La capitale congolaise, théâtre d’une sélection régionale décisive
Pendant trois jours, du 27 au 29 juin, Brazzaville a vécu au rythme cadencé des échanges de raquettes. Dans l’enceinte lumineuse du gymnase Henri-Elende, vingt‐quatre pongistes venus de six nations se sont affrontés à huis clos partiel – restrictions sanitaires obligent – pour arracher une place au Championnat d’Afrique centrale prévu en octobre à Kigali. L’événement, labellisé zone 4 par la Confédération africaine, n’avait pas été accueilli par la République du Congo depuis cinq ans. Sa réussite logistique a démontré, selon plusieurs observateurs, que les instances sportives nationales disposent « d’un véritable savoir‐faire organisationnel, désormais reconnu au sein de la sous‐région », comme l’a souligné Serge Irénée Samba, directeur technique national de la Fédération congolaise de tennis de table.
RDC, Cameroun, Congo : un trio qui confirme sa montée en puissance
Au classement final, la République démocratique du Congo s’est octroyé la première place, forte de cinq médailles d’or cumulées en simples et en doubles. Le Cameroun a suivi de près, coiffant la RDC dans la catégorie juniors filles, tandis que le Congo, poussé par un public bouillonnant, a complété le podium. Un résultat cohérent, selon le coach camerounais Étienne Ndifor, pour qui « la hiérarchie régionale se consolide au fil des tournois, preuve que les investissements ciblés commencent à porter leurs fruits ». Les trois délégations partagent désormais un objectif : transformer ce ticket pour Kigali en médaille continentale, et pourquoi pas en qualification mondiale.
Entre satisfaction sportive et plaidoyer institutionnel
Si les sourires dominaient lors de la remise des trophées, certains responsables techniques ont rapidement rappelé les réalités matérielles. « Nos athlètes s’entraînent avec acharnement mais disposent souvent d’un matériel parfois obsolète », a indiqué Didier Ngoma, président de la Fédération de tennis de table de la RDC. L’intéressé n’a pas manqué de saluer l’impulsion donnée par les ministères des Sports congolais et rd-congolais, tout en plaidant pour « une ligne budgétaire plus souple dédiée aux disciplines individuelles ». Un positionnement qui rejoint les priorités fixées par les autorités de Brazzaville dans leur feuille de route 2023-2026 pour la diversification du sport de haut niveau.
Les vicissitudes administratives, talon d’Achille des pongistes
Au‐delà de la question des équipements, la délivrance tardive des passeports est revenue comme un leitmotiv. Plusieurs joueurs mineurs n’ont pu se déplacer qu’à la dernière minute, faute de documents de voyage. « Nous interpellons respectueusement les administrations concernées afin de fluidifier les procédures, surtout lorsqu’il s’agit de défendre les couleurs nationales », a insisté Serge Irénée Samba. Ce dernier rappelle que la dynamique actuelle de la diplomatie sportive congolaise, portée par la politique du chef de l’État en matière de rayonnement international, représente « une opportunité à saisir pleinement ».
Kigali en ligne de mire : préparation technique et ambitions mesurées
À trois mois de l’échéance rwandaise, les entraîneurs misent sur un double axe : intensification du volume d’entraînement et préparation mentale. Le staff congolais, sous la houlette de la technicienne Mireille Mvoula, prévoit un stage commun à Kintélé, où les infrastructures, héritées des Jeux africains de 2015, offrent « l’environnement idéal pour peaufiner les automatismes ». Côté camerounais, un partenariat ponctuel avec la Fédération française est évoqué pour bénéficier d’un sparring de haut niveau. Quant à la RDC, la fédération mise sur un camp à Lubumbashi afin d’« exploiter l’altitude comme facteur de gain physiologique », précise le directeur des équipes nationales.
Une discipline en quête de visibilité auprès de la jeunesse urbaine
Le tournoi brazzavillois a également offert un coup de projecteur rare sur le tennis de table, souvent éclipsé par le football. Les réseaux sociaux ont relayé plusieurs échanges spectaculaires, lesquels ont enregistré plus de 120 000 vues cumulées en moins de 48 heures, selon la start-up locale VisiSport. Pour la sociologue du sport Clarisse Obiang, cette visibilité émergente « correspond à l’appétence d’une génération connectée, avide de formats courts et d’athlètes accessibles ». Un enjeu que les fédérations ont bien perçu : des ateliers d’initiation gratuits seront proposés dans les quartiers de Moungali et Poto-Poto durant les vacances scolaires, avec le soutien logistique de la mairie de Brazzaville.
Vers Kigali 2024, la balle est désormais dans le camp des décideurs
En refermant le rideau sur cette édition de zone 4, les dirigeants sportifs se sont donné rendez-vous dans la capitale rwandaise avec une conviction partagée : l’Afrique centrale peut désormais viser le podium continental. Les trois délégations bénéficient d’un élan favorable, mais leur réussite dépendra d’un triptyque indissociable : financement adapté, simplification administrative et consolidation des talents de base. Comme le résume le médaillé congolais Axel Ngatsé, « nous avons la technique, l’envie et la jeunesse ; reste à nourrir cette flamme par un soutien soutenu ». À l’heure où le sport devient un vecteur d’influence et de cohésion, l’issue du rendez-vous de Kigali pourrait sonner comme un nouveau chapitre de la diplomatie sportive congolaise et régionale.