Le second poumon de la planète sous haute surveillance écologique
Longtemps perçu comme l’immense coulisse verdoyante de l’Afrique centrale, le bassin du Congo est désormais au centre des attentions planétaires. Ses 200 millions d’hectares de forêts tropicales stockent chaque année des milliards de tonnes de carbone, modèrent les régimes pluviométriques et abritent près de 10 % de la biodiversité mondiale. Pour les climatologues, il s’agit du « second poumon de la planète », derrière l’Amazonie. Ce capital naturel confère au Congo-Brazzaville une responsabilité particulière et, partant, un rôle diplomatique croissant dans les négociations climatiques.
Denis Sassou Nguesso, architecte d’un cadre légal de longue haleine
Dès 1981, le chef de l’État instituait la Journée nationale de l’arbre, préfigurant l’ancrage d’une conscience écologique dans la mémoire collective. Quatre décennies plus tard, cette vision s’est traduite par un corpus juridique dense : Code forestier revisité, Plan national de développement 2018-2022 intégrant des cibles bas-carbone, puis feuille de route 2021-2030 qui articule conservation, valorisation des ressources et diversification économique. Pour le président Sassou Nguesso, « la forêt ne doit pas seulement être protégée, elle doit surtout être gérée dans l’intérêt de nos populations et du climat mondial », confiait-il à la presse lors du dernier Forum de Brazzaville sur l’économie verte.
Des aires protégées de nouvelle génération pour sanctuariser la biodiversité
Sous la houlette de la ministre de l’Environnement, Arlette Soudan-Nonault, le pays a porté la superficie des zones protégées à près de 13 % du territoire. L’exemple emblématique reste le parc de Ntokou-Pikounda : 4 572 km² de forêts primaires où gorilles, éléphants de forêt et cercopithèques circulent librement sous l’œil d’éco-garde formés aux standards internationaux. Les nouvelles concessions de conservation privilégient l’approche « paysage intégral » : couloirs écologiques, participation des villages riverains et mécanismes de partage des bénéfices tirés du tourisme scientifique, encore balbutiant mais prometteur.
REDD+, reboisement et agroforesterie : la finance climatique à l’échelle des villages
Le dispositif REDD+ s’est imposé comme l’un des leviers financiers majeurs pour récompenser les efforts de lutte contre la déforestation. L’accord conclu avec l’Initiative pour la forêt d’Afrique centrale garantit 65 millions de dollars, orientés vers le renforcement de la gouvernance locale et le développement d’activités sobres en carbone. À Bambou-Mingali, au nord de Brazzaville, 60 hectares d’acacias enrichissent désormais un sol épuisé par des cultures itinérantes. « La forêt redevient un capital productif », résume Françoise Joly, conseillère spéciale chargée de la stratégie internationale, soulignant que chaque plant nouvellement mis en terre représente une obligation de résultat environnemental suivie par satellite.
Le Sommet des trois bassins, pivot d’une diplomatie verte désormais globale
En octobre 2023, Brazzaville accueillait les représentants d’Amérique du Sud et d’Asie du Sud-Est pour acter une coalition inédite entre Amazonie, Congo et Bornéo-Mékong. La rencontre, saluée par António Guterres pour « son potentiel à inverser la courbe des émissions », a posé les jalons d’un axe Sud-Sud musclé autour de la valorisation des services écosystémiques. Le communiqué final, endossé par les présidents Lula da Silva et Denis Sassou Nguesso, engage les trois bassins à coordonner la commercialisation des crédits carbone et à mutualiser les données satellitaires de surveillance forestière.
Mobilisation citoyenne et inclusion des femmes, clefs de voûte de la résilience rurale
Au-delà des conférences internationales, la réussite congolaise se mesure à l’échelle des communautés. Dans la Sangha, des coopératives féminines transforment désormais les noix d’Irvingia en beurre cosmétique exporté vers Libreville et Douala, générant un revenu additionnel qui réduit la pression sur la faune. L’ONG locale Action Verte forme les jeunes à la cartographie participative ; munis de smartphones, ils géolocalisent les coupes illégales, informations transmises ensuite aux autorités forestières. « C’est notre forêt, nous en sommes désormais les premiers gardiens », insiste Nadège Okandza, animatrice communautaire.
De Brazzaville à la CIAR 2024 : la Décennie mondiale d’afforestation prend racine
Du 2 au 5 juillet 2024, la Conférence internationale d’afforestation et de reboisement a installé Brazzaville comme épicentre d’un engagement collectif pour planter un milliard d’arbres d’ici 2033. Sur le terrain, le Programme national d’afforestation et reboisement a déjà dépassé la barre symbolique de cinquante mille plants mis en terre en deux jours. Le secteur privé suit : la Banque postale du Congo a adopté la politique « Un agent, une action verte » et finance des parcelles agroforestières associant acacia, manioc et niébé, modèle salué par la FAO pour son efficacité hydrique.
Partenariats structurants et perspective économique d’une économie carbone compétitive
L’équation congolaise est économique autant qu’écologique. Les financements du Fonds pour l’environnement mondial et de la Banque mondiale soutiennent l’émergence de filières bois-énergie certifiées, tandis que la coopération technique avec la France et la Norvège digitalise l’inventaire forestier. Le ministère des Finances planche sur un marché domestique du carbone, adossé au cadre réglementaire régional de la CEMAC, dans l’objectif d’attirer les investisseurs soucieux de verdir leur portefeuille. Selon le cabinet Ernest & Young Africa, la valeur potentielle des actifs carbone congolais pourrait dépasser trois milliards de dollars à l’horizon 2030.
Perspectives : vers une gouvernance environnementale à rayonnement continental
La trajectoire du Congo-Brazzaville montre qu’une politique environnementale peut s’inscrire dans la durée tout en portant des ambitions diplomatiques claires. La priorité des prochaines années résidera dans le suivi indépendant des engagements, condition pour maintenir la confiance des bailleurs et des communautés. Mais le pays dispose d’atouts solides : stabilité institutionnelle, cadre juridique mature et leadership reconnu du président Denis Sassou Nguesso dans les enceintes onusiennes. À l’heure où l’Afrique se cherche une voix unifiée face à l’urgence climatique, Brazzaville entend démontrer que préserver la forêt équivaut aussi à préparer une croissance durable, inclusive et souveraine.