Brazzaville, carrefour de la solidarité africaine
Installée sur les rives majestueuses du fleuve Congo, Brazzaville s’apprête à offrir ses couleurs chatoyantes au continent entier. Du 20 au 24 janvier 2026, la ville capitale accueillera la deuxième édition du Forum africain de l’économie sociale et solidaire, plus connu sous l’acronyme Fora’ess. À l’heure où les économies mondiales se cherchent des ressorts inclusifs, cette rencontre ambitionne de placer l’humain au centre des choix politiques et entrepreneuriaux. Les partenaires techniques et financiers ne dissimulent pas leur attente : ils voient dans ce sommet une plateforme continentale capable de transformer des intentions souvent claironnées en actions tangibles. Les invitations officielles, déjà transmises, confirment la présence attendue de délégations venues d’une trentaine de pays, du Maghreb aux archipels de l’océan Indien.
Un rendez-vous continental aux racines locales
Le choix de Brazzaville n’est pas fortuit. La capitale, vitrine du Congo moderne, cultive une longue tradition de mutualité et de coopératives de quartier. Cette histoire, rarement médiatisée, a toutefois conduit à la constitution d’un tissu associatif dense. En installant le Fora’ess dans la métropole congolaise, le comité international d’organisation entend « rendre visible ce qui se fait déjà sur le terrain » et, par la même occasion, stimuler la formalisation progressive de l’économie informelle. « Nous voulons démontrer que la solidarité est une valeur économique à part entière », insiste Malick Diop, président du Forum, pour qui Brazzaville représente « un laboratoire à ciel ouvert » de pratiques communautaires parfois plus agiles que les structures publiques classiques.
L’économie sociale, antidote aux chocs exogènes
Sous le thème retenu – « Économie sociale et solidaire, moteur de résilience, de développement durable et inclusif en Afrique » – les organisateurs ambitionnent de déployer un argumentaire scientifique nourri de données empiriques. Car il ne s’agit plus seulement de chanter les vertus de la coopération ; l’enjeu est d’apporter des preuves chiffrées de son impact sur la réduction des inégalités, la création d’emplois verts ou la consolidation des finances locales. La ministre de la Promotion de la femme, de l’Intégration de la femme au développement et de l’Économie informelle, Inès Nefer Ingani Voumbo-Yalo, martèle que « l’économie sociale est un incubateur de solutions durables, un rempart contre les chocs exogènes et une passerelle vers l’économie formelle ». Ses propos font écho aux recherches conduites par plusieurs universités africaines, qui soulignent la résilience supérieure des structures coopératives face aux crises sanitaires et climatiques.
Un chantier organisationnel déjà bien huilé
Depuis le mois d’avril, une cellule technique rassemble à Brazzaville des représentants de coopératives, de mutuelles, de fondations et d’entreprises sociales autour d’ateliers participatifs. Ces réunions, organisées à huis clos dans l’aile ouest du Palais des congrès, s’emploient à dessiner l’architecture du rendez-vous : charte graphique, procédures d’accréditation, sélection de panels, partenariats médias. Le comité local d’organisation, présidé par le secrétaire général de la mairie centrale, affirme que 70 % du budget logistique est déjà bouclé grâce à un montage financier associant État, bailleurs multilatéraux et mécènes privés. Un appel à volontaires, diffusé dans les universités, a par ailleurs recueilli plus d’un millier de candidatures en deux semaines, signe de l’enthousiasme généré par l’événement dans la jeunesse brazzavilloise.
Des voix pour nuancer l’optimisme
Si le ton général reste résolument positif, quelques économistes rappellent la nécessité de dépasser l’effet vitrine. Le professeur Anicet Oba, qui dirige la chaire d’économie communautaire à l’Université Marien Ngouabi, estime que « les forums ne changent la donne que si les feuilles de route signées se traduisent par des budgets nationaux conséquents ». Il salue néanmoins la volonté des autorités congolaises d’inscrire l’économie sociale dans la stratégie nationale de développement 2022-2026, considérant qu’un alignement programmatique clair constitue le meilleur rempart contre l’essoufflement post-événement. Sur le terrain, les petites coopératives agricoles espèrent surtout que le forum débouchera sur des guichets de financement mieux adaptés à leurs réalités de trésorerie.
Cap sur janvier 2026 : une dynamique à consolider
À dix-huit mois du coup d’envoi, l’agenda s’accélère. Les commissaires thématiques finalisent une grille de sous-thèmes allant de la finance éthique à l’économie circulaire, tandis que des partenariats sont en négociation avec des organisations sœurs d’Amérique latine et d’Asie, régions pionnières dans le domaine. Les attentes sont élevées : mettre en réseau des centaines d’initiatives, consolider une base de données ouverte des bonnes pratiques africaines et dégager, à terme, un cadre réglementaire harmonisé. La réussite du Fora’ess ne se mesurera pas uniquement au nombre de badges distribués, mais au sillon qu’il laissera dans la conception même du développement. À Brazzaville, la conviction grandit que janvier 2026 pourrait être moins un point d’orgue qu’un point de départ vers une économie plus fraternelle et plus compétitive, à la hauteur des ambitions régionales.
