Une sélection nationale qui gagne en ampleur éducative
Dans l’amphithéâtre feutré de la Maison Russe, le rideau est tombé le 8 juillet sur la phase congolaise de l’Olympiade internationale de la langue russe. En présence d’enseignants, de parents et de diplomates, une poignée de lycéens issus d’établissements emblématiques de Brazzaville – Nganga Édouard, La Réconciliation, Sébastien Mafouta, Thomas Sankara B et Atlas – ont livré la quintessence de trois années d’apprentissage intensif. Derrière l’apparente légèreté d’un concours se dessine une stratégie éducative qui, au-delà des performances linguistiques, entend former des citoyens capables de naviguer dans un monde multipolaire.
Le roman « Anna Karénina », pivot d’une épreuve d’éloquence
Après les traditionnels tests de grammaire conduits directement dans les lycées, les candidats se sont confrontés à la redoutée épreuve orale. Cette année, le jury a choisi de plonger les élèves dans l’univers de Léon Tolstoï, figure tutélaire de la littérature russe, en leur imposant un extrait d’« Anna Karénina ». Trois minutes, pas une de plus, pour restituer en russe la force psychologique d’une scène où l’héroïne dévoile ses contradictions intimes. L’exercice, subtile alliance de diction, de compréhension textuelle et de sensibilité culturelle, a permis de distinguer les candidats capables d’habiter le texte et de l’expliquer à un auditoire.
Leadership et diplomatie culturelle au cœur du concours
Saluant cette évolution, Maria Fakhrutdinova, directrice de la Maison Russe, a rappelé que l’Olympiade « ne se limite plus à jauger la syntaxe et l’orthographe ; elle révèle aussi des qualités de leadership et une aisance scénique indispensables aux futurs interprètes ou pédagogues ». Dans le sillage de la coopération russo-congolaise – déjà visible à travers les bourses d’études octroyées chaque année à des étudiants – l’événement consolide une diplomatie culturelle qui fait de la langue un vecteur d’opportunités académiques et économiques.
Parcours exemplaire d’une lycéenne brazzavilloise
Au sortir de la scène, Fardie Ouamba, élève de terminale A, a reçu une salve d’applaudissements. « Au début, le russe me paraissait étrange, confie-t-elle, puis j’y ai trouvé une musicalité qui m’inspire ». Son timbre assurément posé et la précision de son accent ont ému le jury. Pour cette jeune Brazzavilloise, la passion de la langue s’est doublée d’une curiosité pour l’histoire et la musique slaves. Elle espère maintenant décrocher son ticket pour Moscou afin, dit-elle, « d’enseigner un jour le russe aux nouvelles générations congolaises ».
Un tremplin vers Moscou et les horizons professionnels
Les résultats définitifs de la présélection seront publiés fin juillet sur les plateformes sociales de la Maison Russe. Les lauréats prendront part, en septembre, à l’épreuve en ligne simultanée avec les candidats d’une cinquantaine de pays avant de s’envoler, en octobre-novembre, pour la finale organisée à Moscou. Outre le prestige, les finalistes bénéficieront d’un réseau universitaire susceptible de les propulser vers des carrières dans le tourisme, l’énergie ou la traduction, secteurs où la maîtrise du russe demeure un atout stratégique.
La Semaine culturelle russe, catalyseur d’échanges pédagogiques
La présélection s’est inscrite dans le programme foisonnant de la Semaine de la langue et de la culture russes, fruit d’un partenariat réunissant l’Université pédagogique d’État de Voronej et la Fondation Monhistoire. Au menu : ateliers de phonétique, conférences historiques, concours de dessin, concerts de chorales scolaires et stages méthodologiques pour les enseignants de Brazzaville. Ofelia Varénova, spécialiste de la didactique du russe, résume l’esprit de l’initiative : « Nous apprenons les uns des autres ; notre mission est de rapprocher les cultures ». Un propos qui trouve un écho particulier dans un contexte où le plurilinguisme est encouragé par les autorités éducatives nationales.
Vers une génération congolaise plurilingue et ouverte
Alors que les cours de russe se poursuivent toute l’année, les organisateurs invitent les jeunes à persévérer. L’appel résonne avec la politique éducative congolaise, laquelle mise sur l’élargissement de l’offre linguistique pour préparer les futures élites à l’intégration régionale et internationale. Du côté des parents, l’engouement grandit : la perspective d’études supérieures ou de contrats professionnels en Eurasie séduit, surtout dans les filières scientifiques et énergétiques. La Maison Russe, devenue un carrefour culturel incontournable de la capitale, entend consolider cette dynamique en multipliant les ponts avec les universités locales et en facilitant les séjours d’immersion en Russie. Ainsi se dessine, derrière la réussite d’un concours, le portrait d’une jeunesse congolaise ambitieuse, mobile et résolument tournée vers le dialogue interculturel.