Une escale stratégique au cœur de la diplomatie financière
La capitale congolaise n’a pas souvent le privilège de recevoir, à quarante-huit heures d’intervalle, un dirigeant d’institution panafricaine aussi courtisé que M. Thierno-Habib Hann. Pour le Directeur général de la Banque de Développement Shelter Afrique (ShafDB), les 7 et 8 juillet 2025 n’avaient rien d’une simple tournée protocolaire. Sous le haut patronage du président Denis Sassou Nguesso, la mission a placé Brazzaville au centre d’une conversation continentale sur l’accès au logement. « Nous voulons faire du Congo un laboratoire d’innovation en matière d’habitat abordable », a confié M. Hann devant la presse nationale, consciente de l’écart entre besoins croissants et offre disponible.
Le logement social, vecteur de consolidation économique
Alors que près de 65 % de la population congolaise vit aujourd’hui en milieu urbain, la pression démographique s’illustre par une demande annuelle estimée à 30 000 unités d’habitation, selon les dernières projections du ministère de l’Aménagement du territoire. Or les programmes actuels n’en couvriraient qu’un tiers. En s’appuyant sur un portefeuille de financement de 1,3 milliard de dollars déployé dans vingt-neuf pays, Shelter Afrique se présente comme un partenaire « naturel » pour atténuer ce déficit. L’institution entend mobiliser un premier guichet de 100 millions de dollars, dédié à la promotion de solutions de logement à coûts maîtrisés, assorties d’un volet de formation des artisans locaux. L’approche épouse la ligne gouvernementale, qui considère le secteur du bâtiment comme un gisement d’emplois pour la jeunesse congolaise.
Un agenda vert en résonance avec la vision nationale
À l’heure où l’économie congolaise diversifie ses moteurs de croissance, la dimension écologique pèse désormais dans chaque partenariat bilatéral. Shelter Afrique n’échappe pas à la règle : l’initiative annoncée inclut des critères rigoureux d’efficacité énergétique et la promotion de matériaux bio-sourcés issus de la filière locale du bambou ou de la terre comprimée. « Le Congo dispose d’une forêt équatoriale riche ; nous devons transformer cet atout écologique en opportunité économique », a rappelé la ministre de l’Économie forestière, Rosalie Matondo, en marge d’une table ronde conjointe. L’alignement sur les engagements climatiques de la COP27 confère ainsi au programme une légitimité supplémentaire auprès des bailleurs internationaux.
Des retombées attendues pour la jeunesse urbaine
Dans les quartiers périphériques de Talangaï ou de Mfilou, la perspective de logements décents à loyers modérés alimente les conversations. En raison de la flambée récente des prix du ciment et du foncier, les ménages brazzavillois consacrent en moyenne 45 % de leurs revenus au loyer, d’après une enquête de l’Institut national de la statistique. Le partenariat Congo–Shelter Afrique prévoit la mise en place d’un fonds de garantie locative piloté par la Banque postale du Congo. Objectif affiché : permettre aux jeunes travailleurs, souvent en situation d’emploi informel, d’accéder à des baux sécurisés sans exiger d’avance excessive. « Cette garantie pourrait couvrir jusqu’à trois mois de loyer, un bouleversement majeur pour notre génération », s’enthousiasme Grâce Mandouka, diplômée en communication rencontrée à l’université Marien Ngouabi.
La mécanique institutionnelle d’un accord en gestation
Le déplacement de M. Hann a été rythmé par une succession d’entretiens techniques avec la Banque centrale du Congo et la Caisse congolaise d’amortissement. L’enjeu : calibrer un mécanisme de co-financement mixte réunissant crédits concessionnels, obligations vertes et investissements privés. Selon une source proche du dossier, le protocole d’entente pourrait être signé avant la fin du troisième trimestre 2025, période durant laquelle la capitale accueillera également le Forum africain des villes durables. La coordination inter-ministérielle, assurée par la Primature, devrait garantir un suivi des décaissements conforme aux exigences de transparence imposées par les standards internationaux de gouvernance.
Une étape symbolique pour la diplomatie du président Denis Sassou Nguesso
En acceptant de parrainer personnellement la visite, le chef de l’État affiche sa volonté de maintenir le Congo sur la carte des investissements structurants. Les observateurs se souviennent que le président Denis Sassou Nguesso fut l’un des pères fondateurs de Shelter Afrique lors de sa création en 1982 à Nairobi. La boucle est aujourd’hui bouclée : plus de quatre décennies après, le retour à Brazzaville du leadership de l’institution traduit une continuité stratégique saluée par la Commission de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale. Pour la diplomatie congolaise, il s’agit aussi d’un signal de confiance envoyé aux autres partenaires au développement à la recherche de projets bancables et porteurs d’impact social.
Cap sur 2030 : scénarios et vigilance pragmatique
Les projections du cabinet Deloitte Afrique estiment que, si le programme se déploie comme prévu, près de 120 000 logements pourraient sortir de terre d’ici à 2030, générant plus de 50 000 emplois directs et indirects. Toutefois, les analystes soulignent la nécessité d’une gouvernance rigoureuse pour éviter les dérives de sur-coût ou de retard, habituels dans les mégaprojets d’infrastructure. Le ministère de la Construction assure avoir intégré des clauses de revue trimestrielle, mais certains économistes appellent à un « dialogue citoyen permanent » afin que les futurs quartiers demeurent financièrement accessibles et connectés aux services publics essentiels. Leur voix rejoint celle de M. Hann : « Le vrai succès ne se mesurera ni en béton ni en statistiques, mais dans la dignité retrouvée des familles qui ouvriront leur porte chaque soir. »