Opération d’assainissement : un impératif urbain à Brazzaville
Dans un contexte de croissance démographique soutenue et d’urbanisation rapide, la question de la gestion de l’espace public revient avec insistance dans les débats brazzavillois. Le ministre de l’Assainissement, du Développement local et de l’Entretien routier, Juste Désiré Mondélé, a annoncé, le 2 juillet, le déploiement d’une nouvelle opération de déguerpissement des occupations anarchiques. L’initiative, fixée au 5 juillet, s’inscrit dans la continuité des campagnes « Ensemble, gardons nos villes propres » impulsées par le chef de l’État lors du Sommet des trois bassins de 2023. Elle entend repositionner la capitale comme vitrine nationale à l’approche des célébrations de l’indépendance.
Les enjeux économiques et sociaux de la libération de l’espace public
Au‐delà de l’esthétique urbaine, l’occupation des trottoirs par des étals informels, des épaves automobiles ou des dépôts de matériaux pèse sur la fluidité de la circulation, freine le transport de marchandises et compromet la sécurité des usagers. D’après la Chambre de commerce de Brazzaville, les embouteillages imputables aux encombrements grèveraient jusqu’à 15 % les coûts logistiques des PME. Le ministre Mondélé l’a rappelé : « Restaurer la libre circulation, c’est protéger les petits commerçants eux-mêmes, dont l’accessibilité conditionne la clientèle. » Les vendeurs concernés se verront orientés vers des marchés domaniaux réhabilités où les loyers ont été révisés à la baisse, mesure saluée par l’Association congolaise des consommateurs comme un signe « d’équilibre entre fermeté et accompagnement ».
La stratégie gouvernementale entre pédagogie et fermeté
Le calendrier dévoilé par le ministère articule deux temps. Une première phase de sensibilisation de quarante‐huit heures, menée par les chefs de quartiers et les comités de marchés, doit permettre des départs volontaires. Les équipes techniques en profiteront pour baliser les sites de relocalisation et inventorier les points noirs identifiés lors des patrouilles citoyennes organisées depuis mai. Dès le 5 juillet, la force publique appuiera les collectivités pour évacuer les résidus, retirer les carcasses de véhicules et démanteler les constructions précaires demeurées en place. Interrogé par notre rédaction, le sociologue urbain Sylvain Moungoué voit dans ce séquençage « la marque d’une gouvernance graduée privilégiant d’abord la persuasion avant la contrainte, conformément aux recommandations de l’Union africaine en matière de villes durables ».
Rôle des collectivités et adhésion citoyenne
Les neufs arrondissements de la capitale ont été invités à décliner, chacun, un plan d’accompagnement communautaire. À Makélékélé, le maire Parfait Matondo a déjà programmé des rencontres avec les associations de vendeuses de légumes, tandis qu’à Talangaï des brigades vertes d’étudiants volontaires distribuent des flyers rappelant les amendes encourues en cas de récidive. L’enjeu, confie un cadre de la mairie centrale, est de « transformer l’opération en rituel d’appropriation collective et non en épisode ponctuel de coercition ». Les leaders d’opinion, influenceurs et artistes urbains ont été sollicités pour relayer les messages sur les réseaux sociaux les plus consultés par la jeunesse, cible stratégique de la campagne.
Perspectives durables pour une capitale attractive
Si l’opération du 5 juillet constitue un jalon visible, le ministère inscrit sa démarche dans une trajectoire pluriannuelle. Le projet de Plan directeur d’assainissement élaboré avec l’appui de la Banque de développement des États d’Afrique centrale prévoit la multiplication des zones piétonnes, la réhabilitation des voiries secondaires et l’intégration d’espaces verts linéaires. Le géographe Dieudonné Okouimbou souligne que « la durabilité d’un tel programme dépendra d’une police de l’urbanisme dotée de moyens et d’un dispositif d’évaluation participative ». Interrogé sur ce point, Juste Désiré Mondélé assure que des tableaux de bord trimestriels, consultables par le public, seront publiés dès 2025 afin de mesurer l’évolution des indicateurs de salubrité, d’accessibilité et de satisfaction citoyenne.
En somme, l’opération de déguerpissement annoncée traduit la volonté des pouvoirs publics de concilier exigence environnementale et dynamisme économique. Reste à convertir cette étape en impulsion durable, capable de fédérer commerçants, riverains et autorités autour d’une vision partagée d’une Brazzaville plus ordonnée, plus respirable et plus compétitive.