Le retour stratégique d’un talent formé à l’international
Lorsque Nupcia Eba Ngolé a foulé à nouveau le tarmac de Maya-Maya, après une décennie passée en France au sein d’agences de communication de premier plan, peu d’observateurs soupçonnaient l’ampleur de la vision qu’elle nourrissait pour son pays natal. Diplômée en marketing territorial, elle confie volontiers que « le Congo dispose d’un capital naturel fabuleux, mais il lui manque parfois une narration globale capable de séduire le voyageur contemporain ». Son retour, fin 2021, coïncide avec l’adoption par les autorités d’un plan de relance axé sur la diversification hors pétrole, dans lequel le tourisme figure désormais parmi les cinq secteurs prioritaires.
Une Fédération pour structurer un écosystème en pleine effervescence
Lors de la récente Rencontre des entrepreneurs francophones organisée sous le patronage du président Denis Sassou Nguesso, la création de la Fédération du tourisme du Congo a été officialisée. À sa tête, Nupcia Eba Ngolé estime que « l’enjeu n’est plus seulement de promouvoir des sites, mais de mettre en cohérence des acteurs souvent dispersés ». La nouvelle structure entend capitaliser sur les quelque 1 200 emplois directs existants pour bâtir une plateforme de dialogue avec les hôteliers, transporteurs, artisans et collectivités locales.
Cette mutualisation répond au besoin de normaliser les standards, d’agréger des données fiables et d’attirer des capitaux. D’ores et déjà, une cartographie interactive des offres d’hébergement a été lancée avec le soutien technique de l’Agence nationale de promotion des investissements, preuve que les passerelles public-privé se consolident.
L’État congolais mise sur la diversification économique
Dans un contexte où l’or noir représente encore plus de la moitié des recettes budgétaires, le gouvernement affiche la volonté de consolider des filières alternatives. Le ministère du Tourisme, des Loisirs et des Loisirs de plein air met en avant l’objectif de 300 000 visiteurs à l’horizon 2028, soit le triple de la fréquentation actuelle (statistiques Direction générale du tourisme, 2023). Le choix de Brazzaville pour accueillir la REF atteste de cette diplomatie économique qui cherche à positionner la capitale comme vitrine d’investissements responsables.
Les projets d’infrastructures comme l’extension du terminal domestique de l’aéroport, la réhabilitation de la route nationale 2 vers les parcs du Nord ou encore la mise en place d’un visa électronique témoignent d’une approche concertée. « Toute chaîne touristique commence par la fluidité d’accès », rappelle la nouvelle présidente de la Fédération.
Vers une chaîne de valeur touristique inclusive et verte
Au-delà des chiffres, la stratégie défendue par Nupcia Eba Ngolé repose sur un principe de durabilité. Inspirée par les standards de l’Organisation mondiale du tourisme, elle promeut un modèle où l’artisanat, l’agro-transformation locale et la protection de la biodiversité se renforcent mutuellement. Les parcs d’Odzala-Kokoua et de Conkouati-Douli, véritables réserves de faune sauvage, pourraient devenir les locomotives d’un écotourisme à forte valeur ajoutée, à condition de consolider les capacités d’accueil dans les villages riverains.
La Fédération planche ainsi sur des formations certifiantes pour les guides, une charte d’approvisionnement local pour les établissements hôteliers et un label « Made in Congo » destiné aux souvenirs artisanaux. « C’est en ancrant la dépense du visiteur dans l’économie domestique que l’on maximisera l’impact social », insiste la dirigeante, évoquant un potentiel de 10 000 emplois indirects à moyen terme.
Défis logistiques et atouts naturels : la voie de l’excellence
La route vers un tourisme d’excellence n’est cependant pas exempte d’obstacles. Les coûts d’assurance aérienne, la connectivité numérique inégale dans l’arrière-pays ou encore la nécessité d’un cadre foncier clair pour les investissements hôteliers demeurent des variables critiques. Des chantiers sont ouverts avec l’appui de partenaires comme la Banque mondiale, qui a inscrit 45 millions de dollars au titre du Programme de développement urbain 2024-2027.
Malgré ces défis, le Congo dispose d’avantages comparatifs rares : un réseau hydrographique propice au tourisme fluvial, la richesse culturelle des communautés téké, mbochi ou bakongo, et une stabilité institutionnelle saluée par les investisseurs présents à la REF. Ce triple capital naturel, culturel et politique constitue, selon les analystes, le socle d’une montée en gamme progressive.
Un leadership féminin aux accents de diplomatie économique
« Je suis portée par l’amour du Congo et par la conviction qu’il est temps d’écrire collectivement une nouvelle page », déclare Nupcia Eba Ngolé. En rejoignant le conseil d’administration d’UniCongo, elle renforce la représentation féminine au sein de la principale organisation patronale du pays et apporte une expertise en marketing territorial qui fait encore défaut dans nombre d’entreprises locales.
Sa démarche s’inscrit dans une dynamique plus large de féminisation des instances décisionnelles, encouragée par le ministère de la Promotion de la femme. Pour le politologue Florent Mabiala, « ce type de profil hybride, entre entrepreneuriat et plaidoyer, illustre la mue d’un secteur privé conscient de son rôle dans le rayonnement du Congo ».
À mesure que la Fédération du tourisme étoffera ses rangs, la question n’est plus de savoir si le Congo peut devenir une destination de référence, mais à quel rythme il saura transformer l’essai. Le pari est audacieux, mais il semble, à la lecture des premières initiatives, que la boussole soit désormais orientée vers une diversification résolue et inclusive.