Une Journée mondiale des MPME sous le signe de la transmission
Sous les lambris encore neufs de l’amphithéâtre du ministère des Petites et moyennes entreprises, l’effervescence était palpable ce 27 juin. Brazzaville célébrait la Journée mondiale des micro, petites et moyennes entreprises par une master class intitulée « Comment créer, gérer et développer son entreprise ». Loin du format protocolaire, l’évènement s’est voulu un espace d’échanges directs entre décideurs publics et génération montante. « Notre ambition est d’armer les jeunes d’outils concrets », a rappelé d’emblée Rudy Stephen Mpiere Ngouamba Ambila, directeur général des PME, plaidant pour une culture entrepreneuriale qui conjugue rigueur comptable et audace créative.
Le rôle structurant des dispositifs publics congolais
Le ministère de tutelle n’a pas ménagé ses efforts pour fédérer autour de la cause entrepreneuriale. Depuis la création de l’Agence congolaise pour la création des entreprises (ACPCE) jusqu’au Fonds d’impulsion, de garantie et d’accompagnement (Figa), la puissance publique a posé les jalons d’un environnement réglementaire plus lisible. « Bâtir un écosystème fort, c’est articuler nos guichets afin que l’idée d’un étudiant trouve, sans errance administrative, un chemin vers l’immatriculation », a expliqué Didane Ngafoula Ganao, directeur départemental des PME. Dans un contexte sous-régional où la diversification économique demeure stratégique, ces structures constituent des pivots pour capter l’énergie d’une jeunesse en quête de débouchés.
Un panel éclectique pour baliser chaque étape de la vie d’une entreprise
La master class a aligné un casting d’expertise rarement réuni sous le même toit. Jean Rosen Biyoudi, juriste à l’ACPCE, a détaillé les six documents indispensables à la formalisation d’une société, soulignant que « l’absence d’un seul ouvre la porte à une précarité juridique ». Christ Eloïm Tounda, de l’ADPME, a décliné l’accompagnement technique proposé, illustré par la mise sur pied d’une micro-unité de production de beignets : étude de marché, calcul du seuil de rentabilité, projection de trésorerie. Christian Mpara, représentant le Figa, a insisté sur l’effort de garantie publique, levier décisif pour rassurer les banques commerciales. L’interactivité des échanges a donné à la salle un parfum de laboratoire, chaque question trouvant aussitôt réponse auprès d’un spécialiste.
Noé Kourissa, ou l’art de transformer l’échec en méthode
L’interlude le plus attendu fut sans conteste le témoignage de Noé Kourissa, jeune chef d’entreprise passé du rêve gustatif à la formalisation d’un restaurant en 2016. Sa voix posée a raconté l’enthousiasme originel, les ratés comptables, puis la décision de se former en administration des affaires avant de relancer l’affaire sur des bases solides. « Nombreux sont ceux qui excellent dans le métier, mais trébuchent sur la gestion », a-t-il confié, rappelant à son auditoire qu’un tableau de flux de trésorerie parle souvent plus fort que la passion. Sa trajectoire, empreinte de résilience, a servi de miroir à une jeunesse qui refuse désormais de dissocier vocation et discipline.
Des leviers de financement qui s’internationalisent
Au-delà des outils classiques de crédit, le secteur bancaire brazzavillois scrute désormais les pistes alternatives. Dupond Ebouili, spécialiste de la transformation numérique, a évoqué l’essor du crowdfunding et de l’angel funding observé à Dakar ou Abidjan. « Nous testons des solutions hybrides, fonds propres minoritaires et dette légère, calibrées selon la maturité du projet », a-t-il expliqué, soulignant l’importance d’un dossier aussi soigné qu’un pitch deck de start-up californienne. Cette ouverture sur les pratiques régionales rappelle que le financement n’est plus un obstacle statique : il se négocie, s’ingénie et se sécurise grâce aux garanties publiques.
La jeunesse brazzavilloise prête à formuler ses rêves en business plans
Dans la salle, Gracy Mangoumbou, étudiante en transit et commerce international, griffonnait déjà les grandes lignes d’un projet encore informel : « Venir ici m’a donné l’envie de coucher mes idées sur papier », confiait-elle. Sa camarade Joseldie Mondésir Montombou, juriste en herbe, acquiesçait : « Même avec peu de moyens, structurer l’idée est le premier capital ». Leur enthousiasme, relayé sur les réseaux sociaux à coups de mots-dièse inspirants, montre que la génération Z congolaise ne se contente plus d’un discours incantatoire ; elle réclame des feuilles de route, des tableaux Excel et un accompagnement qui parle le langage du marché.
Vers un écosystème entrepreneurial durable à l’africaine
Au terme de la journée, le directeur général des PME a salué « une dynamique où se croisent ambitions individuelles et vision collective ». La formule résume l’enjeu : articuler les initiatives privées, l’appui institutionnel et l’expertise financière pour produire des entreprises pérennes, créatrices d’emplois et de valeur ajoutée locale. Si l’entrepreneuriat demeure un parcours exigeant, la master class a démontré qu’il n’est plus un chemin solitaire. Dès lors, Brazzaville s’imagine en hub régional, où l’intelligence d’un business model fait écho à la saveur d’un beignet bien doré : nulle opposition entre tradition culinaire et modernité managériale, seulement la preuve qu’une idée, dans la capitale congolaise, peut lever à la manière d’une pâte soigneusement pétrie.