Une rencontre sous haute intensité symbolique
À peine débarquée sur les rives du fleuve Congo, la nouvelle ambassadrice extraordinaire et plénipotentiaire de la République populaire de Chine, Mme An Qing, a choisi le fauteuil capitulaire du Sénat pour son premier échange de fond. Face à elle, le président de la chambre haute congolaise, M. Pierre Ngolo, n’a pas manqué de souligner « la densité historique d’une amitié qui s’est construite pierre après pierre depuis le rétablissement des relations diplomatiques en 1964 ». Ce climat de cordialité, loin de la pure courtoisie, s’inscrit dans une diplomatie de proximité qui se nourrit de gestes symboliques et de promesses concrètes.
Le Parlement comme nouveau chef d’orchestre de la coopération
L’entretien du 3 juillet place pour la première fois les organes législatifs au centre d’un dispositif coopératif longtemps dominé par les exécutifs. « Nous voulons consolider une relation déjà exemplaire en favorisant un dialogue législatif permanent », a affirmé Pierre Ngolo, citant la nécessité d’harmoniser les cadres juridiques en matière d’investissement et de protection des citoyens. De son côté, Mme An Qing a indiqué que « la Chine est prête à partager son savoir-faire législatif, notamment sur la codification de l’économie numérique et la régulation des zones économiques spéciales ».
Vers une coproduction normative et technique
Au-delà des échanges de délégations, les deux parties envisagent d’installer des groupes de travail mixtes capables de produire des textes communs ou d’adapter des modèles asiatiques aux réalités congolaises. Les discussions ont évoqué la création d’un centre d’études parlementaires sino-congolais, hébergé à Brazzaville, qui organiserait colloques, formations et appuis à la rédaction de propositions de loi. Dans l’esprit des interlocuteurs, la diplomatie se pense dorénavant comme une coproduction où expertise juridique et expérience locale s’entrelacent.
Une feuille de route à l’horizon 2035
Sans dévoiler tous les détails, l’ambassadrice a confirmé l’élaboration d’une feuille de route assortie d’objectifs mesurables. Les priorités annoncées couvrent l’agro-industrie, l’énergie renouvelable et la connectivité numérique, domaines où la législation devra évoluer pour attirer capitaux et technologies. « Nous inscrivons notre démarche dans la Vision 2035 du Congo et dans l’Initiative la Ceinture et la Route », a précisé Mme An Qing, rappelant que la convergence des calendriers stratégiques renforce la crédibilité du partenariat.
Brazzaville, laboratoire d’un bénéfice direct pour la jeunesse
En coulisses, les représentants congolais insistent sur les attentes d’une jeunesse urbaine avide d’opportunités. Les futurs projets législatifs devraient favoriser les incubateurs de start-up, la reconnaissance des qualifications professionnelles et la sécurisation des emplois issus des financements mixtes. « Il est crucial que nos textes traduisent un gain palpable pour les jeunes diplômés de Makélékélé à Talangaï », souligne un conseiller parlementaire présent à l’audience. Les perspectives de stages en Chine et d’échanges universitaires, souvent évoquées mais encore limitées, pourraient bénéficier d’un cadre législatif stabilisé.
Une coopération alignée sur les priorités nationales
Le gouvernement congolais, qui place la diversification économique au cœur de son action, voit dans ce dialogue parlementaire un moyen d’accélérer la transformation structurelle. Les votes attendus au Sénat et à l’Assemblée nationale sur la réforme minière ou la fiscalité verte trouveraient avantage à s’appuyer sur l’expérience chinoise en matière de zones franches. Pour le politologue Jean-Pascal Makosso, « l’implication directe des législateurs crée une chaîne de responsabilité plus claire entre la signature d’un protocole et son application dans la vie quotidienne ».
Transparence et efficience : des défis assumés
La densification des échanges appelle toutefois un renforcement des mécanismes de suivi. Pierre Ngolo l’a reconnu : « La coopération doit rester lisible et bénéfique à nos populations ; nous ouvrirons nos commissions à un contrôle citoyen renforcé ». La partie chinoise, de son côté, se dit favorable à des audits conjoints des projets financés, un geste susceptible de dissiper les suspicions fréquemment adressées aux partenariats Sud-Sud.
Cap sur un partenariat Sud-Sud de référence
Cette visite inaugure une séquence diplomatique destinée à inscrire le tandem Congo-Chine dans la catégorie des coopérations Sud-Sud de référence. Régularité du dialogue, co-élaboration normative, bénéfices palpables pour la population : autant d’ingrédients qui pourraient, selon les observateurs, préfigurer une nouvelle génération d’accords internationaux plus équilibrés. À l’issue de l’échange, les deux responsables ont convenu d’un calendrier semestriel de consultations, scellant la promesse qu’aucune décision majeure ne se prendra plus sans une articulation étroite entre les Parlements et les gouvernements respectifs.