De Dubaï à Brazzaville, genèse d’un programme pilote
Adopté à la COP28 dans l’effervescence de Dubaï, le « Country Package for Forests, Nature and Climate » se présente comme un mécanisme volontaire destiné à aider les États forestiers à traduire leurs engagements climatiques en actions concrètes. Le 27 juin, la cérémonie officielle organisée au Centre international de conférences de Kintélé a vu le ministre de la Coopération internationale, Denis Christel Sassou Nguesso, donner le coup d’envoi national de cette initiative. Dans son allocution, il a rappelé la trajectoire historique du Congo, premier pays d’Afrique à instituer une Journée nationale de l’arbre dès 1984, signe, selon lui, « d’un ADN écologique profond que la conjoncture actuelle ne fait que réactiver ». En filigrane, le choix de Brazzaville comme point d’ancrage illustre la volonté de la sous-région de disposer d’un laboratoire de politiques climatiques adaptées à la réalité du bassin du Congo.
Un positionnement régional renforcé autour du deuxième poumon mondial
La forêt congolaise, par son rôle de puits de carbone et de réservoir de biodiversité, représente un actif stratégique dont l’importance dépasse largement les frontières nationales. Alors que les scientifiques estiment à plus de 30 milliards de tonnes le stock de carbone piégé dans le bassin du Congo, le gouvernement congolais entend protéger, restaurer et valoriser cet atout dans une logique de diplomatie verte. « Notre planète est un bien commun, et c’est le plus précieux que nous ayons », a insisté le ministre, convoquant l’argument moral d’une responsabilité partagée. La déclaration fait écho au plaidoyer du président Denis Sassou Nguesso, qui, depuis le One Planet Summit de 2018, milite pour une coalition internationale autour des forêts tropicales. En activant le Country Package, Brazzaville consolide ainsi son rôle de chef de file des États d’Afrique centrale sur la scène environnementale.
Diplomatie climatique : quand la protection de la nature rencontre la realpolitik
La présence à Brazzaville du ministre délégué français Thani Mohamed Soilihi et de l’ambassadrice de l’Union européenne, Anne Marchal, illustre l’enjeu géopolitique que représente la conservation des écosystèmes tropicaux. Le partenariat tripartite Congo-France-UE ne se limite pas à un geste symbolique : Paris met 20 millions d’euros sur la table, l’UE mobilise des instruments financiers complémentaires et d’autres bailleurs, tels que la Banque africaine de développement, ont déjà manifesté leur intérêt. « Le Congo, au même titre que l’Amazonie, ne doit pas se retrouver seul à assurer cette protection pour l’humanité entière », a martelé M. Soilihi, soulignant une équation simple : la sauvegarde des biens publics mondiaux appelle un co-financement international. En retour, Brazzaville se voit offrir un levier de négociation supplémentaire dans les fora multilatéraux, à commencer par la COP30 prévue en novembre prochain à Belém, au Brésil.
Des objectifs chiffrés : 30 % de surfaces protégées d’ici 2030
Au cœur de la feuille de route figure la promesse de placer 30 % du territoire terrestre et marin sous statut de protection avant la fin de la décennie. Cette cible, alignée sur le « 30 × 30 » adopté à la COP15 biodiversité de Montréal, exige une planification rigoureuse. Brazzaville compte s’appuyer sur l’extension du parc national d’Odzala-Kokoua, la création d’aires marines protégées sur la façade atlantique et un programme d’afforestation destiné à reboiser dix millions d’hectares. Pour le chercheur Rodrigue Moungounga, spécialiste des politiques forestières, « la difficulté résidera dans la conciliation entre conservation stricte et besoins socio-économiques des populations riveraines ». L’enjeu est de taille : sécuriser des corridors écologiques tout en maintenant la productivité agricole indispensable à la sécurité alimentaire.
Les communautés locales, partenaires et bénéficiaires
Longtemps perçues comme des victimes collatérales des programmes de conservation, les communautés autochtones et villageoises sont désormais envisagées comme de véritables alliées. Le Country Package intègre une approche fondée sur les droits, encourageant la gestion communautaire des forêts, la promotion des chaînes de valeur durables comme le cacao certifié ou le miel sauvage et la formation d’écogardes recrutés localement. À Kintélé, le représentant de la confédération des peuples autochtones, Dominique Ngampika, a salué « une avancée qui nous sort du simple rôle de figurant et nous place au premier rang de la préservation ». Les partenaires internationaux voient dans cette inclusion une garantie de pérennité des actions, les meilleures pratiques montrant qu’un site protégé ne survit qu’à condition d’offrir des retombées économiques directes à ses habitants.
Cap sur la COP30 : un test de crédibilité
Le gouvernement congolais entend arriver à Belém avec un portefeuille de projets déjà operationnels, preuve d’un engagement qui dépasse la rhétorique. La coordination interministérielle annoncée par Anne Marchal constitue un préalable à cet objectif, l’idée étant de lier politiques environnementales, budgétaires et industrielles. D’ici là, plusieurs jalons sont attendus : publication du plan national de reboisement 2027-2036, lancement d’un registre carbone transparent et présentation d’un cadre incitatif pour l’investissement privé dans l’économie verte. Le diplomate brésilien Paulo Santos, en visite à Brazzaville, y voit « la possibilité pour le bassin du Congo de parler d’égal à égal avec l’Amazonie », esquissant même l’hypothèse d’un front commun des grandes forêts tropicales. En somme, le Country Package pourrait devenir le catalyseur d’une redéfinition de la place de l’Afrique centrale dans la gouvernance climatique mondiale.