Une mobilisation inédite autour de la qualité des soins
Le siège du Forum des jeunes entreprises du Congo a brièvement troqué ses débats économiques contre une effervescence résolument sanitaire : l’Observatoire congolais des droits des consommateurs y a réuni, du 10 au 11 juin 2025, une cinquantaine de délégués issus des Comités de santé des cinq principaux districts de Brazzaville. Face à eux, l’Inspecteur général de la santé, le professeur Richard Bileckot, et plusieurs experts ont déroulé un programme dense, tourné vers un objectif clair : traduire la cogestion prévue par les textes en actes concrets au chevet des hôpitaux.
Le rappel d’un diagnostic sans complaisance
En 2018, la revue nationale du secteur sanitaire avait pointé la participation encore timide des usagers dans la gouvernance des formations sanitaires. « L’atelier est une réponse méthodique à cette recommandation restée en suspens », a rappelé René Ngouala, président du comité de suivi de l’O.2c.d, en ouverture des travaux. Les chiffres cités soulignent l’enjeu : seuls 38 % des hôpitaux de référence disposaient alors d’un comité d’usagers opérationnel, et moins d’un tiers de ces instances tenaient des réunions régulières.
Le modèle congolais à l’épreuve du comparatif international
Deux communications ont servi de colonne vertébrale à la formation. La première, présentée par le professeur Richard Bileckot, a détaillé l’architecture réglementaire locale : désignation à parité d’usagers et de techniciens, droit de regard sur les plans d’investissement, pouvoir de saisine auprès de la direction départementale de la santé. La seconde, proposée en visioconférence par Christian Khaliffa depuis Paris, a esquissé un parallèle instructif avec les comités français d’usagers. Les échanges ont souligné que, malgré des contextes budgétaires dissemblables, les deux modèles convergent sur l’exigence de transparence et la défense des droits du patient.
La charte du patient : un outil fédérateur
Point d’orgue des discussions, la présentation du projet de charte du patient a suscité un intérêt palpable. Élaboré par un groupe de travail associant la société civile, les autorités sanitaires et des universitaires, le document consacre le droit à l’information, au consentement éclairé et à l’accueil digne. « Nous tenons à ce que la charte soit affichée dans chaque salle d’attente, pour que les usagers s’en emparent », a insisté Mermans Babounga Ngondo, secrétaire exécutif de l’O.2c.d. Cette démarche cadre avec la politique nationale d’humanisation des soins promue par le ministère de tutelle.
Des témoignages qui confirment l’urgence de la professionnalisation
À la sortie des salles de travail, les participants n’ont pas masqué leur satisfaction, tout en reconnaissant l’ampleur de la tâche. Le docteur Nelson Bokalé, médecin-chef de l’Île Mbamou, résume : « La formation nous donne des repères juridiques solides pour équilibrer la cogestion entre techniciens et communauté ». Même son de cloche chez Arsène Ibara, président du Cosa du Centre de santé intégré Fleuve Congo : « Nous devons consolider nos compétences pour accompagner la modernisation des hôpitaux et répondre aux attentes des patients ». Ces propos traduisent une prise de conscience généralisée, essentielle pour ancrer la culture de la reddition de comptes.
Recommandations et feuille de route immédiate
La synthèse des travaux a débouché sur une dizaine de recommandations, parmi lesquelles la tenue trimestrielle obligatoire des réunions de comité, la publication annuelle d’un rapport d’activité et l’organisation de permanences citoyennes au sein des hôpitaux. Les participants ont également plaidé pour un appui méthodologique continu de la part des inspections départementales de la santé, afin de maintenir la dynamique de formation et de suivi.
Perspectives d’avenir pour la gouvernance sanitaire congolaise
Au-delà de l’atelier, les responsables interrogés s’accordent à dire que la réussite de la cogestion dépendra de deux leviers complémentaires : la disponibilité des données budgétaires et la responsabilisation financière des comités. Sur ce point, le ministère de la Santé envisage déjà un mécanisme pilote de subventions affectées, destiné à soutenir les initiatives locales d’amélioration de l’accueil et de la qualité hôtelière. En misant sur une coopération étroite entre pouvoirs publics, personnel soignant et usagers, Brazzaville s’inscrit dans un mouvement mondial aspirant à des hôpitaux plus transparents et plus proches de leurs communautés.