Des tables rondes pour penser l’avenir énergétique
Au Palais des congrès de Brazzaville, la lumière tamisée du grand amphithéâtre contraste avec l’énergie des débats. À l’invitation de la Rencontre pour la paix et les droits de l’homme, spécialistes du climat, dirigeants d’entreprise, représentants ministériels et membres de la société civile échangent, du 10 au 11 juillet, sur la diversification de l’économie congolaise. Le choix de tenir ces assises au cœur de la capitale n’est pas anodin : il s’agit de rappeler que la question de l’après-pétrole n’est plus une vue de l’esprit mais une priorité nationale, à l’heure où l’or noir représente encore près de 80 % des recettes d’exportation, selon le ministère des Finances.
PapCo, un laboratoire de transition
Derrière l’organisation de la rencontre se profile le projet « Préparer l’après au Congo » (PapCo). Lancée avec l’appui technique de l’Energy Transition Fund et le soutien financier de Rockefeller Philanthropy Advisors, cette initiative pilote se veut un banc d’essai pour une transition énergétique juste. « Nous voulons démontrer, preuves à l’appui, que le désenclavement économique du pays passe par l’investissement dans l’agro-industrie, les énergies renouvelables et l’économie numérique », confie Dr Martial Gonda, coordinateur de la RPDH. PapCo entend ainsi conjuguer réduction de l’empreinte carbone et création d’emplois qualifiés, deux exigences majeures pour une population dont plus de 60 % a moins de trente ans.
Le rôle stratégique de l’État et des partenaires
Les discussions ont rapidement souligné le rôle catalyseur de l’État. Au-delà des incitations fiscales déjà prévues dans le Code des investissements, un cadre réglementaire clair sur l’électricité verte et une réforme progressive des subventions aux carburants sont évoqués. « La diversification n’implique pas l’abandon brutal du pétrole. Il s’agit de préparer, avec méthode, un modèle économique pluriel dans lequel l’or noir finance l’avenir », explique un conseiller du ministère de l’Économie. La présence d’émissaires de TotalEnergies, partenaire historique du pays, illustre l’importance d’une coopération public-privé assumée : l’objectif est de maintenir les recettes pétrolières à court terme tout en orientant une partie des bénéfices vers les filières d’avenir.
Entre défis budgétaires et opportunités vertes
Les analystes rappellent que le Congo, quatrième producteur pétrolier du golfe de Guinée, reste exposé à la volatilité des cours mondiaux. Or, l’expansion démographique et les besoins en infrastructures exigent une base fiscale élargie. Les participants ont ainsi examiné l’agroforesterie, la transformation locale du bois et le numérique comme gisements de croissance inclusive. Selon une étude de la Banque mondiale citée lors des travaux, la réaffectation de seulement 5 % des revenus pétroliers vers les énergies renouvelables pourrait générer, sur dix ans, près de 35 000 emplois directs. Les investisseurs internationaux, sensibles aux critères ESG, voient dans ces perspectives un terrain favorable à des partenariats gagnant-gagnant.
Une feuille de route consensuelle en gestation
Au terme des échanges, un avant-projet de feuille de route a été validé : il fixe comme priorités la montée en puissance de formations professionnelles adaptées, la bancarisation des PME vertes et la création d’un observatoire national de la transition. « Nous avons franchi une étape décisive : la convergence de vues entre gouvernement, secteur privé et communautés locales », se félicite Irène Mvouba, économiste et participante à la table ronde. La dynamique ainsi enclenchée pourrait être consolidée lors d’un forum international prévu à Brazzaville au premier trimestre 2025. Si le chantier est immense, la vision partagée – faire du Congo un pôle d’innovation durable en Afrique centrale – témoigne d’une ambition assumée, soutenue par la stabilité institutionnelle et la volonté politique affichée.