Validation consensuelle à Brazzaville
Brazzaville a vibré trois journées durant au rythme feutré des ateliers gouvernementaux. Du 8 au 10 juillet 2025, la salle de conférence du ministère des Affaires sociales s’est muée en laboratoire d’idées, tant l’enjeu de la validation de la Stratégie nationale de relèvement post-catastrophes et de préparation aux crises futures 2025-2030 concentrait l’attention. Entourée de fonctionnaires chevronnés, de spécialistes du Programme des Nations unies pour le développement et de cadres de la Croix-Rouge, Mme Carine Ibatta a ouvert les travaux en rappelant que « le relèvement n’est pas un luxe mais un droit fondamental des communautés ». Le document soumis au regard des participants n’est pas sorti ex nihilo : lancé en 2021, révisé à la lumière des inondations récurrentes de 2023 et 2024, il s’inscrit dans la trajectoire d’un Congo résolument déterminé à anticiper plutôt qu’à subir. La validation finale, acquise par consensus dès la dernière plénière, scelle un moment institutionnel rare où la technicité du développement rencontre la volonté politique.
Une vision nationale adossée aux leçons récentes
La vision centrale du texte peut se résumer en une formule : bâtir, d’ici 2030, une République résiliente capable de transformer chaque choc naturel, technologique ou social en tremplin de progrès. Les rédacteurs ont pris soin d’intégrer les leçons tirées des crues du bassin du fleuve Congo, des éboulements de Makabandilou et des perturbations sanitaires de la décennie écoulée. En attirant l’attention sur ces épisodes récents, le gouvernement entend démontrer sa faculté d’apprentissage institutionnel. Selon Joseph Pihi, conseiller en relèvement au PNUD, « nous avons rarement observé dans la sous-région une appropriation aussi rapide des standards internationaux ». L’alignement sur le Cadre de Sendai, tout comme la mise en cohérence avec le Plan national de développement, confère à la stratégie une architecture conforme aux meilleures pratiques sans se départir de réalités locales telles que la forte croissance urbaine de Brazzaville et Pointe-Noire ou la vulnérabilité des zones riveraines.
Axes opérationnels de relèvement rapide
Sur le volet du relèvement proprement dit, le texte détaille un faisceau de réponses calibrées. La reconstruction d’hôpitaux de district, l’édification d’écoles modulaires résistantes aux vents extrêmes, la modernisation de logements avec briques stabilisées, la remise à niveau de routes stratégiques ainsi que l’électrification solaire des sites isolés figurent en tête des priorités. L’objectif transversal consiste à restaurer, en moins de dix-huit mois après une catastrophe, au moins soixante-quinze pour cent des services essentiels. Concernant les moyens de subsistance, la relance des chaînes de valeur agricoles dans la Cuvette et la Sangha, le repeuplement halieutique de la Likouala ou encore l’introduction de micro-assurances pour les éleveurs traduisent une volonté assumée de joindre l’humanitaire au développement économique. Les rédacteurs insistent par ailleurs sur l’inclusion, indiquant que les programmes devront systématiquement intégrer les femmes, les personnes en situation de handicap et les déplacés climatiques.
Préparer l’imprévisible par l’anticipation
La préparation aux crises futures constitue l’autre pilier, moins visible mais potentiellement le plus transformateur. Il est question d’installer, d’ici 2027, un système d’alerte précoce multirisques capable de combiner données hydrométéorologiques, imagerie satellitaire et retours communautaires via téléphonie mobile. Le document prévoit également la réactivation annuelle des plans de contingence, l’adaptation parasismique des hôpitaux universitaires et la définition de couloirs d’évacuation sécurisés dans les quartiers périphériques. Au-delà de la logistique matérielle, le texte insiste sur la coordination interinstitutionnelle : la cellule de crise sera placée sous l’autorité directe du Premier ministre, tandis que chaque préfecture devra se doter d’un point focal chargé de la liaison avec la société civile. Ce maillage descend jusqu’aux comités de quartier, afin que l’alerte se transforme instantanément en action communautaire.
Financement, gouvernance et équité sociale
La question financière, souvent talon d’Achille des politiques publiques, bénéficie cette fois d’un chiffrage précis. Le coût global pour la période 2025-2026 est évalué à 156,7 milliards de francs CFA, soit environ 239 millions d’euros selon le taux de change actuel. Les ressources seront mobilisées à travers un mix équilibré entre budget national, lignes concessionnelles et contributions des partenaires techniques. Le représentant résident adjoint du PNUD s’est voulu rassurant : « Les bailleurs privilégient les projets où la gouvernance est claire et les mécanismes de suivi transparents ; or le Congo s’aligne désormais sur ces critères ». Le ministère des Finances travaille déjà à l’établissement d’un fonds d’urgence doté d’une gouvernance multipartite qui devrait rassurer autant la Cour des comptes que les ONG impliquées sur le terrain.
Défis de mise en œuvre et perspectives 2030
La réussite de l’ensemble tiendra autant à la discipline de mise en œuvre qu’à l’adhésion citoyenne. Le texte prévoit un dispositif de suivi-évaluation trimestriel, assorti d’indicateurs publics consultables en ligne, afin de cultiver la redevabilité. Il faudra également contenir le risque d’essoufflement institutionnel dans la durée, car la résilience n’est pas un état mais un processus. À l’orée de 2030, la République du Congo entend afficher une réduction mesurable des pertes humaines et économiques liées aux catastrophes. Si l’ambition peut sembler élevée, elle repose sur un postulat réaliste : l’intelligence collective, lorsqu’elle est soutenue au plus haut niveau, convertit la vulnérabilité en avantage comparatif. En se dotant de cette stratégie, Brazzaville envoie un signal de confiance à sa jeunesse urbaine, principale bénéficiaire d’infrastructures plus sûres et de perspectives économiques renforcées.