Un rendez-vous statistique qui tombe à point nommé
Dans un contexte marqué par la recherche constante de résilience des systèmes de santé africains, la tenue de la 3ᵉ Enquête démographique et de santé (EDSC-III) se présente pour le Congo comme un moment charnière. La session inaugurale du Comité de pilotage, organisée le 20 juin 2025 dans les locaux de l’Institut national de la statistique, a mis en lumière les attentes fortes qu’entretiennent les autorités vis-à-vis de cet outil d’aide à la décision. « Il ne s’agit plus seulement de compiler des indicateurs, mais d’anticiper les besoins d’une population jeune et mobile », a souligné à cette occasion M. Sylvain Lekaka, directeur de cabinet du ministre de l’Économie, du Plan et de l’Intégration régionale.
Une architecture financière plurielle et solidement ficelée
L’exercice bénéficie d’un montage financier éclaté, reflet d’une coopération internationale à géométrie variable. Le Fonds mondial, via Catholic Relief Services, porte une part substantielle de la note, tandis que la Banque mondiale mobilise les projets Kobikissa et Hiswaca pour compléter le dispositif. Cette pluralité de guichets traduit une confiance partagée dans la gouvernance statistique congolaise et garantit, selon les experts, une dilution des risques budgétaires.
Des questionnaires enrichis, des biomarqueurs ciblés
Le cœur méthodologique de l’EDSC-III se singularise par l’intégration de tests biologiques destinés à détecter paludisme et VIH. Un saut qualitatif salué par la communauté scientifique, car il permet de corréler les déclarations des ménages avec des éléments cliniques tangibles. Les instruments d’enquête, passés au crible d’un pré-test achevé le 31 mai 2025, couvrent désormais la santé reproductive, la nutrition, l’accès aux services essentiels, sans omettre les dimensions socio-économiques qui influencent la demande de soins. « Nous avons pris soin d’éliminer tout biais culturel dans la formulation des items », explique Mme Irène Kakou, consultante auprès de l’International Coaching Federation, organisme en charge de l’assistance technique.
Cartographier avant de questionner : la marche forcée des équipes de terrain
Depuis le 29 mai, cartographes et énumérateurs sillonnent zones urbaines et corridors ruraux pour localiser les ménages sélectionnés. Cette première vague mobilise 87 agents, équipés de tablettes géoréférencées, qui devraient achever leur moisson de coordonnées le 15 août. Vient ensuite la phase de recrutement puis de formation des enquêteurs principaux, programmée pour début juillet. Selon les responsables logistiques, la livraison du matériel biomarqueur – réactifs rapides, glucomètres de contrôle et glucomètres d’hémoglobine – est en bonne voie, conforme aux standards de l’Organisation mondiale de la santé.
Un tableau de bord destiné à éclairer la décision publique
Au-delà de l’exercice statistique, l’enjeu réside dans la capacité à transformer ces données en politiques ciblées. Les précédentes éditions ont déjà inspiré l’introduction de la gratuité ciblée des soins prénatals et la révision du plan national de lutte contre le paludisme. L’édition 2025, enrichie de modules nutritionnels, devrait nourrir la réflexion sur la sécurité alimentaire en milieu urbain, sujet sensible pour la jeunesse brazzavilloise. « La planification sanitaire ne peut plus reposer sur l’intuition ; l’EDSC nous offre une boussole scientifique », estime Dr Pascal Ouabet, directeur de la santé familiale au ministère.
Vers une culture de l’évidence au service de la jeunesse
En filigrane, ce sont surtout les jeunes adultes de Brazzaville, férus de données et attentifs à la transparence, qui attendent des résultats concrets. Les indicateurs relatifs à l’emploi, à la santé sexuelle et aux consommations à risque seront scrutés à la loupe par les organisations de la société civile. Les autorités misent sur la publication d’un rapport interactif, assorti de visualisations dynamiques, pour vulgariser les conclusions et nourrir le débat public sans céder à la surenchère polémique.
En dotant le pays d’une photographie socio-sanitaire au millimètre près, l’EDSC-III confirme l’option stratégique d’un Congo qui place le savoir statistique au cœur du développement. À l’heure où la communauté internationale valorise la preuve scientifique, le pays se dote d’un atout puissant pour négocier financements et partenariats, tout en répondant aux interrogations citoyennes. La route est tracée ; reste désormais à convertir les chiffres en politiques tangibles.