Brazzaville en débat pré-électoral
Dans la touffeur de juillet, la Maison de la société civile de Brazzaville a retrouvé l’éclat des grands rendez-vous citoyens. Durant deux jours d’échanges soutenus, les réseaux et organisations fédérés au sein de la Coordination nationale des réseaux et associations sur la gouvernance électorale et démocratique (Coraged) ont mis sur la table un vœu désormais public : ouvrir, avant mars 2026, une véritable concertation nationale. Les participants, venus de six structures phares engagées sur les droits humains et la culture de paix, décrivent leur démarche comme « un acte d’anticipation responsable » destiné à « désamorcer les incompréhensions prévisibles ».
Ce débat de fond, s’il n’est pas nouveau, intervient cependant dans un contexte jugé plus serein que les cycles précédents. La confiance relative qui se dégage des dernières échéances électorales, menées dans les délais constitutionnels, conforte l’idée qu’une plateforme de discussions préalable pourrait affiner les règles du jeu sans bouleverser l’architecture institutionnelle déjà en place.
Le rôle pivot de la société civile
En s’affichant comme partenaire critique mais constructif, la Coraged illustre l’évolution de la société civile congolaise, longtemps cantonnée à un rôle d’observatrice. « Nous nous inscrivons dans la tradition de la palabre productive », résume Céphas Germain Ewangui, secrétaire permanent du Conseil consultatif de la société civile, en clôturant les assises. Pour lui, il s’agit moins de remettre en cause l’ossature institutionnelle que de conforter, par un dialogue ouvert, la légitimité des scrutins.
Le point de convergence entre ces acteurs indépendants et les autorités reste la volonté de consolider le climat d’apaisement. Plusieurs intervenants rappellent que, depuis 2002, le gouvernement a régulièrement convoqué des rencontres d’envergure nationale avant chaque cycle électoral. La Coraged salue « la permanence de cette tradition républicaine », tout en espérant y injecter une dose supplémentaire de participation citoyenne, au-delà des élites politiques.
L’État et la mécanique électorale
Sur le plan opérationnel, les appels relayés à Brazzaville mettent l’accent sur la sécurité des personnes, la liberté de la presse et la neutralité des organes de gestion des scrutins. Autant d’éléments déjà consacrés par la Constitution et la législation électorale, mais que les organisations souhaitent voir rappelés, « comme on vérifie les boulons avant un long trajet ».
Le ministère de l’Intérieur, qui pilote traditionnellement le processus électoral, fait valoir que le calendrier indicatif sera tenu. Des sources proches du département soulignent que le recensement administratif spécial est déjà lancé, préfigurant des listes électorales actualisées. Dans les couloirs du Palais du Peuple, certains parlementaires voient même dans la proposition de la Coraged un adjuvant bienvenu : « Une concertation précoce limite les contentieux post-électoraux », confie un député de la majorité, insistant sur la complémentarité entre initiative citoyenne et pilotage institutionnel.
Le pari de la cohésion nationale
L’histoire politique congolaise garde la trace de scrutins crispés, notamment au tournant des années 1990. Or, l’expérience des quinze dernières années montre une tendance à la normalisation, portée par la stabilité économique relative et l’amélioration des infrastructures administratives. Les observateurs internationaux mandatés lors des précédentes présidentielles ont, dans leurs rapports, relevé « une organisation techniquement satisfaisante et un climat globalement calme ».
La Coraged entend capitaliser sur ces avancées. Elle propose que la future concertation aborde de front les sujets sensibles : règles de financement des campagnes, accès équitable aux médias, participation accrue des jeunes et des femmes. Selon l’universitaire Clarisse Mabiala, spécialiste de science politique à l’Université Marien-Ngouabi, « la maturité d’un régime ne se mesure pas à l’absence de critiques, mais à sa capacité à les métaboliser sans perdre son cap ». Une remarque qui résonne dans la capitale, où la jeunesse urbaine réclame plus de transparence tout en exprimant son attachement à la paix.
Vers mars 2026 : lucidité et optimisme
À moins d’un an du scrutin, les signaux convergent : les institutions se déclarent prêtes, la Commission électorale indépendante affine ses procédures biométriques, et la société civile affûte ses observateurs. Le Président Denis Sassou Nguesso, attaché à la régularité des consultations populaires, devrait, conformément à la pratique instituée, convoquer les forces vives de la Nation. « Ce rendez-vous permet chaque fois d’ajuster le curseur et d’éviter les malentendus », confie un conseiller à la Présidence.
En définitive, l’appel de la Coraged n’est ni un coup de semonce ni une déclaration de défiance. Il s’inscrit dans une dynamique plus large où l’interpellation citoyenne alimente la solidité des institutions. Si les mots d’ordre demeurent la vigilance et l’exigence, l’horizon immédiat semble dénué de la dramaturgie redoutée jadis. La démocratie congolaise, encore perfectible, avance « lentement et sûrement », pour reprendre les termes d’Ewangui, dans la quête d’un État de droit apaisé et inclusif.