Une tribune fraternelle sous la rotonde d’Abidjan
Le 30 juin, tandis que la première session ordinaire de l’Assemblée nationale ivoirienne s’achevait dans l’hémicycle de la rue des Jardins, l’orateur du jour n’était autre qu’Isidore Mvouba. Arrivé la veille, l’ancien Premier ministre devenu président de l’Assemblée nationale du Congo a été accueilli avec les honneurs protocolaires par son homologue Adama Bictogo. Aux applaudissements nourris des députés ivoiriens, le responsable congolais a délivré une adresse où l’emphase institutionnelle s’est doublée d’un accent quasi intimiste, rappelant « l’histoire tissée de luttes communes et de convergences politiques » entre Brazzaville et Abidjan.
Les images relayées sur les écrans géants de l’hémicycle ont montré un public attentif, témoin d’une rhétorique que plusieurs observateurs ont qualifiée de “mesurée mais incisive”. Dans un contexte régional où la diplomatie se joue souvent dans les palais présidentiels, la scène offrait un rarissime exercice de diplomatie parlementaire au plus haut niveau, forme d’éloquence que les deux Chambres entendent désormais inscrire dans la durée.
Le Congo, un gisement de possibles au centre du propos
Sans s’écarter de la courtoisie républicaine, Isidore Mvouba a profité de la tribune pour esquisser, devant des élus friands d’indicateurs concrets, un panorama économico-écologique de son pays. Qualifiant le Congo de « pays gâté par la nature », il a rappelé l’existence d’un sous-sol « bourré de métaux et de minerais de toute nature », des forêts classées parmi les plus denses du bassin du Congo et plus de dix millions d’hectares d’étendues arables dont à peine deux cent mille exploitées à ce jour. Les chiffres, distillés avec parcimonie, visaient moins l’autocélébration qu’un message d’ouverture : le cadre légal congolais, vanté comme « porteur et fiable », serait prêt à accueillir le capital ivoirien.
L’argumentaire trouve un écho singulier à Abidjan, où les opérateurs économiques scrutent depuis plusieurs saisons la diversification post-pétrole de Brazzaville. L’invité n’a d’ailleurs pas manqué d’évoquer les chantiers communs : transition énergétique, gouvernance numérique et lutte contre les inégalités, autant de défis que « les Parlements doivent accompagner par des lois anticipatrices, au diapason des réalités locales et des standards internationaux ».
Vers un mémorandum d’entente, socle d’une nouvelle ère
La visite, selon les deux parties, ne se résumera pas à de belles déclarations. Dans les couloirs carrelés de l’hémicycle ivoirien, conseillers juridiques et diplomates s’activent déjà autour d’un projet de mémorandum d’entente qui devrait formaliser une coopération interparlementaire élargie : échanges de commissions thématiques, harmonisation des calendriers législatifs et partage d’expertises techniques. Adama Bictogo, qui défend depuis son élection le concept de “diplomatie des peuples”, voit dans ce futur accord « un instrument agile capable de traduire l’amitié en actions tangibles ».
Pour Isidore Mvouba, l’acte revêt une dimension symbolique : il s’inscrit dans la lignée des relations de confiance entretenues par les présidents Denis Sassou Nguesso et Alassane Ouattara. Il a d’ailleurs rappelé le salut protocolaire de 2023, au cours duquel le chef de l’État congolais fut élevé à la dignité de Grand-Croix de l’Ordre national ivoirien, comme preuve d’une « estime qui transcende les aléas diplomatiques ».
Multilatéralisme et urgence climatique au cœur des priorités
Au-delà du prisme strictement bilatéral, les deux présidents d’Assemblée ont convergé sur la nécessité de revitaliser le multilatéralisme en Afrique. Adama Bictogo a alerté ses pairs sur « la remise en cause inquiétante des principes garants de la paix mondiale » et a plaidé pour un front législatif commun contre la pauvreté, les flux financiers illicites et le changement climatique. Son interlocuteur congolais a abondé, citant la Décennie de l’Afforestation et du Reboisement portée par Brazzaville et adoubée par les Nations unies comme exemple d’initiative transfrontalière susceptible de mobiliser des normes harmonisées.
Dans la même veine, le dossier de la gouvernance numérique, marqué par l’essor fulgurant de l’intelligence artificielle, a été brandi comme un terrain d’innovation législative. « Nos Parlements ne sauraient rester à la périphérie de cette révolution », a averti Isidore Mvouba, soulignant la complémentarité entre l’expertise technologique ivoirienne et les orientations stratégiques déjà esquissées par les autorités congolaises.
Un pont politique consolidé par l’amitié Sassou Nguesso-Ouattara
Si la solennité parlementaire impose la retenue, les protagonistes n’ont pas dissimulé la dimension humaine des liens qui unissent Brazzaville et Abidjan. C’est dans cette perspective qu’Isidore Mvouba a formulé le vœu de voir la Côte d’Ivoire poursuivre sa construction nationale « dans l’unité, le dialogue et l’inclusion », tandis qu’Adama Bictogo remerciait vivement le président congolais pour l’accueil réservé, en avril dernier, à la délégation ivoirienne lors de la 16ᵉ Conférence de l’Assemblée parlementaire francophone à Brazzaville.
En conclusion, les deux chambres s’engagent à demeurer « à l’avant-garde de la diplomatie parlementaire africaine ». Au-delà des formules convenues, la perspective d’un mémorandum structuré ouvre un nouveau front de coopération susceptible de générer des retombées économiques et politiques mutuellement profitables, dans un contexte continental avide de partenariats stables et de législations concertées.