Le bassin du Congo, poumon vert et argument touristique majeur
Avec près de 10 % des réserves mondiales de biodiversité, le bassin du Congo se hisse parmi les derniers remparts planétaires contre l’érosion accélérée des écosystèmes. Le Congo-Brazzaville en détient la portion la plus densément boisée, un atout que le ministère de l’Environnement entend convertir en levier d’attractivité touristique sans compromettre son intégrité biologique. « Le capital naturel est notre première richesse ; il ne saurait être dilapidé mais valorisé, dans l’intérêt des générations futures », rappelle le professeur Pascal Ibata, écologue à l’Université Marien-Ngouabi.
La forêt humide, la savane inondée de la Likouala ou encore les plaines du Parc national d’Odzala-Kokoua composent un patchwork d’expériences recherchées par les voyageurs occidentaux comme par la diaspora africaine en quête d’authenticité. Les flux, encore modestes – quelque 210 000 visiteurs internationaux en 2023 selon l’Observatoire congolais du tourisme – devraient croître de 8 % l’an durant la prochaine décennie si la stratégie nationale atteint son rythme de croisière.
Wild Safari Tours et l’État : une synergie public-privé assumée
Dans un contexte où les financements verts deviennent la norme, la collaboration entre l’agence congolaise Wild Safari Tours et le ministère de l’Environnement illustre une approche pragmatique. L’entreprise, adossée à un réseau de guides formés aux standards internationaux, apporte l’ingénierie de produits « low impact » ; les services publics garantissent, eux, l’encadrement réglementaire et la visibilité diplomatique. « Nous voulons prouver qu’un tourisme de découverte peut coexister avec des objectifs de neutralité carbone », souligne Thérèse Malonga, directrice générale de l’agence.
Cette synergie se matérialisera dès novembre 2025 lors de la première édition de la Nabemba Tourism Expo. L’événement, pensé comme une plateforme de démonstration des innovations vertes, prévoit des tables rondes sur l’économie circulaire, la certification forestière et le financement carbone. Pour Edmond Moukouyou, conseiller technique au cabinet ministériel, « la force d’un partenariat se mesure au bouclage des chaînes de valeur : formation, production locale, exportation d’une image positive ».
Brazza Mall, théâtre symbolique d’un tourisme version 3.0
Choisi pour ses infrastructures modulables intégrant une gestion énergétique intelligente, le complexe commercial Brazza Mall illustre la mue d’une capitale qui se veut fonctionnelle et durable. La climatisation centralisée basse consommation, le tri sélectif sur place et la mobilité douce alentour constituent, aux yeux des organisateurs, « un manuel d’inspiration » pour de futurs hébergements écocertifiés le long du fleuve Congo.
Le lieu sert également d’interface entre citadins et acteurs des aires protégées. Des simulateurs de réalité virtuelle y sont annoncés afin d’offrir un avant-goût de la forêt primaire à un public urbain qui, souvent, n’a jamais franchi le seuil des parcs nationaux. L’objectif est clair : convertir la curiosité numérique en séjour physique, et ainsi générer une dépense touristique dont la Banque mondiale estime l’effet multiplicateur à 2,6 sur l’économie locale.
Climat, finance et gouvernance : les trois piliers de la Nabemba Tourism Expo
Le comité scientifique de l’exposition a retenu un triptyque de réflexions. Le pilier climatique mettra en lumière la contribution du Congo aux initiatives REDD+ et aux marchés volontaires du carbone, illustrant la volonté présidentielle de faire converger souveraineté forestière et diplomatie environnementale. Côté finance, les bailleurs multilatéraux et les fintech africaines débattront de l’adéquation entre micro-crédit communautaire et grands projets d’infrastructures vertes.
Enfin, la gouvernance occupera une place stratégique. Les collectivités locales, souvent en première ligne, présenteront leurs plans d’aménagement écotouristique, tandis que les chercheurs publieront des indicateurs de suivi des retombées. « Nous devons rendre compte avec rigueur et régularité, car l’opinion internationale est attentive », avertit Mireille Obala, experte invitée du Programme des Nations unies pour l’environnement.
Quel impact socio-économique pour la jeunesse brazzavilloise ?
Au-delà des chiffres macroéconomiques, la question de l’employabilité reste centrale pour une population dont 60 % a moins de 30 ans. Les organisateurs promettent 1 500 emplois directs durant la préparation de l’Expo, allant de la scénographie éco-responsable à la logistique événementielle. Les programmes d’incubation, couplés à des formations certifiantes en guidage et hospitalité, devraient, à terme, consolider un vivier de compétences exportables à l’échelle régionale.
Les bénéficiaires potentiels ne cachent pas leur optimisme prudent. « Si l’État pérennise l’accompagnement après 2025, nous pourrons bâtir une véritable classe moyenne issue du tourisme vert », glisse Serge Foutou, étudiant en management hôtelier. En attendant, la perspective d’accueillir des délégations étrangères sert déjà de catalyseur à l’embellissement urbain de la corniche et de Mfilou, preuve d’un vouloir-faire qui dépasse le seul horizon marchand.
Vers un modèle congolais de tourisme responsable
Au regard des ambitions affichées et des premiers engagements budgétaires sécurisés, la Nabemba Tourism Expo s’annonce comme un révélateur de la capacité congolaise à transformer ses atouts naturels en moteur de développement. L’enjeu est moins de copier un modèle extérieur que de forger une signature nationale articulant leadership institutionnel, entrepreneuriat local et respect scrupuleux du climat.
Si les défis logistiques demeurent – connectivité aérienne, accessibilité des zones reculées, standardisation de l’hospitalité –, le Congo semble résolu à démontrer qu’une croissance verte, inclusive et culturellement enracinée n’a rien d’une chimère. « Notre forêt n’est pas un musée ; elle est vivante et doit générer de la valeur partagée », conclut la ministre Rosalie Matondo avec un mélange de détermination et de prudence, en écho aux aspirations d’un pays qui, décidément, regarde l’avenir à travers le prisme d’un horizon durable.