Un événement hydrométéorologique aux allures de test national
La saison des pluies 2024, d’une intensité exceptionnelle selon les relevés de la Direction générale de la météorologie, a fait déborder les affluents de la rive droite du fleuve Congo. Plusieurs artères de Brazzaville ont été brutalement submergées, révélant la vulnérabilité de certains bassins versants densément peuplés. Les estimations provisoires des services municipaux avancent le chiffre de 28 076 personnes nécessiteuses d’une assistance immédiate, un volume inédit depuis la crue record de 2019. À Talangaï, arrondissement nord où la dynamique urbaine s’est développée plus vite que les infrastructures, près de 5 000 ménages ont vu leurs habitations fragilisées ou totalement emportées.
Une riposte gouvernementale structurée autour d’un comité de crise
Dès la montée des eaux, un comité interministériel a été activé par le Premier ministre pour coordonner la réponse. Le ministère de l’Assainissement urbain, du Développement local et de l’Entretien routier, conduit par Juste Désiré Mondelé, a déployé des brigades de curage des caniveaux, tandis que le ministère des Affaires sociales, de la Solidarité et de l’Action humanitaire, dirigé par Irène Marie-Cécile Mboukou-Kimbatsa, pilotait la cartographie des foyers à reloger. « Nous avons choisi une approche graduée : secours immédiat, réhabilitation rapide, solutions durables », explique un haut fonctionnaire du comité, insistant sur le fait que le recensement numérique des sinistrés a permis d’éviter les doublons et de cibler les plus vulnérables.
Les Nations unies en renfort logistique et nutritionnel
Le 30 juin, l’arrivée d’un convoi humanitaire piloté par le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Fonds des Nations unies pour l’enfance a marqué une étape symbolique. Sous l’autorité d’Abdourahamane Diallo, coordonnateur résident du système onusien, 40 tonnes de vivres, de kits d’hygiène et de matériel d’assainissement ont été remises aux deux ministres lors d’une brève cérémonie au dépôt central de Mpila. « Cette contribution témoigne de notre solidarité et constitue un premier jalon d’un accompagnement à moyen terme », a déclaré le diplomate onusien. Gon Meyers, représentant du PAM, a souligné que l’opération s’inscrit dans « un partenariat solide avec les autorités nationales, fondé sur la complémentarité des ressources ».
Des défis logistiques, mais un message d’espoir pour les quartiers inondés
Acheminer des denrées périssables jusqu’aux zones enclavées de Talangaï ou de Djiri demeure une course contre la montre. Les voies secondaires, déjà fragiles, se sont transformées en chenaux malaisés à franchir. Néanmoins, le Service national de gestion des catastrophes s’appuie sur des pirogues motorisées et des camions tout-terrain fournis par la Sécurité civile. « Chaque sac de riz ou jerrican de chlore qui arrive prouve que la chaîne de solidarité fonctionne », assure une volontaire de la Croix-Rouge congolaise déployée sur le terrain. Les premiers bénéficiaires, regroupés dans les écoles publiques converties en sites d’hébergement, témoignent d’un regain d’optimisme à mesure que les distributions s’enchaînent.
Talangaï, laboratoire d’une reconstruction résiliente
Au-delà de l’urgence, les discussions portent déjà sur la sécurisation foncière et la reconstruction des habitations. Les techniciens du ministère de l’Aménagement du territoire préconisent des remblais contrôlés et l’élargissement de la bande de servitude fluviale. Dans le même temps, une cellule conjointe gouvernement-ONU planche sur des modules d’abris transitoires inspirés des normes Sphere, adaptés au climat équatorial. « Nous voulons transformer cette contrainte en opportunité d’urbanisme durable », confie un urbaniste du Centre congolais de recherche et d’études urbaines.
Résilience citoyenne et responsabilité partagée
Si l’aide institutionnelle est indispensable, la mobilisation des riverains rappelle que la résilience trouve aussi ses racines dans la solidarité communautaire. Des collectifs de jeunes de Moungali ont organisé des chaînes humaines pour sauver des archives scolaires, tandis que des étudiants en santé publique forment les familles aux gestes de prévention contre les maladies hydriques. À écouter le sociologue Pascal Kimbakala, « la culture de l’entraide brazzavilloise, nourrie par les valeurs de Mbuyi-Mayi, constitue un capital social précieux que l’action publique doit valoriser ».
À mesure que les eaux se retirent, l’enjeu ne se limite plus à panser les plaies. Il s’agit, pour reprendre les mots de la ministre Mboukou-Kimbatsa, « d’ouvrir une parenthèse ambitieuse de transformation urbaine ». Dans un contexte régional où les aléas climatiques deviennent récurrents, l’épisode de 2024 pourrait bien servir de référence pour une gouvernance de crise intégrant à la fois innovation, inclusion et collaboration internationale.