Une assemblée générale sous haute tension à Brazzaville
Dans la touffeur moite d’un mois de juin déjà chargé de résultats scolaires, les responsables nationaux de l’Association des parents d’élèves et étudiants du Congo se sont réunis deux jours durant dans un ancien amphithéâtre du centre-ville. Selon le communiqué qui a sanctionné cette session extraordinaire, l’APEEC, sous la houlette de son président national et secrétaire général de la Fédération africaine des parents d’élèves (FAPE), Christian Grégoire Epouma, affirme avoir voulu « prendre date avec l’opinion publique » face à des affaires qui, si elles n’étaient pas traitées avec célérité, risqueraient d’« abîmer durablement la confiance dans l’école ». D’emblée, le ton est grave : « Nous avons atteint un seuil d’intolérance collective », lâche, le visage fermé, un délégué du Plateau des Quinze Ans.
L’ombre délétère de la pédophilie dans la sphère éducative
Le dossier qui cristallise l’émotion concerne un professeur de sciences de la vie et de la terre soupçonné d’avoir abusé d’un élève de quinze ans inscrit en classe de sixième au Complexe scolaire Jeanne d’Arc de Massengo Soprogi. « Une infecte sodomie », dénonce l’APEEC dans des termes inhabituellement crus pour un communiqué officiel. L’association réclame une prise en charge psycho-clinique immédiate de la victime et la traduction devant la justice de l’enseignant présumé coupable, afin que la rigueur de la loi serve d’exemple. Cette posture s’inscrit dans la dynamique plus large engagée depuis plusieurs années par les autorités congolaises pour renforcer la protection de l’enfance, notamment par le biais du Code pénal révisé qui alourdit les peines relatives aux violences sexuelles.
Frais d’examens d’État : quand la surfacturation se double du faux
Si la question des violences sexuelles sidère l’opinion, celle de l’arnaque aux frais d’inscription n’en demeure pas moins préoccupante pour des parents dont le pouvoir d’achat est déjà fragilisé. Plusieurs établissements privés auraient encaissé les émoluments exigés pour les examens d’État avant de laisser les familles découvrir, médusées, que leurs enfants n’étaient pas inscrits. Dans le viseur de l’APEEC : des promoteurs accusés de faux et usage de faux, mais aussi de non-respect du calendrier officiel. « Nous parlons ici d’économies familiales sacrifiées et d’avenirs mis en suspens », martèle un parent rencontré à la sortie de l’assemblée.
Le cadre réglementaire convoqué par les parents d’élèves
Pour contrer ces dérives, l’APEEC exhorte le ministère de l’Enseignement préscolaire, primaire, secondaire et de l’alphabétisation à faire respecter deux textes clé : le décret 96-221 du 13 mai 1996, qui encadre l’exercice privé de l’enseignement, et l’arrêté 3949 du 26 mai 2017, dont l’article 8 nouveau prévoit des poursuites pénales contre les fraudeurs. L’association suggère en outre l’élaboration d’un décret spécifique à la gestion financière des établissements privés, inspiré des comités de gestion existant dans le secteur public. « Nous ne sommes pas dans une croisade contre le privé ; nous défendons l’éthique et la compétitivité loyale », clarifie Christian Grégoire Epouma.
Un partenariat État-société civile pour une école protectrice
À l’heure où le gouvernement multiplie les campagnes de sensibilisation sur les violences faites aux mineurs, la sortie de l’APEEC est perçue comme un renfort bienvenu. Des hauts responsables du ministère interrogés soulignent « la convergence d’objectifs » entre l’administration et les parents : protéger l’enfance et assainir le secteur éducatif. Tout en rappelant les efforts déployés – inspections inopinées, descentes conjointes avec les forces de l’ordre, rénovation des cellules d’écoute psychologique – les services centraux reconnaissent la nécessité d’une vigilance partagée.
Perspectives d’une vigilance citoyenne pérennisée
Au-delà de l’émotion suscitée par l’affaire de Massengo, la rencontre de l’APEEC met en lumière le rôle pivot que peuvent jouer les associations de parents dans la gouvernance scolaire. Renforcement des comités de quartier, plateformes numériques de signalement, séances de formation sur les droits de l’enfant : autant d’outils évoqués pour construire une culture de prévention. La démarche s’inscrit dans le droit-fil des engagements internationaux du Congo, notamment la Convention relative aux droits de l’enfant, et corrobore la volonté des pouvoirs publics d’ériger l’école en sanctuaire.
Un appel à transformer l’indignation en réformes effectives
En clôturant les travaux, le président de l’APEEC a rappelé que « la parole parentale se doit d’être exigeante sans être vindicative ». Les participants, leur communiqué en main, ont quitté la salle avec la conviction que la rigueur juridique doit désormais se traduire par un contrôle régulier sur le terrain. Instruments réglementaires, partenariats institutionnels et mobilisation citoyenne composent un triptyque que l’association juge décisif pour éradiquer ce qu’elle qualifie de « cancer social ». En filigrane, la perspective d’une école congolaise plus sûre et plus transparente prend forme, à la faveur d’une synergie renouvelée entre les familles, les établissements et l’État.