Une diplomatie de partenaires historiques
Le salon feutré du ministère des Finances, en plein cœur du plateau de la Corniche, a servi de décor à la première rencontre officielle entre Christian Yoka, tout récemment nommé à la tête du portefeuille budgétaire, et Anne Marchal, nouvelle ambassadrice de l’Union européenne. À travers cet échange inaugural, les deux responsables ont souhaité « actualiser » une coopération scellée en 1963, un an seulement après la création de la Communauté économique européenne. « Nos relations ont mûri comme les grands crus du Bordelais », a confié la diplomate, rappelant que l’UE reste l’un des tout premiers partenaires bilatéraux en termes de financements concessionnels.
Des axes stratégiques alignés sur la vision 2022-2026
Sous l’impulsion du Plan national de développement 2022-2026, Brazzaville cible une croissance moyenne de 4 %, portée par la transformation locale des ressources et le développement des services à forte valeur ajoutée. C’est précisément sur ces piliers que l’Union européenne propose de concentrer ses lignes budgétaires. « Nous privilégions les projets à fort impact inclusif, ceux qui irriguent directement l’économie réelle », a souligné Anne Marchal. Le ministre Yoka a, pour sa part, insisté sur la convergence entre l’aide européenne et la feuille de route présidentielle en rappelant que « le Congo ne recherche pas la charité ; il recherche des partenariats gagnant-gagnant ».
Le financement européen, levier pour la diversification économique
Entre 2014 et 2020, la République du Congo a bénéficié de près de 145 millions d’euros dans le cadre du 11ᵉ Fonds européen de développement, un volume appelé à croître avec la Team Europe Initiative. Au-delà de la somme, c’est la structuration des financements qui retient l’attention des milieux d’affaires locaux : une combinaison de dons, de prêts à long terme et d’assistance technique. Qu’il s’agisse de la modernisation du Port de Pointe-Noire, de la réhabilitation de la RN2 ou de la future zone agro-industrielle d’Oyo, l’UE se positionne sur des chaînes de valeur entières, de la pré-faisabilité aux études d’impact. « Les bailleurs qui restent pendant toute la durée du cycle de projet sont rares ; l’Union européenne en fait partie », reconnaît un consultant du cabinet Global Trade Analytica.
Numérisation et formation, binôme pour la jeunesse urbaine
Brazzaville et Pointe-Noire concentrent plus de 65 % de la population connectée du pays. Pour répondre à cette demande exponentielle, l’Union européenne finance l’extension de la dorsale fibre optique et des incubateurs numériques, en partenariat avec l’Agence congolaise pour l’économie numérique. Dans le même mouvement, plusieurs centres de formation professionnelle sont mis à niveau afin d’adapter les curricula aux nouveaux métiers du digital. « Sans compétences locales, la 5G resterait une coquille vide », résume le directeur de l’Institut supérieur des technologies appliquées. Les premiers effets se mesurent déjà : le taux d’employabilité des jeunes diplômés en TIC aurait progressé de neuf points entre 2021 et 2023, selon les chiffres du ministère de l’Enseignement technique.
La gouvernance forestière, pierre angulaire d’une croissance durable
Dans un contexte où la préservation du Bassin du Congo devient un impératif mondial, l’Union européenne et Brazzaville renforcent leur dialogue sur la gestion durable des forêts. Le programme FLEGT, activé depuis 2008, se dote d’un nouveau volet de certification du bois congolais destiné à l’export. L’objectif est double : améliorer la traçabilité et accroître la valeur ajoutée locale grâce à la transformation sur site. « Un mètre cube scié au Congo génère trois fois plus d’emplois qu’un grume exportée brute », insiste un haut fonctionnaire du ministère de l’Économie forestière. Cette approche pragmatique répond aux ambitions gouvernementales de verdir la croissance tout en ouvrant des débouchés vers les marchés européens.
Des signaux de confiance mutuelle pour l’avenir
Au terme de la réunion, l’ambassadrice Marchal a tenu à dissiper les rumeurs selon lesquelles certains projets européens auraient été laissés en jachère. « Aucun dossier n’est abandonné ; un cycle qui s’achève prépare le suivant », a-t-elle assuré, évoquant la signature prochaine de conventions de financement additionnelles. Le ministre Yoka y voit un signal fort : « La confiance de l’Union européenne valide la trajectoire de réformes que conduit le président de la République ». Dans une conjoncture internationale marquée par la contraction des flux financiers, le maintien, voire l’augmentation, des appuis européens au Congo illustre une relation de partenariat jugée durable par les observateurs. Reste désormais à traduire les promesses en réalisations tangibles, afin que chaque citoyen, du quartier Talangaï aux confins de la Sangha, perçoive les dividendes de cette coopération de longue haleine.