Un salon inédit pour repositionner Brazzaville sur la carte touristique
Pendant trois jours, le Palais des congrès de Brazzaville sera le théâtre d’un événement dont l’ambition est inversement proportionnelle au jeune âge du projet. Portée par l’agence Wild Safari Tours, la première Nabemba Tourism Expo veut faire de la capitale congolaise une scène internationale où se croisent opérateurs, investisseurs et curieux en quête d’expériences africaines authentiques. À l’heure où la diversification de l’économie est un leitmotiv récurrent, le tourisme apparaît comme un vecteur complémentaire aux hydrocarbures, capable de générer des emplois et de consolider l’image du Congo comme terre d’hospitalité.
Tourisme interne : levier économique aux couleurs climatiques
Le thème choisi, « Tourisme interne, enjeux et défis au cœur du changement climatique », révèle une volonté de conjuguer impératifs environnementaux et développement local. Les organisateurs entendent encourager les Congolais à redécouvrir leur propre patrimoine, du majestueux fleuve Congo aux forêts du bassin du même nom. Selon le ministère de l’Industrie culturelle, touristique, artistique et des Loisirs, près de 70 % des visiteurs enregistrés en 2023 étaient des résidents de la sous-région. Capitaliser sur cette clientèle, tout en la sensibilisant à la préservation des écosystèmes, pourrait créer un cercle vertueux où consommation intérieure et respect de la biodiversité se renforcent mutuellement.
Wild Safari Tours : une jeunesse entrepreneuriale en vitrine
Fondée en 2016 par Francel Emerancy Ibalank et un collectif de jeunes diplômés, Wild Safari Tours illustre la montée en puissance d’un entrepreneuriat local qui mise sur les standards internationaux. « Nous ne vendons pas seulement un voyage, nous racontons un récit congolais », affirme son directeur général, convaincu que la narrativité constitue la valeur ajoutée des destinations émergentes. L’agence, longtemps spécialisée dans le circuit des primates de la forêt de la Léfini, élargit aujourd’hui son catalogue à des escapades urbaines, gastronomiques et culturelles, répondant ainsi à la demande d’un tourisme polymorphe.
Des partenaires publics et privés en quête de synergies durables
La présence annoncée de bailleurs de fonds régionaux, de compagnies aériennes et d’établissements financiers traduit l’intérêt suscité par la future zone économique spéciale de l’aéroport d’Ignié et par les projets d’infrastructures routières reliant Brazzaville à Pointe-Noire. Dans un contexte où les investissements directs étrangers demeurent volatils, l’État congolais mise sur des partenariats public-privé pour fiabiliser la chaîne de valeur touristique : hébergements écocertifiés, mobilité verte, plateformes numériques de réservation. « Notre priorité est de consolider un cadre incitatif et sécurisé », confie un haut responsable du ministère de tutelle, évoquant des allègements fiscaux destinés aux structures respectant les normes environnementales.
Patrimoine culturel et diplomatie douce au cœur de la stratégie nationale
Au-delà des retombées économiques directes, la Nabemba Tourism Expo s’inscrit dans une diplomatie culturelle assumée. Brazzaville, ancienne « capitale de la France libre », dispose d’un héritage architectural art-déco, de musées en devenir et d’une scène musicale foisonnante. Pour les autorités, attirer festivals, colloques et expositions internationales permettra de consolider l’influence régionale du Congo. Les rencontres B2B prévues durant le salon devraient également favoriser des accords de jumelage entre sites patrimoniaux congolais et institutions étrangères, renforçant ainsi un soft power fondé sur l’échange culturel.
Vers un tourisme responsable : défis logistiques et attentes sociétales
Moderniser les infrastructures d’accueil reste un défi majeur. La capacité hôtelière de standing international demeure concentrée dans la capitale, tandis que les zones rurales, pourtant riches en biodiversité, souffrent d’accessibilité limitée. Les organisateurs misent sur la connectivité numérique pour pallier cette disparité : applications de réservation, cartes interactives et campagnes de storytelling sur les réseaux sociaux. Parallèlement, la société civile s’attend à voir le secteur créer des emplois décents pour les jeunes urbains, à l’heure où l’emploi informel atteint plus de 80 % dans certaines tranches d’âge, selon l’Institut national de la statistique.
Entre attentes internationales et ambitions nationales, un pari mesuré
En s’ouvrant aux investisseurs tout en insistant sur la dimension locale et écologique, la Nabemba Tourism Expo incarne une approche équilibrée qui pourrait faire école dans la sous-région. Si l’événement atteint ses objectifs en matière de contrats signés et de visites, il illustrera la capacité de Brazzaville à fédérer les énergies autour d’un secteur au potentiel durablement créateur de richesse. Dans le cas contraire, il aura au moins fixé une feuille de route et éveillé les consciences sur la nécessité de coupler croissance et résilience climatique. Dans un Congo en quête d’alternatives, le tourisme apparaît ainsi comme l’un des chemins pragmatiques vers la diversification attendue.