Un programme gouvernemental inscrit dans la durée
Avec la mise en branle, le 5 juillet, de l’« opération spéciale de salubrité », le ministère de l’Assainissement urbain, du Développement local et de l’Entretien routier confirme la trajectoire impulsée depuis plusieurs mois pour moderniser l’espace public brazzavillois. Annoncée le 2 juillet par le ministre Juste Désiré Mondelé, la mesure vient compléter la circulaire instituant une journée mensuelle d’assainissement communautaire dans tout le pays. L’initiative s’appuie sur un arsenal réglementaire régulièrement actualisé, à l’image du décret de 2022 qui redéfinit les zones non aedificandi le long des grands axes routiers, et s’inscrit dans le Plan national de développement (PND 2022-2026) qui fait de la gestion durable des villes un axe prioritaire.
La stratégie de déguerpissement, un levier pour l’assainissement urbain
Concrètement, la campagne consiste à identifier puis retirer des artères principales les carcasses automobiles, étals improvisés et dépôts informels d’ordures qui entravent la circulation et favorisent l’insalubrité. « Nous ne cherchons pas à déplacer le désordre d’une rue à l’autre, mais à le résorber définitivement », a insisté le ministre lors de sa tournée des arrondissements Moungali et Poto-Poto. Cette approche graduelle, mêlant persuasion et coercition, s’appuie sur des patrouilles mixtes composées d’agents municipaux, de policiers et de techniciens de l’hygiène. Les propriétaires disposent d’un bref délai pour déplacer leurs biens vers des parkings privés ou leurs parcelles, faute de quoi des remorques spécialisées procèdent à l’enlèvement.
Implication citoyenne et responsabilités partagées
Au-delà des injonctions publiques, la réussite de l’opération repose sur l’adhésion de la population. Les comités de quartier, rajeunis depuis les dernières élections locales, multiplient les réunions d’information et les campagnes de porte-à-porte. « Nettoyer la ville ne doit pas être perçu comme une corvée imposée, mais comme un devoir civique », souligne Clarisse Nkouka, sociologue urbaine à l’Université Marien-Ngouabi, qui suit de près l’évolution des représentations sociales liées à la propreté. Selon elle, la montée en puissance d’associations de jeunes volontaires, armés de balais et de sacs biodégradables, témoigne d’un changement de culture – un mouvement que les autorités entendent catalyser par la création prochaine d’un Fonds municipal de salubrité.
Répercussions économiques et image internationale de la capitale
Derrière l’embellie esthétique, l’exécutif vise également un effet d’entraînement sur l’activité économique. Des trottoirs dégagés facilitent la mobilité, réduisent les embouteillages et écourtent les temps de trajet, argumente le directeur général des Transports urbains. De son côté, la Chambre de commerce évoque un gain potentiel de 0,3 point de croissance locale grâce à la fluidité retrouvée des corridors commerciaux. À l’échelle régionale, Brazzaville, déjà engagée dans une coopération avec la Communauté économique des États de l’Afrique centrale sur les questions climatiques, ambitionne de renforcer son positionnement de hub d’affaires. « Une capitale propre influence positivement les investisseurs, et par ricochet l’emploi, surtout dans les services », fait valoir un rapport de l’Agence congolaise de promotion des investissements.
Perspectives et suivi institutionnel
Pour pérenniser les acquis, le ministère prépare un tableau de bord numérique recensant les sites traités, le tonnage de déchets retirés et le taux de récidive observé dans chaque arrondissement. Ce dispositif, élaboré avec l’appui de la Banque africaine de développement, viendra alimenter le Système national d’information territoriale. À moyen terme, il est prévu d’étendre l’opération aux villes secondaires, Pointe-Noire servant de pilote dès le quatrième trimestre. « Nous devons consolider une gouvernance urbaine moderne, fondée sur la donnée, la transparence et l’évaluation », résume un haut cadre du département de l’Aménagement du territoire. Dans cette optique, des passerelles seront créées avec les startups locales spécialisées dans le recyclage, afin de valoriser les matières issues des épaves et équipements retirés.
Regards des habitants et sentiment d’appartenance
Sur l’avenue de la Paix, où plusieurs véhicules hors d’usage ont été retirés, Paul-Martin, mécanicien de 36 ans, confie percevoir « un vent de renouveau ». S’il admet avoir dû réorganiser son atelier, il reconnaît que l’opération « fait du bien au quartier ». D’autres riverains saluent la réouverture des trottoirs aux piétons, notamment les élèves qui rejoignent chaque matin le lycée Pierre-Savorgnan-de-Brazza. Le ministère, attentif à ces retours, a mis en place une ligne verte gratuite permettant de signaler tout point noir persistant. Les premiers bilans évoquent déjà une diminution visible des décharges sauvages, tandis que la présence policière ponctuelle dissuade les replis clandestins.
Un cap vers la résilience environnementale
Au-delà de l’assainissement stricto sensu, l’opération participe d’une démarche plus vaste de résilience urbaine. La collecte des carcasses limite l’obstruction des caniveaux et, partant, réduit le risque d’inondations récurrentes durant les pluies de saison. D’après la Direction générale de la météorologie, les précipitations extrêmes pourraient augmenter de 12 % d’ici 2035 ; la libération des exutoires d’eau devient donc un enjeu de sécurité publique. En toile de fond, la vision gouvernementale rejoint les ODD des Nations unies, en particulier l’Objectif 11 portant sur des villes sûres et durables. Le Conseil municipal envisage, d’ici cinq ans, de porter le taux de valorisation des déchets solides à 35 %, contre 12 % actuellement.