Un atelier de haute tenue pour redéfinir la gouvernance sanitaire
Il régnait, sous la verrière du Forum des jeunes entreprises, une effervescence rarement observée dans les réunions techniques. Du 10 au 11 juin 2025, l’Observatoire congolais des droits des consommateurs (O2CD) y a rassemblé une cinquantaine de délégués venus des Comités de santé (COSA) de l’île Mbamou, Talangaï, Ouenzé, Makélékélé et Mfilou-Ngamaba. L’objectif était clair : doter ces acteurs de proximité des outils juridiques et méthodologiques nécessaires à la cogestion des Centres de santé intégrée (CSI), rouages essentiels du maillage sanitaire national.
La participation citoyenne comme fil conducteur de la réforme
Le virage vers une gouvernance partagée des formations sanitaires, amorcé par les pouvoirs publics lors de la revue du secteur en 2018, trouve ici un prolongement concret. Le professeur Richard Bileckot, inspecteur général de la Santé, l’a rappelé avec pédagogie : « Le comité des usagers n’est pas une chambre d’enregistrement, mais un interlocuteur éclairé pour l’équipe technique. » Évoquant la loi de 2011 sur la santé publique, il a souligné la légitimité conférée aux usagers pour veiller à la qualité, à l’équité et à la transparence des soins. Les COSA passent ainsi du statut d’observateurs à celui de co-décideurs, un changement culturel qui nécessite accompagnement et formation.
Un appui financier tricolore au service d’objectifs locaux
Le financement de l’Ambassade de France, via le dispositif Kotonga, s’élève à 26 232 915 FCFA, soit 76 % du budget global sur dix-huit mois. Cette enveloppe illustre l’alignement de la coopération bilatérale sur les priorités nationales, sans se substituer aux engagements congolais. « Nous ne faisons que catalyser un élan déjà existant », a indiqué, par visioconférence, Christian Khaliffa, président d’INDECOSA-CGT. L’intervention à distance de cet expert, habitué aux dispositifs de démocratie sanitaire en Europe, a offert un miroir comparatif riche. Les participants ont pu décrypter les points de convergence entre la réglementation française et la charte congolaise des usagers, afin de mieux adapter les bonnes pratiques aux réalités locales.
Témoignages de terrain : entre réalisme et enthousiasme
Arsène Ibara, président du COSA du CSI Fleuve Congo, confie que « l’apprentissage de la lecture budgétaire et des indicateurs de performance change déjà notre regard ». Même prudence analytique du côté de Dr Nelson Bokalé, médecin-chef du district de l’île Mbamou : « La cogestion implique d’accepter la pluralité des voix, mais aussi de garantir une feuille de route commune. » Les discussions ont mis en lumière des défis logistiques – accès aux données, archivage, suivis trimestriels – sans entamer l’élan collectif. Pour René Ngouala, du comité de suivi de l’O2CD, la formation répond à « un impératif de professionnalisation de la société civile », condition sine qua non pour faire vivre la démocratie sanitaire au quotidien.
Perspectives : vers une culture de la qualité partagée
À l’issue des deux journées, un plan d’action concerté propose des audits participatifs, la mise en place d’indicateurs simplifiés et la tenue de forums communautaires dans chacun des CSI pilotes. Cette approche, saluée par les autorités sanitaires, s’inscrit dans la vision nationale d’un système résilient et inclusif. En filigrane, le ministère de la Santé entend capitaliser sur ces retours d’expérience pour nourrir le Programme national de développement sanitaire 2026-2030. Si la route est encore longue, l’atelier de Brazzaville offre un signal fort : la co-construction des politiques publiques gagne du terrain, au bénéfice de la population, des soignants et des gestionnaires. À travers la montée en compétence des COSA, c’est toute la chaîne de valeur du soin qui se trouve, progressivement, consolidée.