Une recomposition interne pour gagner en agilité politique
Dans la moiteur précoce d’un samedi de juin, l’hôtel de la Préfecture de Brazzaville a vu se lever une salve d’applaudissements mesurés : Félix Guy Charles Paul Manckoundia, président fondateur de l’Union pour la Nation, venait d’annoncer la réduction de son Comité exécutif national. Treize portefeuilles au lieu de quinze, soit une contraction voulue « pour fluidifier la chaîne décisionnelle et répondre plus vite aux signaux de la base », affirme le leader dans son allocution liminaire. L’exercice tranche avec la tentation, souvent observée sous nos latitudes, d’alourdir l’organigramme sitôt que le parti prend de l’épaisseur. Ici, c’est la recherche d’une ergonomie politique qui prime, le tout sans entamer le pluralisme interne.
Le pari d’un leadership collégial sous l’œil de Manckoundia
Ancien diplomate passé par la représentation congolaise auprès de l’Union africaine, Manckoundia assume un style de management où le collectif sert de levier. « Il ne s’agit pas d’une simple contraction numérique, mais d’un serrage de boulons conceptuel », glisse-t-il dans les couloirs, évoquant un « pilotage d’équipe inspiré des meilleures pratiques administratives ». À trente-huit ans, celui que ses partisans surnomment « FGCPM » revendique un double héritage : celui de la culture d’État, apprise au contact des rouages institutionnels, et celui du terrain, consolidé dans le 3e arrondissement où il a longtemps mené des actions de proximité. La nomination d’Esther Blandine Claudia Bouanga comme secrétaire générale scelle la volonté d’insuffler une note d’égalitarisme genré, tandis que son adjoint, Brice Trésor Tsémoua Mbambouly, est chargé des ponts diplomatiques avec la diaspora.
Treize portefeuilles, une mosaïque de thématiques sociétales
Le nouvel attelage embrasse la quasi-totalité des préoccupations urbaines contemporaines. Ghislain Mezieba hérite de la prospective et de l’économie solidaire, un poste appelé à dialoguer avec l’ambitieuse politique nationale de diversification. Sur le front de la communication et de la mobilisation, Alain Matala-Demazza devra composer avec l’essor fulgurant des réseaux sociaux qui façonnent l’opinion juvénile de Brazzaville. Les finances et le patrimoine sont confiés à Armandine Murielle Moutila Nsayi, auditrice reconnue, tandis que Patrick Elion Mazoumo chapeaute adhésions, formation politique et suivi des élus, un triptyque décisif à l’approche des municipales de 2026. L’éventail se poursuit avec les droits humains pilotés par Mohamed Eti, la santé et l’action sociale conduites par Régis Socky Badinga, sans omettre la cohésion nationale portée par Marianne Kipissa Mbélé. L’environnement et l’innovation, assignés à Rock Stanislas Ngakoly, témoignent d’un souci d’alignement avec les engagements climatiques du Congo-Brazzaville, et Arel Misma Missamou, docteur en sciences de l’éducation, prend la tête du pôle éducation-recherche. Enfin, Victor Sanadina, figure respectée des milieux interreligieux, charrie l’idéal de culture de paix.
Une feuille de route compatible avec les orientations nationales
Sans jamais le dire frontalement, la plateforme programmatique de l’U.n s’inscrit dans une dynamique de complémentarité avec les priorités définies par les pouvoirs publics, qu’il s’agisse de l’accélération de la couverture santé universelle, de la promotion de l’entrepreneuriat jeune ou de la transition verte. Selon la politologue Mariette Otsiba, « le parti s’aligne tactiquement sur les grandes lignes du Plan national de développement 2022-2026, tout en conservant une marge d’innovation citoyenne, manière de se rendre audible sans passer pour une opposition systématique ». Cet arrimage nuancé conforte l’image d’un parti constructif, prêt au dialogue, un positionnement que nombre d’observateurs jugent propice à la stabilité du débat public.
Échos de la société civile et regard des analystes
Dès l’annonce, les premiers retours ont fusé sur les radios urbaines. Plusieurs associations d’étudiants se disent « preneuses » des ateliers participatifs annoncés par le nouveau secrétariat à l’éducation, tandis que des ONG environnementales saluent la présence d’un portefeuille dédié à l’écologie. Pour l’économiste Jean-Loup Moundélé, interrogé sur Télé Congo, « la réduction des sièges peut être perçue comme un signal d’austérité vertueuse, à l’heure où les ressources publiques sont appelées à être optimisées ». Dans le même temps, certains acteurs de la blogosphère suggèrent que treize têtes, malgré la bonne volonté, pourraient peiner à couvrir un territoire national vaste et multiforme. Le président se veut serein : « Nous n’allons pas tout faire seuls. Notre approche repose sur la co-construction avec les collectivités locales. »
Brazzaville, laboratoire électoral et vitrine d’un projet social
Capitale foisonnante, Brazzaville incarne le terrain d’expérimentation privilégié de l’Union pour la Nation. En coulisses, les stratèges du parti planchent déjà sur des caravanes numériques destinées à expliquer, quartier après quartier, la vocation de chaque secrétariat. « La jeunesse urbaine souhaite des réponses concrètes sur l’emploi, le logement et la mobilité douce ; notre nouvelle architecture répond à cette attente », assure Alain Matala-Demazza. Le chronomètre politique tourne : à l’horizon 2026, les échéances locales offriront un premier baromètre de la pertinence du réaménagement. D’ici là, le parti promet une série de rapports trimestriels d’évaluation, une initiative que certains qualifient de rupture culturelle dans le paysage partisan.
Vers une culture de la performance assumée
En optant pour un Comité exécutif national ramassé, l’Union pour la Nation fait le choix d’un pilotage fondé sur la responsabilisation individuelle et la reddition de comptes. L’horizon est clair : se forger une identité de parti réformateur, respectueux des institutions et attentif aux urgences du quotidien. Reste à convertir l’essai sur le terrain, où le citoyen sanctionne ou récompense sans fard. Comme le rappelle la sociologue Mireille Bafouma, « la crédibilité d’une formation ne se mesure plus au nombre de ses cadres mais à la qualité du service politique rendu ». Sur ce chemin exigeant, les treize nouveaux visages savent qu’ils sont désormais directement attendus par les habitants de Diata, de Poto-Poto ou du Plateau des 15-Ans. Le compte à rebours de la réalité vient de commencer.