Une impulsion sanitaire qui répond à l’urgence rénale
Le 19 juin 2025, date retenue par l’Organisation des Nations unies pour rappeler le fardeau mondial de la drépanocytose, un frémissement d’espoir a traversé les couloirs du Centre national de référence de la drépanocytose « Antoinette Sassou Nguesso ». Sous les regards d’équipes médicales et de familles souvent confrontées au spectre de l’insuffisance rénale, une unité publique de dialyse, entièrement opérationnelle, a officiellement vu le jour. L’infrastructure, composée de cinq postes et dotée de générateurs de dernière génération, vise à limiter les défaillances rénales fulgurantes auxquelles sont exposés les patients drépanocytaires, mais aussi à désengorger le Centre hospitalier et universitaire de Brazzaville, dont les trente postes de dialyse peinent à satisfaire une demande croissante.
Un partenariat public-associatif emblématique
À l’origine de cette réalisation, la Fondation Congo Assistance, organisation à vocation sociale présidée par Mme Antoinette Sassou Nguesso, s’est appuyée sur un modèle de coopération associant mécénat privé et services publics. L’architecture du bâtiment, les acquis technologiques et la formation du personnel ont été intégralement financés par la fondation. Lors de la remise symbolique des clés, son secrétaire général Michel Mongo a rappelé l’engagement pris en 2019, à la suite du décès d’une adolescente de 15 ans, victime de l’indisponibilité d’un poste de dialyse. « Au-delà de l’émotion, il fallait apporter une réponse structurelle », a-t-il confié, soulignant la portée inclusive du projet, ouvert à tous les malades congolais, indépendamment de leur pathologie d’origine.
Une technologie ouverte pour une médecine de proximité
La société Pharma for All, identifiée pour équiper l’unité, a sélectionné des machines dites « ouvertes ». Selon son directeur technique Mouad Akirar, cette génération de dispositifs accepte divers kits, permet la prise en charge d’urgences aiguës et réduit les délais de maintenance. Ce choix technique répond à une logique d’accessibilité : l’importation de consommables spécifiques n’étant plus un facteur limitant, les soignants disposent d’une souplesse d’approvisionnement, indispensable dans un contexte où les épisodes de rupture logistique peuvent entraver le suivi thérapeutique.
Drépanocytose et insuffisance rénale : un continuum de soins à bâtir
Le professeur Alexis Elira Dokékias, directeur général du centre, insiste sur la dimension intégrative de la nouvelle structure. La drépanocytose, rappelle-t-il, est souvent associée à des complications rénales irréversibles. « La dialyse offre un sursis, mais la greffe constitue l’horizon », explique-t-il. Dans sa perspective, l’implantation prochaine d’une unité stérile destinée aux greffes de moelle osseuse et de rein viendrait compléter l’arsenal thérapeutique national, jusqu’alors limité. Ce projet, encore à l’étape de faisabilité, témoigne d’une volonté de bâtir un continuum de soins allant du dépistage néonatal à la transplantation, dans un pays où environ 1 % des nouveau-nés seraient porteurs du trait drépanocytaire, d’après les estimations du ministère de la Santé.
Un pas de plus vers l’autonomie sanitaire nationale
La mise en service de l’unité intervient dans un contexte marqué par des initiatives gouvernementales visant à renforcer la souveraineté sanitaire : réhabilitation de plateaux techniques, élargissement des réseaux de laboratoires régionaux et formation continue du personnel. Le ministre de la Santé, Jean Rosaire Ibara, a exprimé sa gratitude à l’endroit de la Fondation et a exhorté les équipes à « garantir la pérennité des équipements grâce à un entretien rigoureux ». Ses propos rejoignent les observations de nombreux spécialistes, pour qui la durabilité des infrastructures reste conditionnée à la disponibilité de pièces de rechange, d’énergies stabilisées et de budgets récurrents alloués à la maintenance.
Des patients qui retrouvent le souffle de la normalité
Dès le premier après-midi, une jeune fille souffrant d’insuffisance rénale aiguë a été connectée à l’un des générateurs, illustrant l’impact immédiat de l’investissement. Entre le vrombissement feutré de la pompe et le regard rassurant des infirmiers, sa mère a laissé échapper un soupir de soulagement : « C’est la première fois que je sens ma fille en sécurité ». Ces témoignages rappellent que derrière les chiffres et la rhétorique institutionnelle se joue une réalité vécue, faite de nuits blanches, de crises douloureuses et de longs périples vers des centres parfois saturés.
Perspectives de recherche et ancrage régional
L’unité de dialyse ouvre également des pistes pour la recherche clinique locale. Avec un registre de patients mieux renseigné et un suivi biologique régulier, les équipes brazzavilloises envisagent de contribuer à l’épidémiologie de la drépanocytose en Afrique centrale. Des partenariats avec des universités de la sous-région sont en cours de discussion, afin de mutualiser les protocoles sur la prise en charge des crises vaso-occlusives et sur l’impact de la dialyse précoce dans les syndromes rénaux.
Vers une santé publique plus inclusive
Si l’on se réfère aux standards internationaux, cinq postes ne suffiront pas à absorber la totalité des besoins nationaux. Toutefois, l’initiative marque une inflexion significative : elle combine volontarisme communautaire et stratégie publique, prouvant qu’un modèle hybride peut produire des résultats concrets. En filigrane, le projet rappelle que l’enjeu principal reste l’équité d’accès, condition nécessaire pour faire reculer la mortalité liée à une pathologie qui touche des centaines de familles congolaises chaque année.
Entre symbolique et pragmatisme, un nouveau chapitre
Au-delà de l’émotion suscitée par l’inauguration, cette unité de dialyse s’inscrit dans une dynamique nationale axée sur la modernisation graduelle du système de santé. En combinant expertise locale, innovation technologique et solidarité associative, le Congo-Brazzaville pose ici la première pierre d’une filière néphrologique adaptée à ses réalités. Les prochains mois diront comment cette avancée sera consolidée, mais l’empreinte qu’elle laisse déjà dans la mémoire collective donne à penser qu’elle constitue, à sa manière, un tournant discret mais déterminant.