La célébration d’une fidélité rare
Dans la fraîcheur matinale de l’église Notre-Dame-des-Bans, les cloches ont sonné plus longuement qu’à l’accoutumée. Au premier rang, des fidèles venus de Brazzaville, Paris et Limoges mêlaient leurs chants aux cordes d’un modeste violon. Ainsi s’ouvrait la messe du cinquantenaire sacerdotal de l’abbé Michel Samba, ordonné le 29 juin 1975 dans la capitale congolaise. La liturgie, préparée durant plusieurs mois par le conseil paroissial, s’est voulue sobre mais dense, comme pour rappeler que la durée est davantage affaire de cohérence intérieure que d’apparat extérieur.
Des racines spirituelles profondément congolaises
Le regard posé sur l’assemblée, le jubilaire a confié : « Je mesure aujourd’hui la fécondité des paroles que le cardinal Biayenda m’a adressées lors de mon baptême en 1962. » Ce souvenir d’enfance, surgissant de Mouléké, dit l’importance du terreau congolais dans lequel la vocation a poussé. Plus tard, sous la houlette de Mgr Auguste Nkounkou, Michel Samba a découvert l’exigence d’une pastorale de proximité, attentive aux consciences mais aussi aux réalités sociales que traversait le pays au lendemain de l’indépendance. Le prêtre aime rappeler que ces « pères spirituels » lui ont transmis « l’amour du Cœur de Jésus », leitmotiv qui irrigue encore son homélie comme sa conduite quotidienne.
Un itinéraire pastoral au carrefour des cultures
Après plusieurs années à Brazzaville, la nomination à Goma Tsé-Tsé, puis un exil studieux à Paris, ont forgé chez l’abbé Samba une sensibilité plurielle. « Le prêtre n’est pas pour lui, il est pour vous », soulignait-il en citant le curé d’Ars, rappelant que servir exige de fréquenter les périphéries humaines. À Treignac, petite commune corrézienne où il officie depuis 2000, l’homme de foi conjugue tradition liturgique et hospitalité africaine. La chorale paroissiale s’est d’ailleurs enrichie d’intonations bantoues, preuve qu’une culture peut respirer à l’unisson d’une autre sans perdre son identité.
Le message d’un demi-siècle de ministère
Au terme de la célébration, la voix tremblante mais ferme, l’abbé Samba a relu l’Évangile qui l’accompagne depuis toujours : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ». Le verset, médité sur tous les continents, a servi de fil rouge à son homélie, laquelle insistait sur la fidélité, vertu peu médiatisée mais indispensable à la cohésion des sociétés contemporaines. Pour les jeunes urbains de Brazzaville, nombreux à suivre la cérémonie en ligne, le message vaut invitation à cultiver l’enracinement plutôt que la précipitation. Comme pour mieux illustrer ses propos, l’intéressé a conclu par une confidence : « Le temps n’use pas le sacerdoce ; il le polit, à condition de demeurer disponible. »
Perspectives pour la jeunesse brazzavilloise
Au-delà de l’émotion suscitée par cet anniversaire, le parcours de Michel Samba interroge l’avenir. Le Congo, riche de sa vitalité démographique et de sa diaspora, compte sur des figures de pont entre les continents pour nourrir l’imaginaire collectif. En plaçant la réciprocité culturelle au cœur de sa mission, le prêtre offre un modèle d’ouverture compatible avec les ambitions du pays. Plusieurs étudiants congolais présents à Treignac ont d’ailleurs annoncé la création d’un « Réseau Samba » destiné à promouvoir les échanges théologiques et humanitaires entre Brazzaville et l’Europe. L’initiative illustre la capacité d’un itinéraire personnel à devenir ferment social, tout en s’inscrivant dans l’effort national de rayonnement culturel.
Élan d’avenir
Les lampions du jubilé se sont éteints, mais l’écho des chants résonne encore jusque sur les rives du fleuve Congo. Cinquante ans après son « oui », l’abbé Michel Samba demeure un marcheur de l’aube, persuadé que chaque génération peut inscrire sa propre note sur la partition d’une même symphonie. En ce sens, son jubilé ne fut pas seulement un regard en arrière, mais une promesse : celle d’un dialogue entre mémoire et espérance, où l’homme de Dieu rappelle, avec douceur, qu’il n’existe de véritable modernité que nourrie par la fidélité aux racines.