Un accord académique à haute portée diplomatique
Le 26 juin, la salle cérémonielle du rectorat de l’Université Marien-Ngouabi a résonné d’un mélange de solennité et d’enthousiasme. Sous le regard bienveillant de la ministre de l’Enseignement supérieur, le professeur Delphine Edith Emmanuel, le recteur Parisse Akouango et le président de l’Agence universitaire de la Francophonie, Sorin Mihai Cîmpeanu, ont apposé leurs signatures au bas d’un document à l’encre déjà historique. L’université congolaise, forte de ses cinq décennies d’existence, s’adosse désormais à l’Université de médecine et des sciences vétérinaires de Bucarest pour franchir un palier supplémentaire.
Au-delà d’une simple formalité administrative, l’acte engage deux établissements qui partagent un héritage francophone et la conviction que la science se nourrit de croisements culturels. Le ministère, en facilitant l’opération, poursuit sa ligne directrice : renforcer l’attractivité de l’enseignement supérieur national tout en consolidant l’image de Brazzaville comme place académique de référence dans la sous-région.
Faire germer la filière vétérinaire dans la forêt congolaise
L’École nationale supérieure d’agronomie et de foresterie (EnsaF) attendait son déclic pour élargir son offre. « Nous allons ouvrir sans tarder le parcours Sciences et techniques de médecine vétérinaire », a confirmé le professeur Akouango. Cette discipline vient combler un vide dans un pays où l’élevage se modernise et où la préservation de la faune sauvage constitue un enjeu à la fois économique, environnemental et sanitaire.
Concrètement, le cursus s’appuiera sur les ressources pédagogiques roumaines, l’expertise forestière locale et un réseau de structures d’accueil réparties entre fermes expérimentales, réserves fauniques et laboratoires de recherche. Au passage, l’université se place en phase avec la stratégie nationale de diversification économique, qui fait du secteur agro-pastoral un axe prioritaire.
Mobilité étudiante : de la Cuvette au Danube, un même passeport scientifique
Le partenariat bénéficie du label AUF, gage d’une circulation fluide des compétences. Il prévoit un système de bourses croisées, des stages cliniques partagés et la co-direction de mémoires de master comme de thèses de doctorat. « La complémentarité entre nos laboratoires aidera à faire avancer la science », a souligné Sorin Cîmpeanu, rappelant que les deux institutions sont déjà membres du réseau francophone.
Pour les étudiants congolais, la promesse est double : accéder à des plateaux techniques de pointe en Europe, puis revenir capitaliser ces acquis au service des élevages locaux et des programmes de sauvegarde de la biodiversité. À l’inverse, les jeunes Roumains découvriront la singularité des écosystèmes équatoriaux et les défis sanitaires d’un territoire où la grande faune côtoie l’agro-pastoralisme.
La recherche appliquée comme levier de développement rural
L’EnsaF est déjà partenaire d’études sur la productivité des sols, la gestion durable des forêts et la lutte contre les zoonoses ; l’accord ouvre la voie à des projets conjoints, financés par des appels internationaux, sur la tuberculose bovine, la fièvre aphteuse ou la filière porcine naissante. Les retombées attendues incluent l’amélioration de la qualité sanitaire des denrées d’origine animale et la création d’emplois qualifiés dans les zones rurales.
Les autorités locales saluent ainsi « une synergie qui s’inscrit pleinement dans la politique de renouveau agricole » (ministère de l’Agriculture). La dynamique pourrait également irriguer l’industrie pharmaceutique naissante, appelée à produire sur place des vaccins vétérinaires, évitant importations coûteuses et aléas logistiques.
Vers une nouvelle cartographie de l’excellence congolaise
À l’heure où la jeunesse urbaine scrute les opportunités d’employabilité, voir une institution nationale tisser des liens avec une université européenne en pleine ascension envoie un signal fort. La démarche s’aligne sur la volonté présidentielle de promouvoir des filières d’avenir et de retenir les talents sur le sol national, tout en les exposant aux standards internationaux.
Si l’impact ne se mesurera véritablement qu’à moyen terme, l’on peut déjà entrevoir la constitution d’un pôle d’excellence agro-vétérinaire à Brazzaville, susceptible d’attirer des étudiants de la sous-région, de stimuler l’économie du savoir et de conforter la place du Congo dans les réseaux scientifiques francophones. Dans un monde où la santé animale est intimement liée à la santé humaine, le pari paraît d’autant plus stratégique.