Bangui, théâtre d’un face-à-face réduit mais intense
Sur la vaste esplanade sablonneuse dressée aux abords du complexe Barthélemy-Boganda, les parasols aux couleurs nationales du Cameroun, de la Centrafrique et du Congo suffisaient à rappeler que seules trois des huit fédérations membres de la Zone 4 avaient répondu présent. Derrière cette configuration minimaliste, souvent imputée aux impératifs budgétaires qui freinent les déplacements inter-africains, l’enjeu restait pourtant élevé : un billet direct pour le tour continental et, surtout, une occasion rare de projeter un discours de puissance sportive dans l’Afrique centrale. « Même avec un plateau restreint, chaque échange doit être pensé comme une bataille d’images », glissait à l’échauffement le secrétaire général de la zone, Devis Meh, visiblement soucieux de donner au rendez-vous une aura à la hauteur des ambitions régionales.
Mazengo-Douala : l’alchimie d’un binôme formé sur les berges du fleuve
Complices depuis leurs années de lycée à Talangaï, Yves Mazengo, 1,95 m, et Roméo Douala, 1,89 m, ont forgé leurs automatismes sur les plages improvisées qui longent le fleuve Congo. Cette connivence a resplendi en finale masculine face aux Fauves de l’Oubangui. Les Congolais, menés 17-20, ont trouvé les ressources mentales pour effacer trois balles de set, avant de sceller le gain de la manche 23-21 sur un service puissant de Douala dévié par le filet. « Nous avons joué sur la variation haute-basse pour contourner leur bloc central », analysait, dans la zone mixte, le coach-joueur Mazengo, rappelant que la préparation s’était articulée autour de séances vidéo disséquant les trajectoires adverses. La médaille d’or, plus qu’une surprise, consacre une méthode mêlant rigueur tactique et créativité propre au style congolais.
Dédé-Nsondé, entre panache et frustration face aux Lionnes indomptables
La finale féminine fut le théâtre d’un autre scénario. Opposées à la paire camerounaise Irina Amantchang-Nina Monica Ngo, les Congolaises Grace Dédé et Aline Nsondé prenaient rapidement l’ascendant 9-5 grâce à un jeu court magistral. Mais la régularité au contre des Lionnes, appuyée par des relances millimétrées, a érodé l’avance brazzavilloise. S’inclinant finalement 17-23, Dédé, la voix enrouée par l’effort, relativisait : « Cette médaille d’argent matérialise le retour de notre volley féminin dans la conversation régionale. Nous savons ce qu’il nous faudra ajuster : la lecture de trajectoire aux moments clés. » Au-delà du score, le duel aura illustré la montée en puissance d’un volley féminin d’Afrique centrale mêlant puissance et sens tactique.
Sport, diplomatie douce et cohésion auprès de la jeunesse urbaine
Dans les gradins, les chants entremêlaient slogans de fraternité et clameurs patriotiques. La présence, lors du coup d’envoi, du conseiller de l’ambassade du Congo à Bangui, témoigne de l’importance accordée à ces joutes sportives comme outil de diplomatie douce. L’auscultation de l’opinion publique brazzavilloise révèle, en outre, que la performance des Diables rouges offre un espace de fierté collectif, particulièrement chez les jeunes adultes de quartiers comme Makélékélé ou Poto-Poto, où l’accès aux compétitions internationales se fait encore trop rare. Analysant cette dimension, la sociologue du sport Maïsha Ngatsé estime que « la réussite en beach-volley ouvre une fenêtre d’identification nouvelle, complémentaire du football, en mobilisant l’imaginaire du sable et de la décontraction, si prégnant dans la culture urbaine congolaise ».
Perspectives : d’Oyo à Pointe-Noire, structurer un écosystème durable
Fortes de ce doublé or-argent, les autorités fédérales planchent déjà sur un plan d’essaimage. Il prévoit l’installation de terrains normés à Oyo, dans la Cuvette, afin d’équilibrer la carte des infrastructures, et l’organisation d’un circuit scolaire à Pointe-Noire, appuyé par des partenariats public-privé. L’ambition, souligne le président de la Fédération congolaise de volleyball, Serge Mpassi, est « de faire émerger une discipline autosuffisante qui crée de l’emploi et favorise la cohésion ». Cette projection s’inscrit dans la stratégie nationale des sports dont l’objectif affiché est d’augmenter de 15 % la pratique structurée chez les 15-25 ans d’ici 2030. Pour les paires Mazengo-Douala et Dédé-Nsondé, l’enjeu sera désormais de transformer l’éclat de Bangui en tremplin vers un podium continental, voire mondial, nourrissant ainsi l’espoir d’un rayonnement sportif durable pour le Congo-Brazzaville.