique de résultats place la gouvernance au cœur du contrat social, tout en préservant la marge de manœuvre nécessaire pour financer les dépenses prioritaires.
Santé, éducation, filets sociaux : les secteurs ciblés par le décaissement
Conformément au cadrage convenu avec l’IDA, une partie substantielle des 46,3 milliards FCFA sera injectée dans la santé primaire. Il est notamment prévu de réhabiliter dix centres de santé intégrés dans les quartiers densément peuplés de Brazzaville et Pointe-Noire, et d’acquérir des équipements de diagnostic de dernière génération. Le ministère de la Santé anticipe une hausse de 15 % du taux de couverture vaccinale infantile d’ici à fin 2026.
Le deuxième axe prioritaire concerne l’éducation de base. Pour la rentrée 2025, un programme pilote de classes numériques sera déployé dans 50 établissements publics. Cette démarche, appuyée par le Fonds pour l’éducation mondiale, vise à doper les compétences STEM des collégiens et à réduire la fracture numérique qui touche encore les périphéries urbaines.
Enfin, un volet de filets sociaux consacrera 7,5 milliards FCFA au renforcement du système de transferts monétaires aux ménages vulnérables. « Nos enquêtes montrent que ce mécanisme a réduit de 8 points le taux de pauvreté extrême dans les zones ciblées », observe la sociologue Clarisse Mabiala, rappelant que la couverture est amenée à s’élargir à plus de 130 000 bénéficiaires directs.
Perspectives et signaux pour les marchés
L’approbation sénatoriale, combinée au bouclage du programme FMI, envoie un message de confiance aux bailleurs et aux investisseurs privés. Les émissions obligataires souveraines envisagées pour 2026 pourraient se faire à des taux plus contenus, profitant d’une meilleure notation et d’un historique d’exécution budgétaire fiable.
À moyen terme, la trajectoire dessinée par l’exécutif s’annonce pragmatique : diversification économique, inclusion sociale et stabilité monétaire. « La conjugaison de ces trois paramètres constitue le meilleur rempart contre les chocs externes », estime le consultant financier Dieudonné Ngoma. La Banque mondiale partage cette analyse, tablant sur une croissance globale proche de 5 % à l’horizon 2027, sous réserve de poursuite des réformes et de discipline budgétaire.
Une responsabilité partagée entre institutions et citoyens
La ratification d’un financement de cette envergure ne pourra porter ses fruits que si la société civile reste mobilisée. Les organisations de jeunes entrepreneurs réunies au sein du collectif Génération 2025 ont déjà annoncé la création d’un observatoire informel chargé de suivre l’exécution des budgets destinés à l’emploi et à la formation. « Nous saluons la confiance que la Banque mondiale place dans notre pays ; il nous revient d’en faire un instrument de prospérité collective », résume leur porte-parole, Junior Mbingui.
Ainsi, la gouvernance budgétaire entre dans une ère de coresponsabilité : l’État fixe le cap, les partenaires techniques accompagnent, et les citoyens vérifient. Un triptyque qui, s’il se maintient, pourrait installer durablement la République du Congo sur la voie d’une croissance inclusive et partagée.