Un Hilton métamorphosé en carrefour diplomatique
En cette fin de journée moite de juillet, l’atrium vitré du Hilton Brazzaville, dans le quartier des Tours jumelles de Mpila, courait d’écharpes aux couleurs rwandaises et congolaises. Les lustres reflétaient des éclats rouges, jaunes et verts, tandis que les notes de cordes, sobres mais solennelles, annonçaient la 31ᵉ célébration de Kwibohora, la « libération » rwandaise. Sous le regard attentif du ministre congolais des Affaires étrangères, Jean-Claude Gakosso, et d’un aréopage d’ambassadeurs, le protocole a lancé les hymnes nationaux des deux États, prélude à une soirée où la mémoire et la diplomatie ont tressé le même fil.
Kwibohora : de la tragédie à la renaissance collective
Dans un silence recueilli, les convives ont découvert un court métrage condensant trois décennies d’histoire rwandaise : images d’archives du génocide perpétré contre les Tutsi, scènes de réconciliation villageoise, vues aériennes d’un Kigali futuriste. La projection, soigneusement commentée par un narrateur au phrasé sobre, a insisté sur la notion de responsabilité communautaire. « Kwibohora n’est pas simplement l’anniversaire d’un événement militaire », a expliqué une voix hors-champ, « c’est le rappel d’une victoire morale sur le repli identitaire ». Cette tonalité dialoguait naturellement avec l’expérience congolaise, où l’intégration nationale reste un chantier permanent.
La voix de l’ambassadeur : résilience, leadership et esprit d’ouverture
Prenant la parole, le nouvel ambassadeur, Parfait Busabizwa, a salué « l’hospitalité des frères et sœurs du Congo », rappelant qu’il succède à Théoneste Mutsindashyaka « avec la volonté de poursuivre une coopération sans relâche ». Le diplomate a puisé dans l’héritage de son pays pour affirmer que « la résilience est devenue une seconde nature pour les Rwandais », avant de citer, sous les applaudissements, le président Paul Kagame : « La seule bataille perdue est celle que l’on renonce à mener ». Un message largement audible dans la salle, où se mêlaient entrepreneurs brazzavillois, représentants d’ONG et étudiants en sciences politiques.
Indicateurs au vert : croissance inclusive et gouvernance transparente
S’appuyant sur des chiffres officiels, l’ambassadeur a égrené les gains socio-économiques réalisés entre 2017 et 2024 : recul du taux de pauvreté de près de 40 % à 27,4 %, pauvreté extrême divisée par deux, politique d’assurance-santé communautaire couvrant plus de 90 % des ménages, proportion de femmes au Parlement atteignant 61 %. Au-delà des ratios, il a mis en avant les mécanismes de transparence budgétaire, plébiscités par la Banque africaine de développement, et la digitalisation des services publics, démarche dont Brazzaville suit attentivement l’évolution pour nourrir ses propres réformes administratives.
Convergence des priorités Kigali-Brazzaville
Si l’événement servait d’abord la diplomatie culturelle rwandaise, il a aussi offert une tribune aux autorités congolaises. Dans un bref toast, Jean-Claude Gakosso a souligné que « les trajectoires du Rwanda et du Congo se rejoignent sur la nécessité d’un État efficace, sans exclusive et tourné vers la jeunesse ». Les délégations techniques des deux pays, en marge de la réception, ont d’ailleurs évoqué la connectivité fluviale, la formation des cadres administratifs et la mutualisation des stratégies touristiques autour du fleuve Congo et des volcans des Virunga. Autant de dossiers où l’expérience rwandaise, réputée pour sa culture du résultat, peut inspirer de futures synergies gagnant-gagnant.
La scène, miroir d’une identité partagée
Tandis que les débats se poursuivaient discrètement autour des buffets, la scène centrale s’est embrasée des pas souples d’un ballet rwandais, avant que des artistes de l’Ensemble national congolais n’esquissent le célèbre « Nkassi ». L’alternance des rythmes tambourinés d’Intore et des cadences bantoues a ravivé l’idée d’un patrimoine métissé, offert en partage à la jeunesse régionale. « Nos peuples dansent sur des tambours différents mais au même tempo », a lancé, visiblement ému, un attaché culturel congolais, résumant l’esprit de la soirée.
Une célébration tournée vers l’avenir
Au moment de quitter les salons feutrés du Hilton, les invités emportaient l’image d’un Rwanda conscient de ses cicatrices mais déterminé à projeter sa trajectoire vers l’innovation et la cohésion. Pour Brazzaville, la commémoration a rappelé qu’au-delà des discours, la consolidation de la paix passe par la circulation des idées, des expériences et des élans culturels. Dans un bassin du Congo en quête de solutions endogènes, la voix rwandaise, forte de son histoire récente, résonne comme un encouragement à la persévérance et à la modernisation inclusive. Ainsi s’est achevée une soirée où mémoire, diplomatie et art se sont conjugués au présent, esquissant un futur régional placé sous le signe de l’unité et du progrès partagé.