Un cap national pour la jeunesse congolaise
Dans la salle plénière du ministère de la Jeunesse à Brazzaville, la tonalité était grave mais résolument tournée vers l’avenir. Le directeur de cabinet du ministre, Charles Mackaya, a rappelé que le texte validé entend répondre « aux défis que rencontrent les jeunes dans un contexte de transitions économiques, climatiques, numériques et sociétales ». Derrière la formule, une conviction : sans cadre stratégique stable, l’énergie démographique des moins de trente ans pourrait se diluer, alors que cette tranche d’âge représente plus de 60 % de la population congolaise, selon les estimations officielles. Le document, résultat de trois années de consultations, se veut aussi la traduction concrète de la Vision 2025 du gouvernement et de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, deux référentiels dans lesquels l’autonomisation des jeunes figure en bonne place.
Une stratégie jeunesse alignée sur l’Agenda 2063
Structurée autour de six axes – autonomisation, inclusion, formation, emploi, participation citoyenne et bien-être – la Politique nationale de la jeunesse (PNJ) se définit comme « un outil de planification et une boussole de l’action publique », pour reprendre les mots de Charles Mackaya. Cette architecture reprend les standards internationaux promus par l’UNESCO et la Banque africaine de développement, tout en conservant une touche locale : la promotion de l’entrepreneuriat agropastoral y voisine avec le développement des compétences numériques. Aux yeux de nombreux observateurs, l’articulation de ces priorités reflète la mue économique que le Congo-Brazzaville entend opérer, en diversifiant ses revenus hors pétrole et en misant sur l’économie verte.
Diagnostic socio-économique : chiffres qui interpellent
Le directeur de cabinet du ministre de l’Économie, Émile Eba, a lui-même insisté sur la nécessité « de procéder à un diagnostic approfondi des défis auxquels la jeunesse est confrontée ». Les chiffres évoqués durant l’atelier confirment l’urgence : près d’un tiers des jeunes urbains seraient touchés par le chômage, tandis que seuls 15 % des diplômés de l’enseignement technique trouvent un emploi dans leur filière dans les deux ans suivant la sortie du système scolaire. Les zones péri-urbaines font face à des taux de décrochage encore plus élevés. À ces contraintes économiques s’ajoutent des attentes nouvelles liées aux réseaux sociaux ; la PNJ note une hausse de 40 % des demandes d’accompagnement à la création de start-up sur la période 2018-2022.
Autonomisation et inclusion : priorités budgétaires
Le document fixe des indicateurs de résultats assortis d’un calendrier triennal. Parmi les engagements emblématiques, l’allocation d’au moins 2 % du budget national aux programmes jeunesse dès l’exercice 2025, la création de 25 000 stages rémunérés et l’aménagement de 12 maisons de la citoyenneté numérique dans les chefs-lieux départementaux. L’accent est également mis sur l’inclusion : un fonds dédié à l’entrepreneuriat féminin devrait voir le jour, alors que les bailleurs, notamment l’Agence française de développement, ont déjà manifesté un intérêt pour cofinancer des projets d’incubateurs mixtes. Les équipes techniques parlent aussi d’un « pass jeunes » électronique offrant des réductions sur les transports publics et l’accès aux manifestations culturelles.
Partenariat UNESCO : expertise internationale et ancrage local
Si la PNJ porte la signature des autorités congolaises, elle bénéficie d’un adossement institutionnel fort à l’UNESCO. L’organisation onusienne a accompagné la phase de diagnostic et s’est engagée à maintenir un suivi évaluation indépendant. Selon sa représentante résidente, Caroline Nzongo, « l’enjeu est de faire du Congo un laboratoire régional des politiques publiques en faveur des jeunes ». Au-delà de l’appui technique, l’UNESCO facilitera des programmes d’échanges sud-sud, permettant à de jeunes Congolais de se former en Côte d’Ivoire ou au Rwanda sur les métiers de la data, avant de revenir renforcer les administrations locales. Cette coopération, jugée stratégique par Brazzaville, sert également de levier diplomatique dans la quête de financements climat et numérique.
Voix de la jeunesse : attentes et responsabilités
Autour de l’esplanade du ministère, plusieurs représentants d’associations étudiantes se sont félicités de la validation du texte tout en appelant à la vigilance. « Nous voulons des délais clairs pour l’ouverture des guichets du fonds d’entrepreneuriat ; nos membres ont des projets qui n’attendent que cela », confie Rodrick Mabiala, porte-parole d’un collectif de start-uppers. Pour la sociologue Mireille Kintou, l’enjeu est aussi éducatif : « La participation citoyenne implique la diffusion d’une culture démocratique dès le primaire ; c’est un volet parfois sous-estimé. » Les décideurs, conscients de ces attentes, ont promis de publier semestriellement l’état d’avancement des réformes, afin de maintenir la confiance.
Perspectives de mise en œuvre : cap sur 2025
Les premières actions pilotes devraient démarrer au quatrième trimestre 2024, à l’issue de la ratification formelle par le Parlement. Une équipe interministérielle chapeautée par le Premier ministre suivra l’exécution budgétaire, tandis qu’un tableau de bord numérique, développé avec l’appui de la Banque mondiale, sera accessible au public. L’objectif déclaré est d’atteindre un taux d’insertion professionnelle de 50 % des diplômés techniques dans les trois ans. En toile de fond, la préparation des Jeux de la Francophonie 2029, que Brazzaville souhaite accueillir, sert de catalyseur : l’événement offre une échéance mobilisatrice pour démontrer la capacité du pays à transformer l’essai. À entendre les responsables, le mot d’ordre est désormais « implémentation » – une étape cruciale où la boussole devra prouver qu’elle sait aussi indiquer la vitesse.