Une opération de salubrité à portée nationale
Lancée au début du second trimestre par le ministère de l’Assainissement urbain, l’opération spéciale « Assainissement-déguerpissement » s’est imposée comme l’un des marqueurs de la gouvernance locale actuelle. Son principe est limpide : chaque premier samedi du mois, les activités commerciales s’interrompent afin de libérer trottoirs et abords immédiats des boutiques pour un nettoyage collectif. Cette mesure, ambitieuse mais non coercitive dans son esprit originel, s’inscrit dans le vaste projet présidentiel de modernisation des cadres de vie urbains, souvent compromis par l’accumulation de déchets et l’occupation anarchique de l’espace public.
Du rappel à la règle à la fermeture administrative
Le 1er juillet, l’intransigeance a pris le pas sur la seule sensibilisation. Le magasin Parkinshop, vitrine alimentaire du groupe Régal, a vu ses rideaux tirés sur décision des services compétents. En cause : le non-respect de l’obligation de nettoyage tandis que l’enseigne demeurait ouverte au public. « Après la pédagogie, le temps des actes », avait pourtant averti dès mai le ministre Juste Désiré Mondélé. Son propos, empreint de fermeté, ciblait notamment « l’attitude désinvolte » de certains opérateurs, « en particulier expatriés », vis-à-vis des règles élémentaires d’hygiène. En fermant Parkinshop, l’administration a voulu rappeler que la loi protège l’intérêt collectif et ne saurait tolérer d’entorses, si minimes soient-elles.
Excuses publiques et sursaut civique du groupe Régal
Convoqué le 7 juillet, Dishanti Punjabi, représentant marketing de Régal, a endossé publiquement la responsabilité de l’incident. « Ce n’était pas une faute intentionnelle ; il y a eu une incompréhension », a-t-il concédé avant d’ajouter : « À l’avenir, nous nous engageons à respecter strictement cette directive ». Dépassant la simple contrition, l’homme d’affaires a appelé ses pairs à « faire preuve du même civisme dans l’intérêt de la salubrité publique ». L’exhortation est loin d’être anodine : en se transformant en porte-voix du respect des normes, Régal cherche non seulement à rétablir la confiance, mais aussi à se positionner comme modèle de responsabilité sociale pour les autres acteurs du secteur.
Les enjeux sanitaires et économiques d’une ville propre
Au-delà du symbole, la fermeture d’une boutique emblématique vient rappeler les corrélations directes entre propreté urbaine, santé publique et dynamisme économique. Les études de la Direction générale de l’environnement soulignent qu’une tonne de déchets mal collectée augmente de 8 % la prévalence annuelle des maladies hydriques dans le voisinage immédiat. Dans un pays où le commerce de détail représente près de 13 % du PIB, préserver l’attractivité des artères commerçantes devient un impératif macro-économique. Adoptée avec rigueur, la journée mensuelle d’assainissement pourrait ainsi réduire le coût des traitements liés aux pathologies diarrhéiques tout en renforçant le capital-sympathie de la ville auprès des investisseurs.
Dialogue institutionnel et responsabilité partagée
Le cadre règlementaire prévoit déjà des passerelles entre autorités et opérateurs privés, à l’image des « comités de veille sanitaire » instaurés dans plusieurs arrondissements de la capitale. La récente rencontre entre M. Mondélé et les responsables de Régal illustre cette approche partenariale. Au sortir de l’entretien, le ministre a salué « l’esprit d’ouverture » de l’entreprise, tout en réaffirmant que les sanctions resteront l’ultime recours « chaque fois que la réglementation sera ignorée ». Cette dialectique combine pédagogie et dissuasion, deux leviers indispensables pour inscrire durablement les bons réflexes dans le tissu commercial.
Vers une culture de la propreté partagée
À court terme, la réouverture de Parkinshop dépendra d’un audit de conformité suivi d’un procès-verbal positif. Sur le moyen terme, les observateurs anticipent une montée en puissance de la responsabilité sociétale des entreprises, particulièrement visibles dans les secteurs alimentaires et cosmopolites. « La ville propre sera celle où chaque acteur, du vendeur ambulant à la grande surface, deviendra un serviteur de l’espace public », estime le géographe urbain Serge Makosso. La réussite de l’opération « Assainissement-déguerpissement » pourrait alors servir de matrice à d’autres initiatives telles que la gestion intégrée des déchets plastiques ou la régulation de l’affichage sauvage, confortant la stratégie gouvernementale d’urbanisme durable.
Brazzaville, laboratoire d’un civisme économique renouvelé
En définitive, l’épisode Régal révèle moins une défaillance qu’un tournant. La cité capitale expérimente de nouvelles formes de régulation où l’administration n’hésite plus à conjuguer fermeté et dialogue, tandis que les investisseurs, soucieux de préserver leur image, adoptent un positionnement proactif. Si la mesure paraît contraignante, elle porte néanmoins la promesse d’un espace urbain mieux ordonné, gage de bien-être collectif et de performances économiques accrues. L’adhésion visible des jeunes citadins, nombreux à saluer sur les réseaux sociaux la fermeture « symbolique » de la boutique, pourrait constituer le meilleur indicateur d’une dynamique citoyenne durablement enclenchée.