Au-delà des couleurs, un débat sur l’allégeance nationale
Le 8 juillet, dans une salle feutrée d’un hôtel du centre-ville de Brazzaville, Joly Asselé Ontounou, coordonnateur général de l’Observatoire libre du Congo, a employé des mots mesurés mais fermes pour qualifier l’apparition d’un « drapeau violet » dans certaines localités du département du Pool. Selon lui, la bannière arborerait les teintes vert, jaune, rouge et violet, altérant ainsi l’historique tricolore congolais. L’intéressé y voit un risque de confusion identitaire, « un outrage aux symboles sacrés de la République », d’autant plus sensible que la région sort tout juste d’une séquence sécuritaire délicate.
Mémoire recentrée d’un territoire longtemps éprouvé
Le Pool demeure un territoire chargé d’histoire et d’émotions. Marqué par des épisodes de violence au tournant des années 2010, le département a retrouvé une relative accalmie après la signature des accords de paix de 2023. Dans les localités, la circulation de biens et de personnes s’est normalisée, les écoles ont rouvert, et les cantonnements d’anciens combattants se vident progressivement. Ces avancées, souvent saluées par la société civile et par les partenaires internationaux, constituent un socle fragile qu’il convient de préserver. C’est dans ce climat de reconstruction que l’affaire du drapeau parachève d’illustrer la sensibilité des symboles dans un espace encore en quête de cicatrisation.
Le cadre juridique congolais face à l’innovation chromatique
La Constitution et la loi n°31-2021 sur les emblèmes protègent la forme, les couleurs et les usages du drapeau national. Tout ajout ou modification non autorisé est passible de sanctions. Des juristes contactés pour cet article rappellent qu’« aucun emblème partisan ne peut se substituer au drapeau national, même à titre temporaire ». Pour l’instant, aucune procédure judiciaire n’a été annoncée. Néanmoins, la vigilance demandée par l’Observatoire libre du Congo converge avec la volonté des autorités de faire respecter l’arsenal législatif en vigueur, sans heurter la dynamique de réconciliation entretenue sur le terrain.
Les ambitions politiques déjà perceptibles à l’horizon 2026
Frédérick Bintsamou, connu sous le nom de Pasteur Ntumi, dirige le Conseil national des républicains, formation politique légalement reconnue depuis la normalisation de 2023. Officiellement, le mouvement affirme n’avoir « aucune visée sécessionniste », mais cultive une identité locale assumée. Pour les observateurs, la présence d’un drapeau distinctif pourrait répondre à un impératif de mobilisation électorale en vue des scrutins de 2026. Joly Asselé Ontounou, pour sa part, invite à « ne pas sous-estimer les signaux faibles ». Le débat, à ce stade, reste surtout symbolique ; pourtant, il révèle l’intensité d’une compétition politique qui se veut désormais pacifique.
Consolider l’unité sans éteindre la pluralité
Dans les rues de Brazzaville, la conversation sur le drapeau violet se mêle aux discussions habituelles autour du prix du carburant ou des matches de Diables rouges. La majorité des citadins interrogés plaide pour un traitement apaisé de la question. « Nous avons besoin de cohésion, pas de nouvelles fractures », résume un professeur de sociologie de l’Université Marien-Ngouabi, rappelant que la vitalité démocratique se nourrit aussi de la reconnaissance des identités locales, pourvu qu’elles respectent le cadre républicain. Les autorités, qui soulignent régulièrement leur engagement à maintenir la paix, savent que la gestion sereine des symboles reste un indicateur majeur de la solidité de l’État. Entre fermeté légale et pédagogie citoyenne, l’équilibre doit être finement négocié afin d’éviter que les couleurs ne raniment de vieilles cendres, tout en laissant respirer le pluralisme politique désormais acté.