Brazzaville se mue en place forte de la francophonie économique
Deux décennies après son adhésion à l’Organisation internationale de la Francophonie, le Congo a franchi un cap symbolique en accueillant du 26 au 28 juin la 5ᵉ Rencontre des entrepreneurs francophones. Le choix de Brazzaville, salué par le président de l’Alliance des patronats francophones Geoffroy Roux de Bézieux, consacre la capitale congolaise comme une plateforme où se nouent désormais, sur les bords du fleuve, les fils d’une diplomatie économique à haute densité.
Un plaidoyer présidentiel pour des synergies public-privé offensives
Face à un parterre de plus de 1 000 dirigeants venus de trente pays, le président Denis Sassou Nguesso a livré un message mesuré mais ferme : « Les ambitions d’une croissance partagée exigent des partenariats public-privé et privé-privé pertinents ». Derrière la formule, se lit la volonté de faire converger capitaux étrangers et politiques publiques, afin d’accélérer la diversification d’une économie encore tributaire des hydrocarbures. Les observateurs notent qu’en insistant sur la crédibilité des projets, le chef de l’État pose le cadre d’une sélection rigoureuse appelée à rassurer investisseurs et bailleurs.
L’effet Ref : de la convivialité au réseautage structurant
Depuis la première édition à Paris en 2021, la Ref a grandi de façon exponentielle : quelques dizaines de chefs d’entreprise hier, plusieurs milliers aujourd’hui. Cette inflation de participants illustre l’appétence d’un monde francophone qui cherche à bâtir des passerelles Sud-Sud, jusque-là trop marginales. Les échanges bilatéraux n’ont pas été cantonnés aux salons feutrés ; des visites de zones économiques spéciales et de sites portuaires ont permis aux délégations d’évaluer, in situ, les infrastructures disponibles. Pour Michel Djombo, président d’ENI-Congo, « cette retrouvaille signale le rôle central que joue l’entreprise dans la transformation du pays ».
Des atouts tangibles et une fenêtre d’opportunités
Outre ses 170 000 km² de forêts, véritables puits de carbone monétisables, le Congo s’appuie sur un dispositif fiscal incitatif dans ses zones économiques spéciales, sur une connexion fibre-optique régionale et sur l’amorce d’un tissu industriel agroalimentaire. L’indice Doing Business y reste perfectible, mais le gouvernement multiplie les guichets uniques pour les formalités. « Le climat des affaires s’améliore, même si la justice commerciale doit continuer de gagner en célérité », estime un conseiller de la Conférence permanente des chambres consulaires africaines.
La francophonie, laboratoire d’un marché intégré
L’un des fils rouges de la Ref 2025 demeure la création d’une zone d’échanges fluide entre entreprises francophones. En appelant à dépasser la vision verticale Nord-Sud, Michel Djombo défend un maillage Est-Ouest capable de tirer parti des complémentarités sectorielles : capital européens, matières premières africaines, ingénierie nord-américaine, savoir-faire numérique maghrébin. « C’est en Afrique que se peaufine un partenariat équilibré », a-t-il insisté, renvoyant à la démographie galopante du continent et à la montée en compétences d’une jeunesse urbaine avide d’entreprendre.
Jeunesse congolaise : entre ambition et attentes concrètes
Dans les faubourgs de Talangaï, Adèle, 27 ans, fondatrice d’une start-up de paiement mobile, confie espérer que la Ref se traduise en fonds d’amorçage. Même tonalité chez Marvin, ingénieur formé à l’université Marien-Ngouabi : « Nos projets ne demandent qu’un coup de pouce bancaire et un mentorat sous-régional ». Les banques locales annoncent la création de lignes de crédits adossées à l’Agence française de développement et à la Banque de développement des États de l’Afrique centrale, signe que la chaîne de valeur commence à s’imbriquer.
Perspectives : des chantiers pour ancrer la confiance
Si l’enthousiasme a dominé les travées du Centre international de conférences, plusieurs défis restent sur la table : gouvernance des partenariats, fiabilité énergétique, montée en compétence des ressources humaines. Le ministère congolais de l’Économie annonce un cadre législatif rénové avant la fin de l’année, et la Banque mondiale table sur une croissance de 4,3 % en 2026, portée par les services et la pétrochimie. Dans un contexte de fragmentation géopolitique mondiale, la Ref de Brazzaville aura, à tout le moins, démontré la pertinence d’un espace francophone soudé par la langue mais surtout par une volonté partagée d’innover, d’investir et de se projeter ensemble vers une prospérité inclusive.