Une promesse patrimoniale qui parle au cœur des familles congolaises
Dans une salle comble d’un hôtel du centre-ville, le directeur général de NSIA Vie, Joël Ellah, a dévoilé une campagne dont le slogan emprunte au lingala l’un des mots les plus évocateurs : « lopango », la parcelle, c’est-à-dire ce bout de terre auquel tout habitant de Brazzaville aspire pour sécuriser son avenir. Avec « Zwa Lopango », littéralement « Prends ta parcelle », la compagnie propose, pour une cotisation minimale de 10 000 F CFA, d’entrer dans un tirage au sort trimestriel offrant au lauréat un terrain constructible. Le choix de ce lot n’est pas anodin : il incarne l’héritage tangible, visible et transmissible, un patrimoine que l’on peut léguer à sa descendance. Dans un pays où la propriété foncière demeure synonyme de réussite et de stabilité, NSIA Vie mise sur le vecteur émotionnel pour pousser un produit longtemps perçu comme abstrait, voire anxiogène.
Démocratiser la prévoyance : un enjeu d’inclusion financière
Depuis plusieurs années, les acteurs de la microfinance et des assurances répètent qu’un tissu économique solide ne peut s’ériger sans filet de sécurité pour les ménages. Or le taux de pénétration de l’assurance vie dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale plafonne autour de 1 %, selon les estimations du régulateur régional. En ramenant la prime d’accès à 10 000 F CFA, NSIA Vie tente d’ouvrir la porte à de nouveaux profils, souvent hors du radar des assureurs traditionnels. « Assurer sa famille n’est pas un luxe, c’est un acte de dignité », martèle Joël Ellah, conscient que la pédagogie devra accompagner l’offre commerciale pour dissiper les méfiances encore vives à l’égard des contrats à long terme.
Le pari de la pédagogie : sensibiliser par le jeu-concours
Le recours à une tombola immobilière peut surprendre, mais l’idée s’inscrit dans une stratégie de gamification déjà éprouvée par certains opérateurs télécoms et banques de la place. Arnaud Mellot, responsable du réseau commercial, assume ce virage ludique : « Nous devons parler le langage de la rue, celui qui fait vibrer. La parcelle, c’est concret ; le tirage, c’est excitant ». Cette dimension festive pourrait contribuer à dédramatiser le discours sur la mort, sujet tabou que l’assurance prévoyance aborde frontalement. En parallèle, des sessions de formation itinérantes sont prévues dans les quartiers périphériques de Brazzaville et Pointe-Noire pour expliquer, en langues nationales, les droits des bénéficiaires, les délais de carence et la portabilité des contrats. Un canal WhatsApp dédié à la campagne répond déjà aux sollicitations quotidiennes d’internautes intrigués par la formule.
Un marché en mutation porté par la confiance réglementaire
Le contexte institutionnel joue en faveur de la campagne. Depuis la ratification récente des nouveaux textes de la Conférence interafricaine des marchés d’assurance, les garanties de solvabilité ont été renforcées, rassurant un public autrefois échaudé par les faillites d’opérateurs informels. Le gouvernement congolais, qui promeut l’inclusion financière dans son Plan national de développement 2022-2026, voit d’un œil favorable les initiatives susceptibles d’élargir la base d’épargnants bancarisés. Sans se substituer aux pouvoirs publics, NSIA Vie s’inscrit ainsi dans une dynamique complémentaire : celle d’un secteur privé mobilisé pour relayer les ambitions nationales de protection sociale.
Impact socioculturel : vers un nouveau rapport à la prévoyance
Au-delà du levier financier, la campagne soulève un enjeu anthropologique. Dans la société congolaise, la solidarité familiale et paroissiale constitue encore la principale assurance face aux aléas de la vie. L’arrivée de produits comme Mobateli ou Likama, désormais surfaits par l’effet « Zwa Lopango », pourrait remodeler cette solidarité en la transformant en cotisation formalisée. L’universitaire M’Passi Molondzi, sociologue à l’Université Marien-Ngouabi, y voit « une hybridation entre la tontine traditionnelle et l’assurance moderne ». Le terrain à gagner devient, selon lui, le « totem d’une transition culturelle : on passe de la promesse verbale de soutien à un actif concret, convertible et opposable en cas de litige ». Reste à savoir si cette hybridation tiendra ses promesses au-delà de l’enthousiasme initial.
Perspectives : consolider la confiance pour pérenniser l’engagement
Le premier tirage au sort, prévu le 15 octobre prochain, servira de test grandeur nature. Si le gagnant témoigne de la transparence de la procédure et si les prestations dues en cas de sinistre sont versées sans délais, NSIA Vie pourrait capitaliser sur un bouche-à-oreille positif. À l’inverse, tout manquement minerait la confiance encore fragile du public. Les prochaines semaines seront donc cruciales : elles diront si la tombola immobilière se limite à un feu d’artifice marketing ou si elle amorce un basculement durable vers une société congolaise plus assurantielle, conforme aux objectifs de modernisation économique du pays.