Au cœur de Ouenzé, le souffle d’une transition maîtrisée
Le scrutin interne, organisé le week-end dernier sous le regard attentif d’observateurs associatifs, a consacré la victoire de Roch Le Prince Okouele avec 53 % des suffrages. Au-delà d’un simple renouvellement de bureau, l’élection porte la promesse d’une AOI « nouvelle génération », ouverte sur les aspirations d’une jeunesse urbaine en quête de repères et d’opportunités. Dans son premier message, le nouveau président a martelé sa volonté « d’écouter, de travailler et de fédérer », invitant les mutualistes à « construire ensemble » une page inédite de l’histoire de l’association.
Cette transition s’inscrit dans un paysage associatif congolais caractérisé par une effervescence citoyenne soutenue par les autorités publiques. Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics encouragent les initiatives civiques qui consolident le vivre-ensemble et prolongent le maillage social promu par la Constitution. À ce titre, la passation de témoin opérée à Ouenzé apparaît comme un micro-laboratoire d’expérimentation des politiques de proximité prônées au niveau national.
Un scrutin apaisé dans un climat de renouveau
Les 876 membres inscrits ont voté dans la sérénité, confirmant la maturité démocratique cultivée au sein de la structure. L’écart resserré – 53 % contre 47 % pour Maurille Okilassali – illustre l’existence d’un débat interne vif, sans pour autant entamer la cohésion. « Nous avons assisté à un exercice de démocratie exemplaire qui pourrait inspirer d’autres associations de quartier », analyse le politologue Fabien Mvoula, enseignant à l’Université Marien Ngouabi.
Le même jour, Serge Miere a remporté la présidence de la commission de contrôle et vérification avec 57 % des voix. Sa feuille de route consiste à garantir la transparence d’une gestion financière appelée à s’intensifier, notamment grâce aux partenariats que le nouveau bureau entend nouer avec le secteur privé et les collectivités locales.
La trajectoire d’un communicateur devenu stratège
Roch Le Prince Okouele n’est pas un inconnu à Ouenzé. Comme chargé de communication, il a documenté les actions de l’association, depuis la contribution au fonds national de solidarité après les explosions du 4 mars 2012 jusqu’aux opérations régulières d’entraide entre compatriotes de la diaspora. « Son parcours illustre la force de l’expérience de terrain », témoigne Clarisse Ngatsé, ancienne présidente, convaincue que « la parole qu’il mettait jadis au service des autres deviendra aujourd’hui un levier d’action collective ».
Désormais propulsé au rang de stratège, l’intéressé mise sur l’écoute proactive et la collégialité. Son credo : faire de chaque adhérent un acteur, pas un simple bénéficiaire. Le choix d’un mandat considérant la concertation comme principe cardinal rejoint les orientations publiques invitant les organisations de la société civile à devenir des partenaires de développement.
Un laboratoire d’idées pour valoriser la créativité brazzavilloise
Le pilier central du programme – « Ouenzé Intendance Évents » – se veut à la fois think tank et vitrine. Il est conçu comme un espace où se croisent danse urbaine, ateliers numériques, conférences citoyennes et forums d’entrepreneurs. En donnant toute sa place à la culture, la démarche rejoint la dynamique institutionnelle de valorisation des industries créatives qui, selon le ministère en charge, représentent aujourd’hui plus de 3 % du PIB national.
Pour le sociologue Guy-Blaise Essamé, « l’initiative arrive à point nommé, car la jeunesse brazzavilloise est en quête d’outils lui permettant de transformer sa créativité en valeur marchande ». Dans cette perspective, les partenariats envisagés avec les centres culturels et les mairies d’arrondissement pourraient catalyser la professionnalisation de talents encore diffus.
Jeunesse et diaspora, des leviers pour la cohésion nationale
L’association, dont la base se répartit entre Brazzaville et plusieurs métropoles européennes, entend consolider le pont symbolique qui relie la diaspora à la rive droite du fleuve Congo. Le nouveau bureau prévoit des programmes de mentorat ciblant les lycéens de Ouenzé et des bourses de retour temporaire pour les diplômés vivant à l’étranger.
« La diaspora reste un atout déterminant pour le transfert de compétences et la mobilisation de ressources », rappelle Élise Makaya, économiste au Centre d’études et de prospective de Brazzaville. Selon elle, l’accent mis sur la jeunesse complète la stratégie gouvernementale de développement du capital humain inscrite dans le Plan national de développement 2022-2026.
Partenariats, finances solidaires et ancrage local
Pour assurer la viabilité financière du projet, le président parie sur une diversification des ressources : mécénat culturel, micro-parrainage et prestations de service lors d’événements corporatifs. Ce modèle hybride s’aligne sur la doctrine de co-construction public-privé défendue par les autorités, qui encourage les acteurs associatifs à s’autonomiser sans rompre le fil du dialogue institutionnel.
Sur le terrain, la mairie de Talangaï envisagerait déjà de confier à l’association la gestion de certaines animations communautaires. « Nous explorons une convention de collaboration pour dynamiser le tissu social », confirme un cadre municipal, convaincu qu’un tel partenariat illustrerait la complémentarité recherchée entre pouvoirs publics et initiatives citoyennes.
Entre attentes et perspectives, un cap partagé
La séquence électorale achevée, l’heure est au passage de la promesse à l’acte. Les premiers jalons devraient être posés lors d’un forum consultatif programmé à Brazzaville le mois prochain. Le bureau entend y recueillir les contributions des artisans, des enseignants et des opérateurs économiques, afin de dessiner une feuille de route opérationnelle avant la saison des grandes vacances, période à fort potentiel mobilisateur.
En plaçant l’innovation, la solidarité et le rayonnement culturel au cœur de son projet, Roch Le Prince Okouele s’avance sur un terrain où convergent attentes citoyennes et objectifs nationaux de développement. Il sait toutefois que la réussite passera par la patience et la rigueur. « Au-delà des idées, seules les actions compteront », réaffirme-t-il. Reste désormais à transformer l’élan favorable en réalisations tangibles, pour que Ouenzé Intendance conforte sa place de sentinelle citoyenne et de catalyseur d’espoirs au sein de la capitale.