Un ruban tricolore pour une ambition numérique
Le 27 juin, à l’heure où la capitale bruissait déjà des sonorités d’une rentrée académique anticipée, les ciseaux officiels de la ministre de l’Enseignement supérieur, le professeur Delphine Edith Emmanuel, ont découpé le ruban inaugural du laboratoire multimédia pédagogique de l’Agence universitaire de la Francophonie. Cette mise en service, saluée par le ministre de l’Enseignement préscolaire, primaire, secondaire et de l’Alphabétisation, Jean Luc Mouthou, s’inscrit dans la continuité de l’engagement national pour un enseignement résolument tourné vers le numérique. « Ouvrir l’esprit des jeunes au numérique est fondamental », a rappelé la ministre, soulignant la cohérence de cette initiative avec la stratégie gouvernementale de digitalisation des services publics.
Une architecture technopédagogique au service des universités
Concrètement, le laboratoire rassemble plusieurs plateaux de captation audio-vidéo, un dispositif de pilotage à distance et une suite logicielle de montage permettant, selon les mots de Donjul Tchi Ngoma, responsable du campus numérique de l’AUF-Congo, « aux enseignants de produire seuls des contenus de qualité professionnelle ». Compatible avec les principales plateformes d’apprentissage en ligne, l’outil autorise l’encapsulation de formats variés, du micro-cours interactif au module long certifiant, facilitant ainsi la scénarisation pédagogique et l’actualisation continue des supports. Pour les établissements partenaires, il s’agit d’un saut qualitatif qui réduit le coût de production des ressources et affranchit la formation à distance des aléas de bande passante grâce aux optimisations de compression.
Un levier de souveraineté cognitive et linguistique
Au-delà de la prouesse technique, la direction de l’AUF revendique une portée stratégique. Le président Sorin Mihai Cîmpeanu insiste sur la « nécessité d’avoir des enseignants formés pour enseigner en ligne et disposer de suffisamment de contenu digital », rappelant que la production locale de savoirs est un gage d’indépendance intellectuelle. Dans un contexte où les bibliothèques virtuelles sont dominées par des ressources anglophones, l’initiative brazzavilloise contribue à densifier l’offre francophone et à préserver la diversité culturelle. Le recteur de l’AUF, le professeur Slim Khalbous, renchérit : « Le laboratoire multimédia pédagogique est un outil techno-pédagogique qui permet de faire toutes les modifications possibles sur les cours en ligne, faire des scénarisations. »
Une dynamique partenariale entre État, AUF et secteur privé
Si la volonté politique constitue le socle du projet, l’écosystème qu’il mobilise dépasse les seules frontières institutionnelles. Plusieurs entreprises congolaises de télécommunication ont été sollicitées pour garantir une connectivité à haut débit, tandis que les universités membres mettent à disposition des équipes pédagogiques afin de tester des cursus pilotes dans les sciences, les humanités et les filières professionnelles émergentes. Cet enchaînement d’acteurs illustre l’orientation du gouvernement congolais vers des solutions multilatérales, renforçant la crédibilité du pays dans les enceintes internationales traitant de l’inclusion numérique.
Une réponse aux défis de l’accessibilité et de la massification
Les chiffres de l’Observatoire national de l’enseignement supérieur montrent que le nombre d’étudiants inscrits dans les universités publiques a progressé de près de 40 % en dix ans. Face à cette massification, les amphithéâtres traditionnels atteignent leurs limites structurelles. Le laboratoire multimédia constitue un maillon essentiel pour absorber la demande en cours du soir et en formation continue, en permettant à des apprenants éloignés, notamment dans les régions de la Cuvette et du Niari, d’accéder à des modules identiques à ceux dispensés à Brazzaville. Dans une perspective d’équité territoriale, l’outil peut être relié aux centres d’appui régionaux progressivement équipés par les collectivités locales.
Des retombées attendues sur l’employabilité des jeunes diplômés
La pertinence d’une formation ne se mesure plus uniquement à la qualité de l’enseignement mais aussi à la capacité des diplômés à s’insérer sur un marché du travail globalisé et digitalisé. En introduisant des compétences de réalisation multimédia, de gestion de projet e-learning et de veille technologique, le laboratoire permet aux étudiants d’acquérir des atouts recherchés par les entreprises locales et les organisations internationales. Les premiers tests menés avec la filière d’ingénierie informatique de l’Université Marien-Ngouabi indiquent un taux de satisfaction de 92 % chez les apprenants ayant suivi un module hybride, confirmant l’attrait d’une pédagogie interactive et contextualisée.
Perspectives de pérennisation et de rayonnement régional
Pour inscrire cette avancée dans la durée, un dispositif de maintenance de proximité, adossé à un centre de compétences local, est en cours de structuration. À moyen terme, l’AUF envisage de mutualiser certaines ressources avec les campus de Kinshasa et de Libreville, afin de créer un corridor numérique centre-africain. Cette synergie devrait favoriser la circulation des experts et la co-certification de programmes, renforçant l’attractivité de Brazzaville comme pôle universitaire. Les prochains mois seront décisifs pour mesurer l’appropriation des outils par les enseignants, mais l’élan initial révèle une volonté collective de faire du numérique une chance et non une contrainte.