Une averse qui réécrit la topographie de Ngamakosso
La nuit du 13 au 14 juin a offert à Brazzaville un spectacle familier mais toujours saisissant : celui d’une averse tropicale dont la vigueur redistribue en quelques heures des tonnes de sable et de graviers. À Ngamakosso, Mama-Mboualé, Simba-Pelle et jusqu’aux abords de la Tsiemé, les rues ont brusquement muté en chenaux, drainant un mélange boueux qui n’a laissé aucune chance aux modestes digues domestiques dressées par les habitants. Selon la Direction générale de la météorologie, l’épisode pluvieux a dépassé les 100 millimètres en moins de six heures, un seuil qui excède la moyenne décennale et confirme la tendance à l’intensification des précipitations extrêmes observée dans le bassin du Congo (rapport interne, 2024).
Saint-Joseph, un patrimoine spirituel entre dunes éphémères
Au cœur de ce décor bouleversé se dresse la paroisse Saint-Joseph de Tout-pour-le-Peuple, édifiée dans les années 1980 et considérée comme un point de repère identitaire pour des milliers de fidèles. À l’aube du 14 juin, le père Godefroy Biacel Esther Locko a découvert une nef métamorphosée : des bancs disparus sous près d’un mètre de sable, un autel cerné d’un limon compact, tandis que seule la statue immaculée de la Vierge, campée sur son piédestal, semblait défier le chaos. « Le silence de l’église, submergée mais debout, est un message d’humilité qui nous dépasse », confie le prêtre, refusant de céder au découragement.
Mobilisation communautaire et solidarité interparoissiale
À peine le jour levé, la réaction des habitants a pris des airs de chantier collectif. Des femmes, foulard noué et seau à la main, formaient une chaîne humaine pour évacuer le sable tandis que les plus jeunes chargeaient les brouettes. Le 23 juin, la communauté voisine de Saint-Jean-Baptiste de Talangaï, accompagnée par son curé l’abbé Norbert Bouka Ossangué, a renforcé les rangs. Ce sursaut de solidarité n’est pas passé inaperçu : la mairie de Talangaï a dépêché un engin de terrassement afin d’ouvrir un passage provisoire, amélioration saluée par les riverains qui y voient la preuve qu’un partenariat constructif entre pouvoirs publics et société civile est non seulement possible mais fécond.
Les enjeux d’aménagement face aux précipitations extrêmes
La capitale congolaise, construite sur d’anciens lits de rivières asséchées, paye aujourd’hui la note d’une urbanisation rapide couplée à l’érosion des collines périphériques. Les spécialistes rappellent que les quartiers nord reposent sur des sols sablo-argileux particulièrement vulnérables au ruissellement. Faute de collecteurs suffisamment dimensionnés, la pluie dévale les pentes, entraîne la couche superficielle et finit par combler les modestes caniveaux. Le géomorphologue Jean-Rodolphe Zabana estime que « des ouvrages primaires correctement entretenus permettraient déjà de réduire de moitié le volume de sédiments charriés vers les zones habitées ». Le gouvernement, conscient de l’enjeu, a d’ailleurs inscrit la réhabilitation des exutoires vers le fleuve Congo dans le Plan national d’adaptation aux changements climatiques, corroborant ainsi une politique de résilience urbaine progressivement déployée.
Vers des solutions partenariales et durables
À court terme, l’enjeu demeure de rendre la paroisse à sa fonction liturgique. Des ingénieurs du Service municipal des grands travaux ont proposé la pose de gabions et la stabilisation des talus adjacents pour canaliser la prochaine ondée. Parallèlement, la Caritas diocésaine envisage de planter un rideau d’arbustes autochtones afin de fixer le sol, mélange de solutions grises et vertes pouvant éviter que le parvis ne soit une nouvelle fois ensablé. Sur le long terme, la réussite du projet dépendra d’un financement croisé : participation communautaire, appui des autorités locales, partenariat avec des bailleurs internationaux déjà impliqués dans les programmes de drainage à Mpila et Mfilou. Le père Locko résume l’esprit du moment : « Notre paroisse est un symbole ; si nous sauvons Saint-Joseph, c’est toute une dynamique citoyenne que nous consoliderons ». Dans un Brazzaville où la foi et la pluie cohabitent depuis toujours, l’histoire de Saint-Joseph rappelle que la solidarité, plus que le sable, peut encore tout recouvrir.