Un rendez-vous d’envergure nationale
Le salon aux boiseries sobres de l’Hôtel Pefaco a rarement résonné d’une telle effervescence intellectuelle. Cinquante voix issues des ministères stratégiques, des directions générales, des partenaires techniques et financiers, mais aussi des ONG et des médias, se sont retrouvées sous la houlette de Christian Mounzéo, coordonnateur national de la Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme. Pendant quarante-huit heures, les participants ont confronté leurs diagnostics et leurs espérances autour d’un thème qui, à lui seul, résume l’équation congolaise : bâtir une transition énergétique juste, équitable, inclusive, tout en préparant la diversification économique à l’ère post-pétrole.
La dynamique gouvernementale confortée
La présence active de hauts cadres de l’État, parmi lesquels Rosine Olga Mayela Ossombi, directrice générale par intérim du développement durable, a donné à la rencontre un caractère quasi institutionnel. En saluant « le gotha intellectuel mobilisé pour l’intérêt général », Christian Mounzéo a rappelé que la trajectoire souhaitée par le président Denis Sassou Nguesso s’aligne sur l’Agenda 2063 de l’Union africaine et les Objectifs de développement durable. La représentante du ministère de l’Environnement a insisté, avec un réalisme salué par la salle, sur l’urgence de transformer le slogan de la diversification en véritables chaînes de valeur créatrices d’emplois.
La science des chiffres et l’exigence sociale
Les économistes conviés ont rappelé la dépendance persistante des recettes publiques à l’or noir qui, certaines années, assure plus de 60 % des exportations. Derrière la statistique se cache une vulnérabilité manifeste aux chocs exogènes des cours internationaux. D’où l’insistance des sociologues présents, tel le professeur Clément Ngatsé, à replacer la question énergétique dans une perspective d’équité territoriale. « Une transition ne vaut que si elle réduit les inégalités et renforce la cohésion nationale », a-t-il martelé, invitant à considérer l’accès universel à l’électricité comme un droit fondamental.
Neuf axes pour un nouveau souffle économique
Au terme de trois panels successifs, les participants ont entériné une architecture stratégique en neuf axes qui vont de la montée en puissance des énergies renouvelables, qu’il s’agisse d’hydroélectricité, de solaire ou de biomasse, à la création de filières industrielles émergentes comme l’agro-transformation, la chimie verte ou le numérique. Y figurent également le renforcement des cadres réglementaires, la gouvernance transparente, l’inclusion sociale, la mobilisation des partenaires financiers, le développement des compétences nationales et une véritable diplomatie énergétique capable d’attirer les capitaux verts.
Partenariats et financements, la clef de voûte
Les discussions ont mis en lumière le rôle catalyseur que peuvent jouer les banques de développement, les fonds climat et le secteur privé local. Le directeur Afrique centrale d’une institution financière multilatérale a indiqué que « le Congo dispose d’un potentiel hydroélectrique sous-exploité et d’un ensoleillement généreux ; il suffit de présenter des projets bancables adossés à une gouvernance claire ». Du côté du ministère des Finances, l’on confirme que des instruments d’ingénierie financière, tels que les obligations vertes, sont à l’étude afin de sécuriser des ressources longues compatibles avec les infrastructures énergétiques.
Suivi citoyen et transparence renforcée
La société civile a plaidé pour un mécanisme national de suivi-évaluation ouvert, associant universités, médias et collectivités locales. L’idée est de garantir que chaque franc investi dans la transition serve réellement l’intérêt collectif. Les autorités se sont montrées réceptives ; un comité ad hoc, placé sous la tutelle conjointe du ministère de l’Environnement et de celui du Plan, doit être installé avant la fin de l’année pour élaborer un premier tableau de bord public. « La transparence n’est pas un luxe, elle est une condition sine qua non de l’efficacité », a relevé la juriste Prisca Loudza.
Obstacles à franchir et leviers d’action
Si l’optimisme domine, personne n’ignore que le chemin reste semé d’obstacles. Les fluctuations budgétaires liées au marché pétrolier pourraient retarder certains investissements. De même, la rareté de profils techniques spécialisés en énergies renouvelables pose un défi de formation que le gouvernement compte relever en mobilisant les universités nationales et les centres de formation professionnelle. Enfin, la coordination intersectorielle devra être affûtée pour éviter les doublons administratifs et assurer la cohérence globale de la politique publique.
Vers l’adoption d’une feuille de route nationale
La prochaine étape consistera à formaliser un rapport synthétisant les neuf axes, rapport qui sera soumis aux plus hautes autorités avant d’être décliné territorialement. Des ateliers seront organisés à Pointe-Noire, Dolisie et Ouesso afin d’aligner les ambitions nationales sur les réalités locales. À travers cette démarche graduelle, l’exécutif entend traduire la vision présidentielle d’un Congo prospère, résilient et respectueux de l’environnement, tout en demeurant fidèle à sa tradition de dialogue inclusif.
Un momentum à saisir pour la jeunesse urbaine
Pour les jeunes adultes de Brazzaville, cette transition offre plus qu’une perspective théorique : elle ouvre des débouchés dans les métiers de l’ingénierie solaire, de la maintenance hydroélectrique, du design numérique ou de l’économie circulaire. Nombre d’étudiants présents ont exprimé leur volonté de participer aux prochains forums afin d’y apporter une créativité indispensable. En conclusion des travaux, Christian Mounzéo a souligné que « le véritable carburant de l’après-pétrole, c’est l’intelligence collective de notre population ». Un message qui, au-delà des discours, invite chacun à devenir acteur d’un futur énergétique plus vert, plus juste et, surtout, résolument congolais.