Un pont économique forgé dans la francophonie
Dans l’enceinte feutrée d’un grand hôtel de la capitale congolaise, l’initiative baptisée « Communauté Afrique France Entrepreneurs » a été officiellement portée sur les fonts baptismaux à l’occasion de la cinquième Rencontre des entreprises francophones. L’annonce, saluée par de nombreux décideurs économiques, marque l’aboutissement d’un engagement formulé lors du Sommet Afrique-France de Montpellier en 2021 : doter les entrepreneurs des deux rives d’un cadre d’échanges structuré, propice à la croissance inclusive.
Le contexte macroéconomique, dominé par un volume d’échanges franco-africains avoisinant 24,5 milliards d’euros en 2023, confère à ce réseau une vocation stratégique. « Notre ambition est de connecter des talents qui, jusqu’ici, se croisaient davantage dans les salons que dans les chaînes de valeur », explique Guillaume Prévost, chef du service économique à l’ambassade de France au Congo. L’enjeu dépasse le seul commerce : il s’agit de nourrir une diplomatie entrepreneuriale fondée sur l’innovation, le transfert de compétences et la coproduction industrielle.
Des ambitions alignées sur les priorités nationales
Le Congo-Brazzaville place l’entrepreneuriat au cœur de sa stratégie de diversification économique, tout en consolidant la stabilité macroéconomique reconnue par les partenaires internationaux. Dans ce cadre, la nouvelle communauté épouse les priorités fixées par les autorités nationales : développement de l’agriculture de transformation, montée en gamme de la filière agroalimentaire, et accélération de l’économie numérique. « Nous voulons orienter les premières cohortes vers le numérique, l’agriculture intelligente et l’agroalimentaire au sens large, sans exclure le développement durable », précise Ingrid Oramalu Nkounkou, point focal de la plateforme à Brazzaville.
La consonance francophone de la REF, organisatrice de l’événement, conforte la dimension culturelle du projet. Les échanges se nouent dans une langue partagée, facteur d’agilité contractuelle et de confiance mutuelle. Les autorités congolaises, présentes lors du lancement, se sont d’ailleurs félicitées d’une démarche qui valorise la capitale comme « plaque-tournante d’affaires au cœur du bassin du Congo », expression reprise par plusieurs observateurs.
Une plateforme numérique pour abolir les frontières
Si la proximité linguistique facilite les affaires, la distance géographique reste un défi. Pour y répondre, les initiateurs s’appuient sur EuroQuity, outil digital opéré par Bpifrance et déjà plébiscité dans l’espace européen. La plateforme, accessible dès l’inscription, offre un ensemble de services : mise en relation qualifiée, dataroom sécurisée, sessions de pitching en visioconférence et programmes de mentorat. Elle permettra, par exemple, à une PME congolaise en quête d’expertise en transformation cacaoyère de dialoguer instantanément avec un investisseur breton spécialisé dans l’agro-industrie.
Dans une région où la connectivité Internet progresse mais demeure contrastée, l’accompagnement technique figure parmi les priorités. Des ateliers sur la cybersécurité, la protection de la propriété intellectuelle et la préparation au financement seront animés par des experts français et africains. L’objectif, explicite, consiste à doter les entrepreneurs locaux d’outils technologiques compétitifs tout en préservant la souveraineté numérique du Congo, thème récurrent des discours officiels.
Des défis à relever pour les PME congolaises
Malgré son potentiel, l’écosystème congolais demeure confronté à des questions structurelles : accès limité au crédit bancaire, compétences managériales perfectibles et faible mutualisation des infrastructures logistiques. Pour Dexter Omono, un des cofondateurs de la communauté et figure emblématique de la tech locale, « ce réseau nous aidera à conquérir le marché français tout en renforçant notre capacité d’innovation intérieure ». Il plaide pour un accompagnement sur la gouvernance des PME, condition sine qua non pour attirer les fonds d’investissement à long terme.
Les partenaires institutionnels entendent également jouer leur rôle. Au-delà du mentorat entrepreneurial, des instruments publics – fonds d’amorçage, garanties partielles de prêts, programmes de restructuration – pourront être mobilisés, en articulation avec la Banque publique d’investissement française et les dispositifs congolais de soutien aux jeunes entreprises. Les acteurs rappellent cependant que la réussite passera par la rigueur comptable et la transparence, éléments indispensables à la confiance des investisseurs internationaux.
Perspectives régionales et attractivité de Brazzaville
La capitale congolaise, déjà carrefour diplomatique, ambitionne de devenir un hub économique de la sous-région. L’arrivée de la Communauté Afrique France Entrepreneurs conforte cette vocation et pourrait irriguer les pays voisins grâce aux corridors routiers et fluviaux du bassin du Congo. Les promoteurs prévoient en outre de synchroniser leurs activités avec les chambres de commerce régionales et l’Agence de promotion des investissements du Congo afin d’offrir une vitrine crédible aux investisseurs étrangers.
À moyen terme, la plateforme envisage d’organiser des roadshows conjoints à Paris, Pointe-Noire et Abidjan. Ces rencontres devraient favoriser la signature de conventions de co-développement et l’accès aux marchés publics européens via des consortiums mixtes. Observateurs et entrepreneurs s’accordent pour saluer l’opportunité historique qui s’ouvre : conjuguer les atouts d’une jeunesse africaine débordante d’idées et l’expertise reconnue des pôles technologiques français. Dans un monde en quête de modèles économiques durables, Brazzaville se positionne ainsi comme laboratoire d’une coopération renouvelée, susceptible d’engendrer emplois, transfert de connaissances et stimuler la diversification productive pleinement soutenue par les autorités nationales.