Une symbolique forte pour l’émancipation féminine à Ouenzé
Lorsque les tambours coutumiers ont résonné dans la cour de la mairie, le 14 juillet, on aurait pu croire à une cérémonie parmi d’autres. Pourtant, la prise de fonctions officielle de Grâce Steph Antonétie Ivosso, première femme à occuper le fauteuil de maire de l’arrondissement 5, marque un jalon inattendu dans la longue histoire institutionnelle de Brazzaville. Au-delà du rituel protocolaire, c’est tout l’imaginaire de la citoyenneté qui s’est trouvé galvanisé, tant le plafond de verre semblait jusque-là persistant dans les sphères décisionnelles locales.
Attachée économique puis haute fonctionnaire aguerrie, Mme Ivosso épouse désormais un rôle que peu de ses consœurs avaient envisagé possible aussi vite. « Je mesure la responsabilité de ce mandat, mais je mesure surtout l’espoir qu’il suscite », confiait-elle, sourire maîtrisé, devant un parterre de notables (La Semaine Africaine, édition du 15 juillet). Dans une société congolaise qui a multiplié les dispositifs d’autonomisation féminine ces dernières années, son ascension illustre la capacité des institutions à reconnaître la compétence, indépendamment des clivages partisans ou genrés.
Les défis urbains de l’arrondissement 5 sous un nouveau regard
Ouenzé est cette mosaïque urbaine où les rues étroites côtoient des axes structurants récemment modernisés. Densité démographique élevée, pression foncière, assainissement capricieux : le diagnostic dressé par les services techniques ne laisse aucun doute sur l’ampleur des chantiers. Selon la direction départementale de l’urbanisme, l’arrondissement concentre plus de 180 000 habitants sur moins de 40 km², soit l’une des plus fortes densités du pays.
En dépit de telles contraintes, la nouvelle exécutive veut inscrire ses actions dans la continuité des programmes nationaux de développement local. L’extension du réseau de voirie secondaire, la régulation du marché foncier ou encore la sécurisation des servitudes publiques figurent déjà dans les premières notes internes. « Nous ne partirons pas d’une page blanche ; nous réorienterons simplement l’énergie des équipes vers des priorités clairement hiérarchisées », a-t-elle annoncé au lendemain de son installation.
Gouvernance inclusive et feuille de route concertée
La présence conjointe du ministre Juste Désiré Mondélé et des députés Romy Oyo et Daniel Iloye Gouya lors de la cérémonie n’avait rien d’anecdotique. Elle signalait la volonté du gouvernement de cimenter un partenariat transversal entre l’exécutif central et les autorités de proximité. Dans son allocution, le ministre a rappelé l’exigence d’une gouvernance affranchie de « toute coloration tribale ou partisane », afin de garantir l’adhésion des différentes composantes sociales.
Mme Ivosso a repris ce leitmotiv et esquissé une méthode de travail ouverte : réunions mensuelles de coordination avec les services déconcentrés, forum citoyen semestriel, publication d’indicateurs de performance municipale. Autant d’outils destinés à instaurer un climat de redevabilité, compatible avec la vision nationale d’une administration moderne et accessible.
Conjuguer ambitions locales et orientations nationales
Le plan de développement local 2022-2026, déclinaison du Plan national de développement en vigueur, assigne à chaque municipalité des objectifs mesurables en matière d’assainissement, d’insertion professionnelle et de gestion du patrimoine urbain. Ouenzé, de par sa position charnière entre le centre-ville et la ceinture périphérique, se voit confier un rôle pilote pour tester des solutions innovantes en matière de fiscalité locale et de digitalisation des procédures.
Dans cette perspective, l’expertise administrative de Mme Ivosso constitue un atout décisif. Ancienne cheville ouvrière de la dématérialisation des actes d’état civil à Mfilou-Ngamaba, elle devrait s’appuyer sur un effectif de 136 agents – moitié municipaux, moitié déconcentrés – pour répéter, voire amplifier, ces expérimentations. « Les outils numériques ne sont efficaces que s’ils dialoguent avec les réalités de terrain », nuance toutefois un cadre du Trésor public, rappelant la nécessité d’un accompagnement technique soutenu.
Un laboratoire pour la participation citoyenne des jeunes
Si l’arrivée d’une femme aux commandes procède d’une avancée symbolique, son effet catalyseur sur la jeunesse est tout aussi déterminant. Les associations de quartier, très actives dans le sport et la culture, voient dans cette transition un appel implicite à la co-construction des politiques publiques. Le collectif « Jeunesse Batik de Ouenzé » a déjà sollicité une audience pour exposer un projet de recyclage communautaire des déchets plastiques.
Le pari est clair : transformer la mairie en plate-forme d’émergence d’initiatives citoyennes, dans un contexte où le gouvernement encourage l’engagement des jeunes comme levier de cohésion sociale. En misant sur l’écoute et la pédagogie, Mme Ivosso s’inscrit dans la continuité des orientations présidentielles prônant un leadership responsable et inclusif. La route est exigeante, mais l’enthousiasme ambiant laisse entrevoir un couloir d’opportunités inédit pour l’arrondissement.