Brazzaville valide une feuille de route pragmatique pour sa majorité juvénile
La grande salle du ministère de la Jeunesse et des Sports a résonné, le 3 juillet dernier, des applaudissements des experts, diplomates et responsables associatifs conviés à l’atelier de validation de la Politique nationale de la jeunesse (PNJ). Dans un pays où 76 % de la population est âgée de moins de 35 ans, le symbolisme d’un tel document est fort. « Nous disposons désormais d’un cadre stratégique cohérent, capable d’orienter nos décisions au service de cette génération numérique et créative », a déclaré, visiblement satisfait, Charles Makaya, directeur de cabinet dudit ministère.
Au-delà de la dimension symbolique, le texte ambitionne surtout un impact mesurable : réduire en un intervalle de douze mois le taux de chômage des jeunes de 40 % à 28 %. L’objectif, jugé « exigeant mais atteignable » par Émile Éba, directeur de cabinet par intérim du ministère de l’Économie, s’inscrit dans la continuité du Plan national de développement 2022-2026, dont il constitue désormais l’un des piliers opérationnels.
Des objectifs quantifiés pour répondre à l’urgence démographique
Le dernier recensement général de la population, publié en 2023, confirme la pression démographique : 41 % des Congolais ont moins de 15 ans. Sans dispositifs rapides, le marché de l’emploi risque d’être confronté à un afflux annuel de primo-demandeurs supérieur à la capacité d’absorption de l’économie nationale. La PNJ, adossée au budget de l’État et à plusieurs guichets internationaux, entend modifier cette trajectoire grâce à quatre axes majeurs : éducation formelle, formation qualifiante, promotion de l’auto-entrepreneuriat et amélioration de la santé reproductive.
Concrètement, 80 projets distincts sont annoncés, dont l’ouverture de 5 000 places supplémentaires dans les centres de formation professionnelle à l’horizon 2026, l’embauche de 4 000 jeunes dans le secteur privé via le programme « Solidarité-Jeunesse », le recrutement de 6 700 agents publics et la création de 3 300 postes dans l’enseignement. « Ces chiffres ne relèvent pas de l’incantation ; ils découlent d’une modélisation minutieuse du besoin national », assure Brice Olivier Kamwa Ndjatang, représentant-résident adjoint de l’UNESCO.
Éducation technique et entrepreneuriat, deux leviers privilégiés
Longtemps marginalisée au profit des filières générales, la formation technique bénéficie d’une revalorisation sans précédent. L’objectif officiel est de porter le taux de scolarisation dans l’enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP) à 70 %. Pour y parvenir, le gouvernement prévoit la rénovation de lycées techniques à Brazzaville et Pointe-Noire, l’introduction de modules de codage, d’énergies renouvelables et d’agro-industrie, ou encore la duplication du modèle de centre d’excellence de Kintélé.
Parallèlement, l’auto-entrepreneuriat se voit hissé au rang de priorité nationale. Le guichet Unique Entreprendre Jeune, déjà expérimenté dans trois arrondissements, sera généralisé. Il proposera des formations en gestion, un accompagnement juridique allégé et des facilités fiscales. « Le salariat ne peut absorber toutes les demandes ; nous devons produire nos propres employeurs », martèle la sociologue du travail Marie-Solange Ngoma, pour qui « l’inclusion financière reste la clé ».
Le rôle catalyseur des partenaires techniques et financiers
Si la volonté politique est saluée, sa concrétisation passe par un montage financier robuste. L’UNESCO assure l’appui méthodologique, l’ONU-Jeunesse garantit la cohérence avec les standards internationaux, tandis que la Banque africaine de développement envisage de soutenir l’axe formation-emploi via un guichet de 50 millions de dollars. À l’échelle bilatérale, la France, le Maroc et la Chine ont également fait connaître leur intérêt pour des partenariats ciblant l’apprentissage dual et les nouvelles technologies.
« Nous avons veillé à diversifier l’origine des financements afin d’éviter toute dépendance inhibitrice », souligne Émile Éba. La prudence budgétaire n’exclut pas l’ambition : les instances nationales misent sur un effet multiplicateur de 1,8 point de croissance annuelle grâce à la montée en compétences des jeunes actifs.
Un suivi méticuleux des indicateurs comme gage de crédibilité
Le dispositif de monitoring, souvent chaînon manquant des politiques publiques, a été pensé very much in detail. Un tableau de bord national sera actualisé chaque trimestre, alimenté par l’Institut national de la statistique et renforcé par des enquêtes de satisfaction menées auprès des bénéficiaires directs. Taux d’emploi, niveau d’alphabétisation fonctionnelle, participation associative et répartition territoriale des postes créés formeront la matrice d’évaluation.
Pour rassurer les bailleurs et l’opinion, le ministère annonce l’organisation d’une conférence annuelle de redevabilité publique, à laquelle seront conviés syndicats, patronat et organisations de jeunesse. « La transparence n’est pas un luxe mais une condition de succès », soutient M. Makaya, qui dit souhaiter « rompre avec la culture de rapports confidentiels ».
Entre optimisme institutionnel et attentes citoyennes
Dans les rues de Moungali, les jeunes interrogés oscillent entre espoir prudent et scepticisme mesuré. « Si le programme se réalise, je pourrais enfin intégrer un centre de formation en maintenance industrielle », confie Junior, 23 ans, diplômé de génie mécanique mais sans emploi depuis deux ans. Pour Grâce, étudiante en communication, « l’enjeu sera l’accès effectif aux informations » : un défi que le gouvernement compte relever via des campagnes de sensibilisation, radios urbaines, réseaux sociaux et bureaux mobiles dans les quartiers périphériques.
En définitive, la PNJ apparaît comme une plateforme fédératrice, à mi-chemin entre planification volontariste et pragmatisme économique. Les observateurs soulignent que la combinaison d’objectifs chiffrés, d’exigences de transparence et d’une coopération internationale élargie constitue une innovation institutionnelle notable. Reste à transformer la promesse en réalités tangibles d’ici à 2026 ; un horizon que l’administration place sous le signe d’une formule récurrente : « responsabilité partagée, prospérité collective ». Seule la courbe de l’emploi des 15-35 ans dira, chiffres à l’appui, si le pari brazzavillois a été tenu.