Un rituel académique célébré sous le signe de la technicité
Le 27 juin, la cour d’honneur de l’Académie militaire Marien-Ngouabi a pris des allures de laboratoire grandeur nature. Sous le regard attentif du ministre de la Défense nationale, Charles Richard Mondjo, l’École de génie travaux (EGT) a solennellement bouclé sa seizième année académique, marquant l’aboutissement de trois cycles distincts : le cours de perfectionnement des officiers subalternes, le cours d’application génie travaux et le certificat technique de deuxième degré option Énergie. « En capitalisant seize années continue d’efforts, nous consolidons la crédibilité du drapeau congolais dans le concert des écoles d’ingénierie militaires africaines », a résumé, non sans fierté, le colonel-major Armand Pascal Mboumba, directeur général de l’établissement.
Une vocation résolument régionale pour l’ingénierie militaire
Dix-huit nations africaines, de l’île de Madagascar aux rives du fleuve Niger, ont dépêché cette année leurs cadres à Brazzaville. Un brassage qui confère à l’EGT le statut de hub continental de l’ingénierie militaire. Les programmes, structurés autour de la filière eau, du laboratoire des sols, de la maçonnerie ou encore de la métallerie, se veulent proches des contraintes opérationnelles rencontrées tant dans les opérations de maintien de la paix que dans les chantiers civils d’envergure. Selon le ministère de la Défense, ce positionnement régional répond à une double exigence : mutualiser les savoir-faire techniques et nourrir une culture commune d’interopérabilité au sein des forces africaines.
Des chiffres qui traduisent une montée en puissance continue
Depuis sa création, l’École affiche un tableau de bord éloquent : 3 275 personnels formés, dont 3 006 agents de la force publique et 269 civils. Le cru 2023-2024 aligne 162 stagiaires, parmi lesquels 29 officiers, héritiers directs d’un enseignement qui conjugue calcul des structures, management de projet et usage raisonné des nouvelles technologies énergétiques. Le colonel-major Mboumba insiste : « Nous totalisons désormais 1 769 stagiaires internationaux contre 1 506 nationaux ; l’équilibre recherché entre ouverture et enracinement local est atteint. » La présence de plus d’une centaine de femmes — 108 à ce jour — rappelle l’évolution des mentalités au sein des armées, un signal bien reçu par la jeunesse brazzavilloise.
Au sein même du corps enseignant, la donnée se vérifie : sur les 84 formateurs permanents, 12 sont diplômés de grandes écoles d’ingénieurs françaises ou marocaines, alors que 15 sont issus de la première promotion congolaise de masters en génie civil de l’Université Marien-Ngouabi. Cette hybridation permet d’actualiser en continu les contenus pédagogiques, notamment autour des normes environnementales et des énergies renouvelables, secteurs stratégiques pour la diversification économique nationale.
Un impact socio-économique palpable pour Brazzaville et au-delà
Au-delà de la vitrine protocolaire, l’EGT irrigue le tissu économique local. Chaque année, ses ateliers réalisent, en collaboration avec la mairie de Brazzaville, des ouvrages d’assainissement ou de renforcement d’ouvrages d’art sur la Corniche. Les stagiaires des options Énergie et Plomberie ont, par exemple, réhabilité trois forages communautaires dans les quartiers Mfilou et Talangai, garantissant à 12 000 habitants un accès sécurisé à l’eau potable. Les retombées se chiffrent aussi en contrats, la société Énergie Électrique du Congo ayant recruté cinq lauréats du certificat technique de deuxième degré pour piloter ses projets solaires pilotes à Boundji et Sibiti.
La diplomatie militaire n’est pas en reste. La formation commune, encadrée par des instructeurs congolais, gabonais et sénégalais, crée un réseau d’anciens élèves qui fluidifie les coopérations lors d’exercices conjoints au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale. En d’autres termes, l’école joue un rôle discret mais essentiel dans la promotion d’une stabilité régionale que Brazzaville appelle de ses vœux depuis plusieurs années.
Perspectives : consolider l’innovation sans perdre l’ADN congolais
Pour la prochaine décennie, l’EGT projette d’intégrer un module de réalité augmentée dans la formation à la conduite des engins, ainsi qu’un centre d’essais des matériaux locaux destiné à réduire de 20 % le coût des infrastructures publiques. Le ministre Mondjo, en marge de la cérémonie, a rappelé que ces ambitions s’inscrivent « dans le Plan national de développement 2022-2026, lequel fait du capital humain et des infrastructures résilientes un tandem indissociable de la prospérité durable ».
Les défis restent certes conséquents, de la modernisation des parcs machines à l’amélioration des capacités d’hébergement. Mais l’optimisme prudent domine à Brazzaville, où l’on souligne la capacité de l’école à attirer chaque année des instructeurs internationaux bénévoles, notamment du Corps des ingénieurs des armées françaises et de la coopération brésilienne. En misant sur la science appliquée, l’EGT cultive un atout majeur : celui d’épouser la marche vers l’émergence du Congo, tout en polissant l’outil de défense au standard exigé par le XXIᵉ siècle.