Brazzaville place l’adéquation formation-emploi au cœur de sa stratégie
Sous les lustres sobres du centre de conférences du ministère des Affaires étrangères, le Premier ministre Anatole Collinet Makosso a lancé, le 30 juin, les assises nationales consacrées à l’employabilité et à l’entrepreneuriat des étudiants. L’événement, condensé sur quarante-huit heures d’échanges, se veut la traduction concrète d’une recommandation majeure issue des États généraux de l’éducation nationale. En prenant la parole devant un parterre mêlant recteurs, patrons et représentants d’organisations internationales, le chef du gouvernement a esquissé les contours d’un « nouveau pacte » destiné à résorber l’écart persistant entre programmes académiques et besoins du tissu productif national.
Dialogue intensif entre exécutif, universitaires et secteur privé
La première journée a été rythmée par un panel réunissant six membres du gouvernement, parmi lesquels la ministre de l’Enseignement supérieur, le Pr Delphine Edith Emmanuel, et son collègue en charge des PME. Face à eux, des étudiants souvent incisifs ont interrogé la pertinence des réformes déjà engagées. La ministre a reconnu que « la société congolaise est en mutation rapide » et que l’université doit cesser d’être un couloir menant quasi exclusivement à la fonction publique. En filigrane, l’idée d’une gouvernance partagée de l’enseignement supérieur se dégage, où la voix des entreprises et celle des jeunes sont pleinement intégrées aux décisions curriculaires.
Vers de nouveaux curriculums professionnalisants
Point nodal des discussions, la question des maquettes pédagogiques cristallise toutes les attentions. Les doyens de faculté ont exposé les expérimentations pilotes déjà menées, notamment l’introduction de semestres de césure en entreprise et la création de bachelors professionnalisants en logistique portuaire ou en énergies renouvelables. L’objectif affiché par le ministère est de généraliser, dès la rentrée prochaine, une obligation de stage crédité pour chaque cycle de licence. « Il s’agit de passer d’une logique d’enseignement magistral à une logique de compétences démontrées », a insisté le Pr Emmanuel, soulignant l’appui méthodologique de l’Unesco et de l’Agence universitaire de la Francophonie.
Le secteur privé s’engage dans la co-construction des compétences
Présente à la tribune, Nancy Chenard, secrétaire générale de l’Union patronale et interprofessionnelle du Congo, a salué « l’inflexion historique » opérée par les autorités. Elle a annoncé la mise à disposition de deux cents places de stage supplémentaires dès 2025 et l’ouverture de laboratoires d’innovation partagés au sein de grandes entreprises des télécoms et de l’agro-industrie. Plusieurs groupes bancaires se sont également déclarés prêts à soutenir des concours de business plans dotés de micro-financements, histoire de convertir les meilleurs projets étudiants en start-ups viables. Cette dynamique répond à l’appel insistant du Premier ministre en faveur d’un entrepreneuriat juvénile apte à diversifier l’économie nationale.
Partenaires internationaux et bailleurs en appui du renouveau académique
La représentante de l’Unesco, Fatoumata Marega, a rappelé que l’enjeu dépasse le seul périmètre congolais : « Toute l’Afrique centrale cherche le modèle qui concilie massification étudiante et insertion professionnelle efficace ». L’agence onusienne accompagne ainsi un audit qualité des universités publiques, tandis que la Banque africaine de développement s’est dite disposée à financer un fonds d’équipement pour les filières scientifiques. Par ailleurs, l’Institut français et la coopération chinoise ont proposé des programmes d’échanges axés sur l’intelligence artificielle appliquée à l’agro-transformation, angle jugé porteur pour l’économie congolaise.
Les étudiants plaident pour une mise en œuvre tangible
Dans les couloirs, Chérubin Ibara, président de l’Union des élèves et étudiants du Congo, confie son optimisme mesuré : « Nous saluons le cap fixé, mais nous serons attentifs aux indicateurs concrets d’ici douze mois ». Parmi les attentes figure la publication rapide d’un calendrier législatif, l’allocation de ressources dédiées au fonds d’amorçage entrepreneurial et la transparence sur les partenariats public-privé. À la clôture, le 1ᵉʳ juillet, un document de synthèse a acté la création d’un comité de suivi trimestriel associant toutes les parties prenantes. En ressort l’idée d’un chemin partagé : celui d’un enseignement supérieur qui, tout en cultivant l’excellence académique, s’arrime résolument aux dynamiques d’un marché du travail congolais appelé à se moderniser.